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Citation de gerardraynal66


Amis, puisse Dieu me pardonner de remuer en vous les démons du passé, puisse Dieu me pardonner ! Je suis un vieil homme fatigué, revêtu de noir comme les miens, et comme eux, si proche de la fin. Mon regard se porte en arrière, sur une route jalonnée d’épreuves, une route longue et douloureuse, semée de peine et de désillusion. Lors, resurgissent dans ma mémoire, les paysages de mon enfance.
Dieu, que je les aimais mes Corbières, ce pays écrasé de lumière où les luisances du soir exacerbaient nos âmes ! Dieu, que je les aimais ! Mais le lien invisible qui nous y arrimait n’a pas résisté à la bourrasque immense du malheur. Des cités détruites et des innocents condamnés, amis, j’en ai vu plus que mon lot. J’ai croisé des armées infâmes marchant sur de misérables bastides ; et sur combien de bûchers, ai-je pleuré ? Depuis l’année maudite mille deux cent neuf et l’ignoble massacre des habitants de Béziers par les croisés du pape, les malheurs n’ont cessé de s’abattre sur notre pays. Mais de cela, nous reparlerons. Aujourd’hui
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encore, trente trois ans après, l’armée royale s’est substituée à celle des catholiques, et l’ennemi continue à nous asservir. La croisade est devenue une guerre de conquêtes. L’inquisition nous pourchasse plus que jamais, nous les ministres de la vraie foi, et il ne nous reste que très peu de refuges. Je suis devenu, vous l’aurez compris, un prêtre de cette si belle religion cathare, un « Bon-Homme », ainsi qu’on a coutume de nous appeler.
Je vis maintenant en ce Castel de Montségur, où l’on se sent si proche du paradis, qu’on en oublie la guerre et la terreur. C’est une belle citadelle, fraternelle aux déshérités. Unis les uns aux autres, soudés en un corps indissoluble, nous y demeurons, le coeur tourné vers le « Très Haut ». Au-dessus de nos têtes, un ciel de bleuet étend à l’infini son linceul immaculé. « Bons-Hommes » et « Bonnes-Femmes », ont dans le regard des éclairs de joie. Parfois, ma tête se charge de mille images de mon jeune âge, celui où Sagesse n’avait pas encore façonné mon âme. Elles me parlent de cette époque lointaine où, pour nous, commença la meschance.
Mes souffrances, je vous les conterai amis, non pour vous faire larmoyer, mais afin que vous sachiez qui nous étions.
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