Je suis un lieu de vent d'eau de songe et de sable.
Entre les dieux et nous…
Entre les dieux et nous l’amour est un passage
Rares sont ceux qui vont jusqu’au delà du pont
Mais les amants qui sont des porteurs de message
N’ont pas à deviner si quelqu’un leur répond
L’amour leur suffit bien avec tous ses bagages
Avec ses mille feux allumés sur la nuit
Car un amour jamais ne connaît son langage
Et porte son secret comme un arbre ses fruits
La mort n’arrête rien car dans l’ombre complice
Un amour quelquefois peut se continuer
Il faut que le destin des amants s’accomplisse
Et ce n’est que le temps qui peut diminuer
Cette vie à tout prendre est une bonne auberge
Même si les repas y sont rares souvent
Mais tout peut-il finir parce que sur la berge
Un voyageur est pris dans les filets du vent
Je suis un étranger Faites-en votre deuil
Je ne suis pas venu pour recommencer mon père
Ni m’enterrer vivant dans vos maisons prospères
Où mon frère jamais n’a dormi que d’un œil
Je regarde longtemps la vie et je la nomme
Je m’offre le mandat de flairer votre sang
Je suis ce qui demeure au milieu des passants
Je suis dans le néant l’ambassadeur de l’homme
Famille je vous laisse après toutes ces nuits
Qu’irais-je faire encor dans vos miroirs Me taire
Et laisser l’inconnu sur nos corps sans mystère
Se mesurer avec les spectres de l’ennui
Je ne veux pas savoir ce que sont devenues
Les choses de l’enfance et de l’amour défunt
La tombe de ma mère en garde le parfum
L’absence est une vieille aux mains tristes et nues
Esclaves savez-vous qu’il suffirait d’un geste…
Esclaves savez-vous qu’il suffirait d’un geste
Pour que tombent ces fers que vous dites cruels
Mais l’esclavage vous est trop habituel
Pour qu’un désir de vivre en cette peau vous reste
Vous êtes nés, devant cet horizon de meules
Pour y broyer l’amour et le pain des vivants
Vous ne pouvez tenir debout et le pouvant
Que feriez-vous avec ces mains vides et veules
Tournez dans vos saisons, de meules et de guerres
Passez encore un coup sous vos arcs triomphaux
Les amants savent seuls éviter les jours faux
Et vivre sans tomber dans les pièges vulgaires
Les mains du souvenir…
Les mains du souvenir sont pleines de poignards.
Visitez l’avenir dans la barque de Dante !
Meublez-vous pour longtemps d’une chapelle ardente !
La mode est aux couleurs du zèbre et du bagnard.
Exigez pour vos fils l’efficace arme blanche
Prenez cet avion si vous aimez le ciel !
Ne perdez pas de temps ! Lisez l’Essentiel,
Qui paraît tous les jours excepté le dimanche
Un mirage par jour vous attend au Tonkin ;
Un miracle par nuit, dans les chambres de Lourdes.
Ne buvez pas légèrement ! Buvez l’eau lourde !
Personnalisez-vous par des gants en requin !
Pourquoi saigner du nez quand la gorge est plus belle ?
Un homme pauvre dort au Métropolitain.
À moins de mille francs, vous n’êtes pas putain.
Cette blessure au cœur est signée Isabelle.
Sous la Seine, le grand spectacle est permanent.
Les rats de l’Opéra vivent à la surface.
Le savon X rend les mains pures quoi qu’on fasse.
Un concile de Rome est plein de revenants.
Un enfant qu’on torture a le droit de se taire.
Les César de demain passent par le bidet.
L’aveugle vit le Christ, mais le sourd l’entendait.
Le choc de l’avenir est interplanétaire.
RIEN NE POUVAIT…
Rien ne pouvait nous retenir dans ces parages
De sable et d’or fondu. L’eau lourde des orages
Bat la proue et mon cœur est fidèle au voyage.
Je connais l’avenir de cordes et de bois
Que le temps me prépare au moment où je bois
Le vin léger d’un corps qui se met aux abois.
Sur les ponts inquiets, l’aventure de vivre
N’a pas plus de raison qu’au gouvernail d’un livre ;
Mais l’horizon des mers est plus secret à suivre…
J’écoute un changement muet se faire en moi.
Ma jeunesse finit au détour de ce mois.
Devant l’abîme ouvert, je n’ai plus que ma voix.
Les tours sonnent déjà l’heure de la mémoire.
Les terres de l’amour sont trop loin pour y croire.
Il me reste à vieillir entre deux territoires.
De tous les vieux poisons, l’espoir seul est amer.
Les filles et le vin me disent le même air.
La barque de mes jours va vers la haute mer.
Ce monde où tes vingt ans…
Ce monde où tes vingt ans lucides s’épouvantent
Ne vaut pas que ton cœur s’acharne à le sauver
Laisse à d’autres le soin des prières, savantes
Et vois comme l’amour est amer à trouver
Dominique surgie à côté de mes armes
Peux-tu ne pas savoir que nous sommes trahis
La grâce de Mozart n’est plus que dans tes larmes
Le poète et l’amant n’ont pas d’autre pays
Ces villes où l’amour tremble de solitude
Ces ombres entre nous qui masquent des bouffons
Cette foule qui n’aime que sa servitude
Valent-elles jamais le mal qu’elles nous font
Reposons-nous ce soir dans leur ville anonyme
Partageons-nous le pain et le vin de l’exil
Les chambres du passé toutes pleines de crimes
Ne garderont de nous qu’un très vague profil
Je ne vois rien d’heureux…
Je ne vois rien d’heureux dans tout ce paysage
Rien que ta solitude à côté de mon cœur
J’ai beau fouiller leur âme et scruter leur visage
L’abîme a mis sur eux ses griffes de vainqueur
Laisse dans le passé se vider toute plaie
J’aime que cette peau leur ait appartenu
Notre saison d’amour n’en sera que plus vraie
Et la mort n’aura plus qu’un visage connu
Car à quoi bon vouloir prolonger la romance
Dans ces villes où vivre est souvent malséant
Seule l’enfance (un peu) vaut qu’on la recommence
Le reste n’est que le théâtre du néant
Le coup de pouce du destin, cela existe. Il y a des hasards brusques comme des coups de vent qui peuvent, en quelques secondes, bousculer les vies les mieux établies.
Europe mon asile de nuit…
Europe mon asile de nuit plein de plaies
Vaisseau gorgé de honte où le soleil décroît
Quand t'allègeras-tu des aigles et des croix
Qui t'ont longtemps caché les profondeurs plus vraies
L'avenir te déserte Europe Tu pourris
Dans le dernier orgueil de ta robe de veuve