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Citation de gerardraynal66


Tout est obscur depuis que tu n’es plus là !
Le dos légèrement courbé derrière le zinc, Marie d’en Paulin me regarde d’un oeil attendri. Peu de clients dans le café des Sports à cette heure tardive. Seul dans un coin de la salle, un vieil homme échevelé et pauvrement vêtu sirote son Banyuls. Dehors, une voiture à bras tonne le long du Douy. De loin en loin, on entend les rires rauques de pêcheurs en partance. Un chien roux vient japper un instant près de la porte, puis s’enfuit. Des chats parcourent les ruelles, et se disputent parfois, dans un vacarme de cris, de miaulements et de pleurs. J’aime la quiétude des soirées Catalanes. Ici, la saison est belle encore, et l’on peut espérer pour demain d’agréables promenades du côté de la Madeloc ou dans les forêts de Valmy. Le vent du nord fait claquer une voile. Par instants, comme si tous les êtres le décidaient ensemble, un silence de mort règne sur Collioure. C’est alors un grand trou glacé, un vide immense, où mon coeur puise un peu de repos. Rien ne m’habite plus, que ce silence. Les yeux clos, je le goûte seconde après seconde. Mais une voix le brise :
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― Un petit verre Monsieur Marcel, il faut vous remonter un peu, et j’aime pas vous voir comme ça, à ruminer dans votre barbe…
Le vin doux servi sur le comptoir m’invite à quitter ma place. Puis la bonne Marie enchaîne :
― Monsieur Marcel, je vois que vous n’avez pas mangé, et comme il me reste une peu de « pignatte », si vous voulez, il y en aura bien assez pour nous deux.
J’adore ce plat de poissons, et ça, Marie le sait.
Sans attendre ma réponse, elle crie : « Alors, passons à table ». Elle me parle de toi. Elle t’aimait bien. « Ah mon pauvre Marcel, la vie n’est pas toujours facile, je suis bien placée pour le savoir, mais il faut faire face, tout s’arrange un jour ! » Sa vie, je n’en connaissais presque rien. Marie est plutôt discrète lorsqu’il s’agit d’elle. Je sais seulement que son mari a précocement disparu, et que depuis, pour elle, seul le travail et les enfants comptent. Pourtant, aujourd’hui, si j’insistais, elle me parlerait de Collioure, elle me parlerait des arcanes d’une existence pas toujours rose, elle me parlerait peut-être de son enfance. Mais moi je ne suis plus là, ma tête est ailleurs, perdue dans un brouillard qui me ramène quelques mois en arrière…
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