Gilbert Forray

L’élément de surprise à la guerre peut faire basculer une bataille, voire un conflit. Il amène celui qui l’emploie à déstabiliser son adversaire, au point qu’il ne réagit pas avec les moyens adéquats pour renverser le cours de l’affrontement.



L’audace est un élément de surprise – il y en a d’autres. Le général Forray s’est donc saisi du sujet en l’illustrant par des exemples tirés des conflits modernes. Car l’audace en employant des moyens importants est un concept assez contemporain, même si la prise d’un fort ou de positions ennemies par l’audace n’est pas l’apanage du XXème siècle.



Forray a donc compilé en quatorze fiches des actions qui ont amené une victoire, mais pas toujours. Car l’audace nécessite une acceptation du risque d’échec, qui, s'il survient, a des conséquences plus graves que celle d’une action offensive classique '"détectable".



Hitler, se pensant grand stratège, qui avait réussi à déstabiliser les chancelleries de l’Entre-deux-guerres en ayant un comportant imprévisible, fit appliquer la même formule aux premières campagnes de l’armée allemande. La plus connue étant la traversée des Ardennes par les blindés pour contourner les troupes franco-britanniques aspirées en Belgique. La certitude de toujours agir ainsi perdra les Allemands qui ne varieront pas leurs coups.



J’ai assez rapidement constaté que les fiches du général Forray portaient en majorité sur des actions de la Seconde guerre mondiale. Cela voulait-il signifier que l’audace est plus rare ou difficile de nos jours ? C’est le cas. La raison est à chercher dans les types de conflits et la technologie.



Les guerres entre puissances étatiques ne sont plus celles du dernier conflit mondial. Sans être nucléaire, elles ne sont pas non plus conventionnelles. Elles sont asymétriques. Un état contre des combattants qui ne le sont pas vraiment.



L’audace n’est plus car ceux qui maitrisent la technologie voient tout, entendent tout, brouillent tout, pour éviter la surprise. La boucle de décision entre le politique et le militaire est réduite à peu de délai, laissant parfois au gouvernant la capacité de donner des ordres au caporal sur le terrain.



Pour ces deux raisons, il est probablement difficile de laisser à l’audace la capacité de surprise conventionnelle. Pour autant, un Ben Laden qui lance des avions contre New York est l’exemple d’une audace que des terroristes peuvent prendre, à défaut de disposer de capacités de destruction militaire. La stratégie de l’audace joue-t-elle alors contre nous ?

Annoncé comme un roman historique, "La route de Yorktown" est surtout un livre d'histoire, celui de l'expédition française de 1781 qui permettra la Révolution Américaine et une victoire contre l'Angleterre. Le récit historique est précis. L'auteur Gilbert Forray a réalisé un remarquable travail de recherche. En revanche, l'histoire romanesque est très légère. Le héros Frédéric d'Oraigny, lieutenant au régiment des Gardes françaises à Versailles au début du roman, participera auprès des acteurs de cette épopée (Washington, Lafayette, Rochambeau, etc.) à ce sauvetage de l'Indépendance américaine. La présence de ce personnage sert de fil conducteur, mais c'est tout. Le lien avec son grand-père, la rencontre avec un demi-frère canadien, son attirance pour deux femmes, une en France et une autre en Amérique, tout un ensemble qui reste assez fade et vague. Tout le long de ses chapitres, ce livre reste avant tout un récit historique. La route de Yorktown est le thème principal et non la trame de fond d'un roman historique.