Deux récits, à la fois parallèles et croisés se développent dans ce roman qui charme, séduit et déroute le lecteur même le plus averti de ces sinuosités littéraires emplies d´images insensées et pourtant réelles, où la poésie efface la hargne verbale et la fantasmagorie d´une sorte de jeu de miroirs tapissant les parois de la grotte donne le tournis. À mon sens, Le Passé devant soi de Gilbert Gatore est un décor parfait pour exprimer une tragédie où les rêves d´auteur sont vrais au présent. Que reste-t-il de «ce génocide»? Que faut-il invoquer? Pardon ou Justice? Justice pourrait-elle être Pardon aussi?... La bonne philosophie est de laisser la philosophie comme un poisson dans l´eau. Et comme on dit chez nous, laissons le puits fermé de son couvercle!
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On entre dans ce roman comme dans un conte : on pénètre dans la grotte de Niko, peuplée de singes, de visions et de cauchemars. Ses divagations oscillent entre rêve et réalité au rythme que l'auteur nous impose pour percer ce qui se cache derrière la fiction. Le lecteur est pris en otage « cher curieux », « cher compagnon », mis en garde contre l'indicible à venir et pourtant séduit par cette narration pleine de subtilités.
Les deux récits des protagnonistes s'entrecroisent pour ne former qu'une seule voix, pudique, gracieuse et surtout vivante.
Le Rwanda, car il s'agit de ce pays, n'est jamais cité.
Ce récit est une réflexion profonde sur la nature humaine et le devoir de mémoire. Il nous parle d'oubli, de culpabilité et de pardon, grands thèmes s'il en est pour tous ceux qui ont vécu ou survécu à de terribles guerres.
Ici la distance voulue entre fiction et réalité permet à l'auteur d'écrire sa propre histoire, celle d'un rescapé dont la famille a rejoint la France pour fuir la barbarie.
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Une idée intéressante de suivre une jeune fille brisée et perdue qui a choisi de briser tous ses liens par haine envers une vie qu'elle a oublié. Cependant, et bien que suivre Niko était... perturbant et plaisant, je trouve "dommage" de suivre un tortionnaire "simple d'esprit" et donc voir par les yeux de quelqu'un à la vie originelle étrange et déconcertante un fait qui rendrait fou n'importe qui. Aurait-il était mieux que Niko ait une vie plus classique avant les faits qui l'ont poussés à faire une fuite psychologique ?
Plus long, le livre n'aurait pas été appréciable selon moi. Mais il est peut-être plus un livre fait pour dérouter et questionner qu'un livre à scénario. On se demande encore si Niko était dans une caverne avec des grands singes ou en prison d'où il pouvait effectivement voir des gens passer devant l'entrée et entendre des gorilles via les autres condamnés. Peut-être est-ce comme ça que je veux comprendre la fin de sa vie.
Pareillement pour la vie d'Isaro. On comprend ses agissements, jusqu'au dernier, sans pouvoir rien y faire. Si seulement elle avait vu les mains tendues vers elle, et pas uniquement ce qu'elle tenait dans les mains, sur ses cuisses recouvertes d'une jupe noire.
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Rwanda Génocide encore et toujours
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"Le passé devant soi", un titre qui, au premier abord, ne va pas de soi pour un très beau livre sur le génocide rwandais. Le jeune auteur, né en 81, l'a vécu mais il ne s'agit pas de son témoignage. Plutôt une réflexion romancée, à travers le regard de deux personnages : une jeune femme, très belle, adoptée en France après le massacre de sa famille et un jeune homme muet au sourire monstrueux qui lui a tué. Deux histoires en parrallèle, deux regards : l'un qui veut comprendre mais se heurte à l'absurde, à l'incompréhensible et l'autre qui ne pense qu'à oublier. Une très belle écriture. Un premier roman qui donne envie de lire les suivants (actuellement en préparation) A lire.
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Lecture jeune, n°126 - À travers deux récits alternés, celui de la jeune et gracile Isaro et celui de Niko, le garçon au visage d’ange et sourire de démon, se déroulent, en flash-back, les vies des protagonistes d’un génocide. Du Rwanda, il n’en sera pas fait mention durant tout le récit, bien qu’il soit de toute évidence le pays dont il est question. Point de vue de la victime, point de vue du bourreau, sans qu’il n’y ait de relation établie entre la souffrance de l’une et la monstruosité de l’autre. Le roman débute par une apostrophe au lecteur, « ce voyage te sera peut-être insoutenable ». Niko est né muet, on le prend pour simple d’esprit, il s’est réfugié au fond d’une grotte, seul parmi les grands singes. La caverne est le lieu de survie – référence possible à l’allégorie platonicienne – d’où Niko n’a d’autre vision du monde que le reflet d’une société de primates. Là, il se remémore son enfance méprisable, protégée par un oncle forgeron qui l’a initié au secret de la fabrication des armes. Ce savoir lui a valu de prendre la tête d’un bataillon, les Enragés Volontaires, qui ont sauvagement massacré d’innombrables innocents. La narration de Niko, consignée en paragraphes numérotés, comme des versets, ou des articles de lois, ressemble dans son contenu à un conte, sans indication de lieu, ni de temps. Les questions fusent, philosophiques, essentielles : « Le meurtre est-il impardonnable parce que la seule personne de qui pourrait venir le pardon valable n’est plus là ? ». À l’opposé de la fable de Niko, l’histoire d’Isaro est racontée de manière réaliste : témoin de l’assassinat de ses parents, elle a fui le génocide, adoptée par le couple de Français qui l’ont cachée. Après une scolarité brillante, elle se sent rattrapée par la vérité, suite à des nouvelles entendues à la radio, et elle rejette violemment ses parents adoptifs, qui ont tu l’horreur pour la protéger. D’abord prostrée, Isaro va ensuite s’opposer à l’amnésie et repartir dans son pays d’origine pour traquer les voix des survivants. Ce roman difficile nécessitera la médiation d’adultes ; pourtant, si l’on accepte l’avertissement au lecteur, sans être rebuté par le monologue des personnages, l’émotion gagne. Le parcours de ces deux êtres déchirés, de l’enfance à l’âge adulte, devrait toucher les jeunes adultes, d’autant que le génocide, n’étant pas nommé, prend une portée universelle. Travail de mémoire, va et vient entre présent et passé, la fiction permet d’exorciser le mal absolu de la guerre civile en mettant des mots sur l’indicible.
Cécile Robin-Lapeyre
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