Culte de l’arbre de la Bodhi
L’association de Sri Lanka avec Bodh Gaya remonte à l’époque où l’empereur Ashoka envoya une branche du pipal originel pour être replantée à Anuradhapura qui était alors la capitale de l’île. Le Mahavamsa relate les événements miraculeux qui accompagnèrent la coupe et le transport de cette branche jusqu’à l’île lointaine.
L’empereur en personne se serait rendu à Bodh Gaya accompagné d’une immense armée. Après avoir entouré d’un vaste écran l’arbre de la Bodhi “décoré d’une multitude d’ornements splendides, de joyaux, et de bannières colorées”, Ashoka, entouré de mille prêtres et mille souverains vassaux, fit des offrandes florales à l’arbre, se prosterna devant lui et en fit le tour. Les rameaux d’une des branches principales tombèrent d’eux-mêmes sur le sol. Lorsque fut marquée la partie qui devait être sectionnée avec un crayon d’or enduit de vermillon, la branche se détacha miraculeusement et fut recueillie dans un immense vase d’or, orné de pierres précieuses et empli de terre parfumée, qui avait été prévu pour son transport. Ce vase aurait ensuite été amené à Sri Lanka par la princesse Sangamita, fille ou nièce d’Ashoka.
Depuis cette période, les pèlerins cinghalais se rendirent fréquemment à Bodh Gaya. On a retrouvé sur la balustrade de l’époque shunga le nom d’un donateur, Bodhiraksita de Tambaparna, l’un des noms de Sri Lanka. C’est le plus ancien témoignage de l’association doublement millénaire des fidèles bouddhistes de l’île avec Bodh Gaya.
Lorsqu'en 1811, le botaniste et cartographe anglais Hamilton Buchanan passe à Bodh Gaya, il mentionne que l'arbre de la Bodhi était très vigoureux. Par contre, quand A. Cunningham vient à Bodh Gaya pour la première fois en 1862, il note que l'arbre est très malade. Puis, quand il revient pour entreprendre les fouilles en 1875-76, il écrit lui-même : "Il [l'arbre] était totalement dégénérescent… La seule partie encore vivace s'écroula sur le mur ouest lors d'une tempête… De nombreuses graines avaient été recueillies et des rejets avaient déjà poussé. " Il ajoute qu'entre l'époque d'Ashoka et la fin du XIXe siècle, il y aurait eu entre douze, quinze ou même peut-être vingt rejets de l'arbre originel
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Dans le sous-continent indien, le temps est une notion souple, signe d'impermanence. Non pas une impermanence dramatique comme en Occident, mais une acceptation du déclin et de la disparition qui, bien que douloureuse, reste normale et sans cesse présente dans la mentalité collective. Il ne s'agit pas de fatalisme : c'est plutôt une véritable sagesse du temps. La réalité n'est pas une notion solide, mais éminemment transitoire : le passage de l'homme sur terre n'est qu'un vol de libellule.
p 365 : Ces hommes qui perpétuent des vocations ou des traditions séculaires continueront pendant des années encore à sillonner jungles, fleuves et plaines à pratiquer leurs métiers, leurs jeux et leur art. Puis ils disparaîtront, sans provoquer de vague de nostalgie ou de regret, balayés par le vent de l'histoire, comme les superbes créations picturales des paysannes rajasthani qui ornent le seuil de leurs huttes quelques mois durant, avant d'être effacées par la pluie de la mousson.