Citations de Gilbert Bordes (308)
L'amour entre un homme et une femme, c'est si rare qu'il ne faut pas le gaspiller. Ca vient quand tu l'attends pas parce que tu le portes en toi, une petite graine d'amour qui va, tout d'un coup, germer et grandir. Mais ça meurt aussi ...
Noël arriva. Soeur Jeanne proposa à Yann et Elisabeth de les marier aux premiers jours du printemps.
- D'ici là, seuls les imbéciles diront que vous vivez dans le péché, annonça la religieuse. Dieu ne condamne pas ceux qui s'aiment.
- J'ai repéré une cave où l'on va pouvoir goûter le vin et en acheter un carton. J'ai bavardé avec un employé. Il paraît que le fils de la maison était journaliste au Monde et qu'il a laissé tout tomber pour prendre la succession de son père !
- Il a bien fait ! Le vin, c'est plus important que tout ce qu'on peut raconter dans un journal !
A cette époque, les hommes ne s'occupaient pas plus des enfants de la maison que des poules ou des lapins. C'était le travail des femmes, et personne n'aurait osé faire le moindre projet pour un fils avant qu'il ait dépassé dix ou onze ans. Les croutes de lait, le croup, la rougeole, les diarrhées, le mal de ventre et toutes sortes de maladies ne manquaient pas pour vider les maisons souvent trop pleines.
La lune joue avec la brise, des formes lumineuses courent sur la surface.
Ils étaient des terre-neuvas, des marins tellement différents des autres! Ils ne partaient pas vers un port, mais vers l'océan, pour n'accoster nulle part. Ils allaient vivre plusieurs mois confinés dans ce bateau qui serait à la fois leur prison et leur liberté. Ils étaient fiers. L'océan, le vent, les nuages, voilà leurs alliés et leurs pires ennemis. Ils savaient que des tempêtes les attendaient, que le bateau pouvait chavirer sous la force d'une énorme vague ou se briser contre un iceberg, mais ils acceptaient ce risque, leur véritable vie était là-bas.
- Tu dis aussi, ajouta le lépreux, que-que si on te ta-a-pe sur une joue…
D’un geste, Jésus l’arrêta et sourit :
- Si tu as un animal furieux en face de toi, tu as le devoir de te défendre par la force. Et quand il y en a plusieurs, les animaux comme les hommes ne pensent plus par eux-mêmes.
Par ces paroles, Jésus ne venait-il pas de justifier la guerre, les luttes fratricides entre provinces et factions qui endeuillaient la Palestine ? Il conclut :
- Les coupables sont ceux qui portent le premier coup.
— C’est quoi, communiste ? demanda Arnaud, qui avait déjà entendu ce mot toutefois obscur.
— Je sais pas, répondit Lilly. Ici, beaucoup de gens sont communistes. Je sais que Paul crache par terre quand il passe à côté du curé ou de M. Charron.
Arnaud aurait bien voulu être communiste pour avoir le droit de cracher chaque fois qu’il en avait envie.
Du regard, Marguerite Bussières examinait le gamin de la tête aux pieds comme un marchand de bestiaux l’aurait fait avec une vache.
— On se connaît pas. C’est comme ça ! Suis-moi.
Arnaud emboîta le pas à Marguerite.
— Mais qu’est-ce que tu as à la jambe droite ? demanda la femme en se tournant vers le garçon qui peinait à la suivre.
Arnaud baissa la tête, honteux.
— C’est un pied bot, madame.
— Un pied bot ! Où es-tu allé chercher ça ? Et puis ne m’appelle pas madame, je suis ta grand-mère.
— Et comment je dois vous appeler ?
— Ça n’a pas d’importance.
Ouest de Terre-Neuve, sur le Grand Banc, septembre 1869
- Barre à tribord, on va abattre!
Eric Beaurelec, "le Vieux" comme on l'appelait, malgré son jeune âge, sur le Beau René, se tenait près du bastingage dans le vent de suet, ce dangereux vent du sud qui soufflait de plus en plus fort. La tête enfoncée dans les épaules, trempé jusqu'aux os, il défiait l'océan.
