Il se passera des choses fantastiques puis des choses dramatiques et, entre les premières et les secondes, il y a un petit avion. Nous sommes le dixième jour du dixième mois de la dix-huitième année du vingt et unième siècle. Tout a augmenté. Un petit avion s’apprête à survoler les Alpes – très peu de nuages, presque aucun – avec deux personnes à son bord, un homme muet et une femme qui regarde, fascinée, à travers le hublot. L’automne est transparent. Il y a vingt-cinq minutes, on a placé sur les oreilles de la jeune femme le casque antibruit équipé du micro dans lequel il faut parler. Elle. Un petit avion a décollé il y a vingt minutes de la piste d’Ivrea, où scintillent d’anciennes constructions civiles. Un petit avion s’est lancé dans les airs, il a pris de l’altitude et rentré ses volets, il a traversé la couche de transition et pointé vers le ciel. Lui, il ne dit rien, il n’a jamais dit un mot : ses cordes vocales ne fonctionnent pas, c’est un défaut congénital. Mais il n’est pas indispensable de posséder une voix quand il y a tant d’images à disposition, tant de cartes à montrer chaque fois qu’il est urgent de formuler une idée ou d’exprimer un désir, qu’il est nécessaire de prendre la fuite, d’acheter, d’humilier quelqu’un. Ou peut-être seulement de s’en approcher.