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Citation de SileneEdgar


D’un lapsus peut naître une histoire, c’est bien connu. Si, par exemple, il m’arrive d’écrire couvent des «cara- mélites» au lieu de couvent des «carmélites», je fonde un nouvel ordre religieux susceptible d’éveiller bien des vocations chez les enfants gourmands. De la même façon, si j’écris «Vanille» pour «Manille» ou «Miélorus- sie» pour «Biélorussie», voici découvert un nouveau pays doux et parfumé: ce serait dommage de la bannir, d’un simple coup de gomme, des cartes du possible; mieux vaux l’explorer, en touristes de l’imagination.

[...]

Un magnifique exemple d'erreur créatrice est celui que l'on trouve, selon Thompson (Les contes de fées dans la tradition populaire) dans un célèbre conte de Charles Perrault : la pantoufle de Cendrillon, à l'origine, aurait dû être de "vair" (sorte de fourrure), et ce n'est que par une heureuse méprise qu'elle se transforma en "verre". Une pantoufle de verre est à coup sûr beaucoup plus séduisante et féconde sur le plan de l'imagination qu'une quelconque pantoufle de fourrure, même si elle est née d'un calembour ou d'une erreur de transcription.

[...]

N'importe quelle faute d'orthographe contient une histoire en puissance.
Une fois, à un enfant qui avait écrit "poison" pour "poisson", je suggérai d'inventer l'histoire d'un poissonnier qui avait peint sur la vitrine de son magasin l'inscription "poison frais". D'autres enfants se précipitèrent sur ce thème. Il en sortit toute une histoire : le malheureux poissonnier perdait toute sa clientèle et n'y comprenait rien : la police s'en mêlait, faisait une enquête, etc.
Un "vollume" avec deux l, est-ce seulement un livre plus volumineux que les autres, ou bien un livre raté, ou encore un livre très spécial ?
Un "révolvair", est-ce un pistolet qui tire des balles, des fléchettes ou des violettes ?
Entre autres choses, jouer avec les fautes d'orthographe, c'est déjà une façon de s'en débarrasser en prenant du recul. Le mot correct n'existe que par rapport au mot incorrect. Voilà qui nous ramène au "binôme imaginatif" (ndrl. : idée définie plus tôt et qui explique comment faire le lien entre deux mots ou deux idées sans rapport pour créer une histoire) : l'exploitation d'une faute, volontaire ou involontaire est un cas intéressant et subtil de "binôme" ; en effet, le premier terme du binôme engendre spontanément le seconde, presque par parthénogenèse. Un "coq de gruyère" naît d'un "coq de bruyère" [...]. Et souvent, les référents des deux termes - par exemple "chatte" et "chate" - restent des parents très proches ; le second est dépourvu d'une signification propre : son sens dérive exclusivement du sens du premier, dont il n'est qu'une altération (une "chate" est un animal mutilé et pitoyable : elle n'a qu'une moustache, marche sur trois pattes et - honte suprême ! - est pourchassée par les rats...). En somme, le second est une "maladie" du premier. Maladie particulièrement évidente dans l'exemple de "coeur" et "queur" : il n'y a pas l'ombre d'un doute que ce "queur" est un coeur malade. Il a besoin de vitamine C.
L'erreur peut révéler des vérités cachées, en particulier sur le plan idéologique.
On peut obtenir plusieurs erreurs à partir d'un seul mot, et donc plusieurs histoires. Par exemple, à partir du mot "l'automobile" : "l'octomobile" (il s'agit d'une voiture à 8 roues, j'imagine), "lotomobile", "l'autonubile", "l'autonoble" (cette auto doit être au moins duchesse et refuse probablement d'être garée dans un quelconque garage plébéien).
C'est en se trompant qu'on apprend, affirme un vieux proverbe. Un nouveau pourrait aussi bien affirmer : c'est en se trompant qu'on invente.
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