Guilhem n'avait pas eu de nouvelles d'Ingeburge depuis deux longues années, et les espies qu'il avait envoyés à Étampes lui en avaient rapporté de bien mauvaises : elle était maltraitée, elle partageait son quotidien avec les servantes, on lui confiait des tâches rebutantes. Si Philippe ne l'avait pas obligé à rester près de lui, il aurait rejoint la reine déchue depuis très longtemps.
Les objets ont souvent plus de présence que les êtres.
Par moment la charpente craque, un bruit de rien que la neige transforme en coup de canon. La nuit a pourtant la légèreté d’un drap.
Chapitre 11
Il contemple les montagnes bleutées à la lumière éblouissante de cette journée torride. La vie ne peut s’accrocher à ces pentes qu’avec de grosses griffes. Il ne pleut presque jamais, mais quand les orages apparaissent, le déluge noie tout. Il faut avoir le bois dur de l’aubépine et du buis pour résister. Des hommes acharnés ont pu domestiquer les minuscules champs escarpés où la terre est maigre et les prairies à peine suffisantes pour quelques chèvres qui se contentent des branches basses des épineux. C’est le domaine des vipères et des frelons, le renard malfaisant pille les poulaillers, les sangliers dévastent les potagers. Autrefois les vautours nettoyaient la campagne de cette Provence hostile que l’on oublie au profit de l’autre, riante, celle de Pagnol et de ses souvenirs d’enfance…
La lumière des lampadaires ruisselle sur le goudron noir. Les volets se ferment sur la nuit visqueuse de décembre. C’est l’heure de se retrouver, l’heure où la solitude amplifie le froid et l’humidité. Il pense à sa colline de la Neuville, sous un ciel plus grand que ce ciel de vallée, tendu, sans horizon.
Chapitre 1
Antonio n'avait plus l'espoir que ses affaires s'arrangent. Sa vie était finie, il pouvait mourir d'un instant à l'autre, cela n'avait pas d'importance. Mais il voulait que ses enfants retournent en Italie et y vivent correctement. S'il avait été seul, il se serait rendu depuis longtemps à la justice de son pays. Sans Nicolo, sans Francesca, il aurait laissé salir son nom.
Des vies, on en a qu’une et on la refait pas ! Si tu la rates au début, c’est foutu !
Chapitre 31
Le peuple grondait. Il se heurtait aux gardes groupés en batailles qui n’hésitaient pas à le charger. (…)
Les messes noires remplaçaient celles des églises. On se rassemblait dans les caves, ou dans les clairières. Des astrologues annonçaient le retour des temps sauvages où les hommes se mangeraient entre eux, où des monstres sortiraient des entrailles de la terre pour semer la terreur, boire le sang et engrosser les femme , qui accoucheraient de démons cornus.
Les grands se font la guerre par l'intermédiaire des petits qu'ils écrasent sans sourciller.
- Les chevaux ont eu peur! dit Simon en bourrant sa pipe. Ca a pas mal bougé. L'année sera mauvaise. Treize lunes, c'est pas bon. Les pêcheurs qui se préparent pour la morue le savent bien.
- Ah bon?
- Oui, mon frère va embarquer sur le Pierre-Jean. Des années comme celle-là, tous les hommes ne reviennent pas au port.
Il parlait avec tristesse : depuis que sa carrière de terre-neuvas avait été stoppée par son accident, il s'ennuyait à terre.
- Tu crois vraiment à cette histoire de lunes? demanda Yann.
- Oui, affirma Simon. Les treize lunes, tout le monde te dira que c'est pas bon pour les pêcheurs. Le temps est détraqué et les tempêtes n'en finissent pas. Je ne devrais pas te le dire parce que ton père n'aime pas que j'en parle, mais l'année où ton grand-père a sombré avec le Beau René, c'était aussi une année de treize lunes.