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Citation de Erveine


Dans l'Aurès, c'était le père qui calculait les rations et qui les distribuait, mais il faut savoir que la transhumance et la dispersion des champs le contraignaient à stocker sa récolte dans le grenier collectif, lieu public auquel les femmes n'avaient pas accès.
Dans les deux Kabylies (où les provisions étaient conservées sous le toit familial, dans d'immenses jarres en argile crue pouvant contenir jusqu'à 900 litres de céréales), c'était à la maîtresse de maison qu'incombait la charge de calculer la ration de chaque jour. Sur un côté, ces grandes jarres étaient percées, à différentes hauteurs, d'ouvertures permettant de passer la main. "Lorsqu'elle débouchait l'ouverture du dernier niveau, ma mère pleurait", m'a dit un vieux Kabyle.
Retenons ce mot, et n'oublions pas que, pendant des millénaires, les paysans ont appris qu'il faudra vivre une année avec la récolte d'un seul mois, ce qui implique des calculs, une science véritable. Cette science, on peut se permettre de la détruire, mais à la condition de la remplacer par un autre système de ressources et un autre type d'expérience comptable. Lorsqu'on la bouscule sans rien remplacer, on fabrique ces impasses qu'on a l'indécence d'appeler "pays en voie de développement" - alors que le développement leur est devenu quasi impossible.
Avant 1940, l'expérience millénaire des paysans méditerranéens était encore intacte dans l'Aurès que j'ai connu, et les années normales on y vivait, pauvrement, un an, sur la récolte d'un seul mois. (p.116/117)
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