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Citations de Ghérasim Luca (91)


Ghérasim Luca
La Sainte communion

Le 8 mai j’avais quitté l’usine effiloché comme d’habitude
couvert de poussière dans les rues coudoyant des messieurs en pelisses
parmi de belles femmes fatigué et effiloché
et un humide dégoût emplissait ma bouche
cette belle dame m’avait perçu du haut de sa voiture
j’étais un gars pas mal – le crachat ça ne se voit pas
elle avait des cheveux ondulés et une voiture
ma présence là noyée de poussière éveillait en elle un suave frisson sous ses bas
et jusqu’à la porte de son appartement luxueux la voiture légère a roulé
où travailles-tu me demanda-t-elle pendant qu’elle enlevait son manteau
depuis quelques jours à l’usine de gaz
tu es un gars bien bâti et assez beau tu pourrais mieux gagner
depuis six mois et jusqu’à hier je ne mangeais qu’une fois tous les deux jours
notre discussion pouvait se prolonger à l’infini
mes paroles à moi sentaient le pain le gaz
elle gazouillait comme un piano ouvert des paroles de romances à la mode
et pourtant la manière virile dont ma chair s’arrondissait sur les os
faisait que nous nous entendions à merveille
l’heure est avancée, couchons-nous
le lit sentait moelleusement le chaud et le propre
la dame savait mieux faire l’amour que discourir
et moi j’aimais ses cheveux parce que j’avais besoin de les tirer.
Le matin elle me dit au revoir mon cher
(il était 5 heures et à 6 l’usine ouvrait)
nous nous reverrons ce soir à 8 nous dînerons ensemble
auprès de mes paroles sentant le pain le gaz
je conservais une bouche pleine de crachats
elle la vit elle s’en effraya
cette belle dame avec laquelle toute nuit je me suis promené dans l’amour et l’automobile – elle disparut
à sa place fumait une vieille ridée, ses lunettes sur son nez qui lisait assidûment les Saintes Écritures.

(Publié dans « Meridian » N° 11,1927, puis traduit du roumain par Micaela Slăvescu et cité dans « La Réhabilitation du rêve », p. 510-511)
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Ghérasim Luca
Je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque je te navigue
je t'ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu m'iris
je t'écris
tu me penses

Extrait de Paralipomènes
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Ghérasim Luca
Tragédies qui devront arriver

Je suis libre
et je puis remarquer avec une particulière attention les choses qui m’entourent
mes doigts tremblants comme des peupliers et courts comme des balles
ont serré aujourd’hui avec force le cou blanc d’une femme
de même que les poètes anciens serraient sur leur poitrine pendant leurs habituels accès d’amour pour la nature
les fleurs–les moutons–le champ et les étoiles
les poètes d’aujourd’hui, les poètes aux doigts tremblants comme des peupliers et courts comme des balles
ont chacun à la maison un cou blanc de femme qui doit être assassinée
la lucidité avec laquelle nous regarderons plus tard les choses qui nous entourent est tellement nécessaire
et leur langue violette, quel drôle de spectacle.

Maintenant puisque nous sommes libres notre promenade dans les rues présente une importance que nous devons bien comprendre :
les femmes sont plus élégantes aujourd’hui et plus provocantes mes gentils messieurs,
les vitrines des magasins plus chargées et plus illuminées
et nos poches d’habitude pleines de bonbons et de petits mots contiennent des cailloux de toutes les dimensions.
Avec nous sont sortis à la promenade aussi d’autres gens sur les grands boulevards de la ville
ils ont les doigts blancs et gras comme des morceaux de lard,
ils ont les doigts dans la poche
et à côté, à part la dernière photo de la bien-aimée un mouchoir plein de morve.

