Rencontre avec Gil Courtemanche, écrivain
Nous pouvons tous nous transformer en assassins, avait toujours soutenu Valcourt, même l'être le plus pacifique et le plus généreux. Il suffit de quelques circonstances, d'un déclic, d'une faillite, d'un patient conditionnement, d'une colère, d'une déception. Le prédateur préhistorique, le guerrier primitif vivent encore sous les vernis successifs que la civilisation a appliqué sur l'humain. Chacun possède dans ses gènes tous le Bien et tout le Mal de l'humanité. L'un et l'autre peuvent toujours surgir comme une tornade apparait et détruit tout, là où quelques minutes auparavant ne soufflaient que des brises chaudes et douces.
Tutsis et juifs, même destin. Le monde avait connu l'Holocauste scientifique, froid, technologique, chef d'oeuvre terrifiant d'efficacité et d'organisation. Monstre de la civilisation occidentale. Péché originel des Blancs. Ici, ce serait l'Holocauste barbare, le cataclysme des pauvres, le triomphe de la machette et de la massue.
- Pour un jeune homme, une belle mort, ça n'existe pas. Ni une mort utile. Toutes les morts d'enfants sont laides et inutiles.
Les gens possèdent un peu l'âme de leur paysage et de leur climat. Ceux de la mer sont comme les courants et les marées. Ils vont et viennent, découvrent de multiples rivages. Leurs paroles et leurs amours imitent l'eau qui glisse entre les doigts et ne se fixent jamais. Les gens de la montagne se sont battus contre elle pour s'y installer. Une fois qu'ils l'ont conquise, ils la protègent, et celui qu'ils voient venir de loin dans la vallée risque bien d'être l'ennemi. Les gens de la colline s'observent longuement avant de se saluer. Ils s'étudient puis s'apprivoisent lentement, mais une fois la garde baissée ou la parole donnée, ils demeurent solides comme leur montagne dans leur engagement.
L'agonisant ne choisit pas de mourir. Il cherche des lambeaux de vie auxquels se raccrocher comme un naufragé agrippe un morceau d'épave. Ce n'est pas tellement l'envie de vivre, c'est plutôt la peur de mourir. La crainte du rien absolu, l'angoisse de ne pas exister. Car cette existence, ce qu'on est, on imagine l'avoir construit, et si cette existence passe par l'amour qui transfigure, elle dépasse tout ce qu'on était avant l'amour. L'amour multiplie.
Nous pouvons tous nous transformer en assassins, avait toujours soutenu Valcourt, même l’être le plus pacifique et le plus généreux. Il suffit de quelques circonstances, d’un déclic, d’une faillite, d’un patient conditionnement, d’une colère, d’une déception. Le prédateur préhistorique, le guerrier primitif vivent encore sous les vernis successifs que la civilisation a appliqués sur l’humain.
Car dans la vallée qui sépare Sodoma, le quartier des putes, du cimetière, fumait et puait le parc des camionneurs. Symbolique résumé de la vie dans cette ville. Tu gares ton camion, tu gravis la colline de Sodoma pour boire quelques Primus et tirer un coup, et quelque temps plus tard tu te retrouves dans un trou dans la colline d’en face.
Un fils n'a pas le droit de mourir avant sa mère.
[...] le développement, mot magique qui habille noblement les meilleurs et les plus inutiles intentions.
On naît plusieurs fois, Les premiers pas, le premier caca sans aide de maman, la première bicyclette, le premier baiser, la première baise, le premier mariage, le premier enfant. Chaque fois, une nouvelle vie s'annonce, pleine de promesses. Une nouvelle naissance. Mais il y a aussi la dernière vie, celle à laquelle on a renoncé parce que les premières vies n'ont pas respecté leurs promesses.