Citations de Ghaan Ima (22)
— Les monstres n’existent pas. On a tous ça en nous. Je ne suis pas pire que lui. Mais pas meilleure.
— Ça, c’est parce que vous n’avez jamais rencontré de vrais monstres. Mais quand on commence à manquer de tout, les vrais caractères se montrent.
Lorsque la majorité de la masse s’inverse, le reste suit, comme un champ de petits aimants qui changerait de polarité, comme si nous n’existions pas en tant qu’individus mais en tant que parties d’un tout que l’on manipule aisément. Balles de glaise que les mots peuvent modeler à leur aise.
L’obéissance de la foule la sidère. L’humanité n’est qu’un troupeau aveugle.
Pourquoi se soucier encore de prudence ? Si elle meurt, autant mourir avec elle. Elle est son monde. Son univers autour duquel gravite toute nécessité, une danse d’émotions et de vérités qui cessera à jamais. Sans elle, le monde entier cessera de tourner.
C’est une chose de ne pas avoir confiance en un collègue manipulateur qui vous vole vos primes. C’en est une autre d’affronter la fin du monde avec lui. D’affronter ce regard qui glace le sang.
Je ne donnerai plus jamais d’ordre. Plus jamais.
Quitte à ce que le troupeau aveugle piétine tout sur son passage, Danièle préfère s’écarter de son chemin et ne plus prendre la responsabilité de le diriger. Elle n’a pas la vocation d’être bergère, juste de faire taire cette souffrance éternelle. C’est elle qui a besoin d’aide en vérité.
Il lui faut du temps pour réaliser qu’elle serre encore dans sa main cette lame qui ne devrait être qu’un inoffensif couteau à hacher des légumes. Car les armes n’existent que dans la main de ceux qui les utilisent. Les objets sont innocents, pas les humains.
Le mal n’est qu’une forme de moisissure qui plonge ses racines en chacun de nous. Danièle sait que les monstres n’existent pas, ils sont dans notre chair comme autant de ramifications de la pourriture qui déforme les âmes depuis que l’humanité est née. Si on ne l’attaque pas, on en devient la proie.
Comment peut-on frapper quelqu’un comme ça ? Comportement immonde. Un ordre ne suffira pas. Certains humains valent moins que ça.
Les monstres n’existent pas. On a tous ça en nous. Je ne suis pas pire que lui. Mais pas meilleure.
Brouillard à l’ammoniaque et pluies acides sèment la mort dans le monde entier. Seuls les pays désertiques sont épargnés et auront peut-être le temps de se préparer et de protéger leurs écosystèmes. La faune, la flore, les océans, les sols calcaires… Il paraît que la Terre est condamnée à être détruite si on ne fait rien. « On » étant les scientifiques et les politiciens qui commencent déjà à vouloir jouer les apprentis sorciers.
L’humanité est laide, certes, mais en arrivant dans ce pays, Danièle a découvert que l’espoir existait encore. Les gens qui vous proposent de l’aide dans la rue, la patience de ne pas vous bousculer dans les escalators, de ne pas se précipiter le premier dans une rame de métro, de faire la queue à l’arrêt de bus… Ici, le civisme existe encore.
Il vaut mieux économiser son souffle pour son ennemi, qui l’observe de loin avec de mauvaises intentions dans le regard. Elle relève la tête, bravache, et se met aux fourneaux pour nourrir les petits car leur mère n’ose pas resquiller.
C’est toujours plus facile de baisser les yeux devant une injustice. Danièle connaît ce regard-là. Elle le croisait au collège, quand on la harcelait, que les autres élèves avaient peur, que ses parents étaient trop occupés pour remarquer qu’elle maigrissait.
Ce sentiment d’injustice blessée, qui se change peu à peu en dégoût et en haine, Danièle ne le supporte plus. D’affreux picotements de rage envahissent ses doigts, serrent ses mâchoires.
Ceux qui croient que les leaders forcent les gens à les suivre n’ont rien compris à ce qui se cache au plus profond de l’âme humaine. Là, loin dans les tréfonds de chaque cœur, il n’existe qu’un mouton bêlant de peur et qui attend qu’on le tonde.
Il existe toujours une bonne raison, la connaître vous donne une longueur d’avance.
L’obéissance de la foule la sidère. L’humanité n’est qu’un troupeau aveugle.
Danièle travaille comme chargée de production dans le jeu vidéo. Ce n’est pas forcément le poste le plus intéressant avec son côté administratif, d’autant plus qu’elle est cantonnée aux jeux imitant des machines à sous. Mais c’était une occasion inespérée de fuir son ancienne vie, sans compter que ses études d’ingénieur avaient fini par lui donner envie de vomir des composants électroniques.
La neige est rose, comme si elle était coupée de sang. Cette idée la fait frissonner.
La jeune femme a quitté la France pour le Québec trois ans plus tôt. Une émigration définitive malgré les protestations de sa famille. C’est eux qu’elle fuyait, ce poids sans mauvaises intentions mais qui lui pourrissait la vie autant que les souvenirs de son adolescence ratée.
- Pas équipés, pas organisés. Comme si, depuis dix ans, on ne savait pas que les terroristes ont des armes chimiques !