Les poètes d’aujourd’hui, les poètes aux doigts tremblants comme des peupliers et courts comme des balles
les poètes qui ont dans toutes les poches des cailloux
doivent savoir que la seule difficulté est la casse de la première vitrine rencontrée sur les grands boulevards,
car les autres vitrines se cassent toutes seules
de même qu’il suffit d’éteindre une seule étoile pour qu’ensuite les autres s’éteignent toutes seules.

Je vous demande pardon pour cette comparaison avec l’étoile
ô poètes,
ce n’est qu’un souvenir du temps jadis
lorsque je tombais en extase devant les arbres fleuris et je m’évanouissais à chaque lever de soleil.

Les poètes d’aujourd’hui, les poètes aux doigts tremblants comme des peupliers et courts comme des balles
ils peuvent jeter la pierre sur ma comparaison avec l’étoile
ce sera sans doute la première vitrine que vous allez casser
les autres vitrines se cassent toutes seules.

(Publié dans « Viața imediată » N° 1, décembre 1933, puis traduit du roumain par Dumitru Tsepeneag et cité dans « La Réhabilitation du rêve », p. 510-511)
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Ghérasim Luca
Mais ce que nous aimons, toujours inattendu, toujours de l’autre côté du vent, obéit aux règles diffuses et tranchantes d’un jeu presque perceptible. Mettre son corps dans le secret du mental, s’attirer le hasard, mordre la nuit...

Gherasim Luca, inédits, Fusées n° 7
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Les objets, c'est mystérieuses armures sous lesquelles nous attend, nocturne et dénudé, le désir, ces pièges de velours, de bronze, de fils araignée que nous nous jetons à chaque pas ; chasseurs et gibiers dans les pénombres des forêts, à la fois forêt, braconnier et bûcheron, bûcheron tué à la racine d'un arbre et couvert de sa propre barbe sentant l'encens, le bien, le cela-n'est-pas-possible ;
(p. 41)
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Ghérasim Luca
 
 
Libérez le souffle et chaque mot devient un signal.
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De ce conflit entre le démon de la liberté et le dieu de la prison se détache, pour la justification de mon délire d'interprétation, le chiffre obsessionnel 9, que les calculs faits par la kabbale noire me désignent comme un chiffre entièrement analytique, et, tout puissant sous sa pèlerine de cristal, avec son œil rouge de comète, s'en détache encore L'AMOUR, fou et lucide, réel et virtuel, mort et vivant comme les cheveux de Déline. Déline, fantôme indéchiffrable de l'amour, s'endort sur mon épaule en obscurcissant l'obscurité.
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Accouplé à la peur
comme Dieu à l’odieux

le cou engendre le couteau

et le Coupeur de têtes
suspendu entre la tête et le corps

comme le crime
entre le cri et la rime

(p. 99, À gorge dénouée)
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Ghérasim Luca
JE M'ORALISE
transcription



extrait 3

Le poème, un lieu d'opération

Le mot y est soumis à une série de mutations sonores

chacune de ses facettes libère la multiplicité de sens
dont elles sont chargées

Je parcours aujourd'hui une étendue
où le vacarme et le silence s'entrechoquent

où le poème prend la forme de l'ombre
qu'il a mise en marche

Mieux,
le poème s'éclipse
devant ses conséquences

En d'autres termes

JE M'ORALISE
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e te lune
tu me nuage
tu me marée haute
Je te transparente
tu me pénombre
tu me translucide
tu me château vide
et me labyrinthe
Tu me paralaxe
et me parabole
tu me debout
et couché
tu m'oblique
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Vous avez un air intensément solennel aujourd'hui et, jamais encore, je n'avais ressenti de telle façon l'impression de perdre un avantage récemment acquis (cet avantage dont le frisson vainqueur avait été si prodigieux) que lorsque j'eus enfin compris que vous aviez à m'adresser de graves reproches.
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la beauté de ton sourire ton sourire
en cristaux les cristaux de velours
le velours de ta voix ta voix et
ton silence ton silence absorbant
absorbant comme la neige la neige
chaude et lente lente est
ta démarche ta démarche diagonale
diagonale soif soir soie et flottante
flottante comme les plaintes les plantes

Début du poème "Le rêve en action"
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LA FIN DU MONDE
tu me fluide

tu m'étoile filante

tu me volcanique

nous nous pulvérisable


Nous nous scandaleusement
jour et nuit
nous nous aujourd'hui même
tu me tangente
je te concentrique


Tu me soluble
tu m'insoluble
tu m'asphyxiant
et me libératrice
tu me pulsatrice


Tu me vertige
tu m'extase
tu me passionnément
tu m'absolu
je t'absente
tu m'absurde

p.292-293
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dans ces exercices amoureux
où un homme et une femme
se cramponnent l'un à l'autre
pour réfléchir mutuellement le néant
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Votre porte se ferme ou ne se ferme pas. Elle ne s'explique pas par elle-même, mais en elle on s'explique une chose par une autre, indéfiniment. Ainsi a-t-elle forcément besoin du jugement que les autres portent sur ce qu'elle fait, et elle y est d'autant plus sensible qu'elle situe au-dehors ceux qui la jugent.
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ce voyageur solitaire
qui promène une mélancolie profanatrice
et furieuse
dans les allées paisibles du cimetière
n'est qu'un amoureux
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Passionnément


pas pas paspaspas pas
pasppas ppas pas paspas
le pas pas le faux pas le pas
paspaspas le pas la mau
le mauve le mauvais pas
paspas pas le pas le papa
le mauvais papa le mauve le pas
paspas passe paspaspasse
passe passe paspaspasse
passe passe il passe il pas pas
il passe le pas du pas du pape
du pape sur le pape du pas du passe
passepasse passi le sur le
le pas le passi passi passi pissez sur
le pape sur papa sur le sur la sur
la pipe du papa du pape pissez en masse
passe passe passi passepassi la passe
la basse passi passepassi la
passio passiobasson le bas
le pas passion le basson et
et pas le basso do pas
paspas do passe passiopassion do
ne do ne domi ne passi ne dominez pas
ne dominez pas vos passions passives ne
ne domino vos passio vos vos
ssis vos passio ne dodo vos
vos dominos d'or
c'est domdommage do dodor
do pas pas ne domi
pas paspasse passio
vos pas ne do ne do ne dominez pas
vos passes passions vos pas vos
vos pas dévo dévorants ne do
ne dominez pas vos rats
pas vos rats
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Bien au-delà du peu
la peau et l'épée
lapent
l'eau ailée
du petit pire

Toupie d'une peur idéale
épi à pas de pou
appât
ou pâle pet de pétale
La vie dupe la fille du vite

Tapis doux
où les fées filent
les feux muets
d'un rien de doute

L'effet est fête
faute hâte
écho et cause
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DÉ-MONOLOGUE

En passant
du
dialogue
au
dé–monologue

un coup de « dé »
abolit
toujours
le hasard

Hors-la-loi des contraires

Sphinx
à cheval d’échec
sur pile et face
Oedipus Rex
à cheval de Troie
sur le plein et le creux

À cheval érotique
— Cabbale Éros —

sur question et réponse

Tour d’échec
sur éléphant sans défense

Et sur la tour d’échec
le fou d’échec
à cheval d’échec
sur la reine d’échec
et
le roi d’échec

Sur volupté et terreur
succéchec monstre

Destin et chaos en ruban de Moebius

(au Bois Sacré de Bomarzo)
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Depuis que je vis mes rêves, depuis que je suis le contemporain des siècles à venir, je ne connais plus la mort sous l'aspect anéantissant qu'elle a gardé dans la société actuelle. Ce n'est que dans les moments de grande dépression que je me rends compte que, dans le monde de canailles où je suis né, je serais forcé de mourir, tout comme dans la rue je suis obligé aujourd'hui de côtoyer des prêtres et des flics.
(p. 52)
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