Thinking Aloud: Gillen D'Arcy Wood discusses his book "Tambora: The Eruption that Changed the World."
Il n'existe pas de grand roman victorien du choléra. C'est surprenant au premier abord, étant donné la place centrale occupée par cette maladie dans l'histoire sociale du XIXème siècle. Mais les romans sont des formes artistiques romantiques dans lesquelles de jeunes héros et héroïnes prennent pleinement conscience d'eux-même et surgissent comme des acteurs moraux à travers le temps et au long de centaines de pages. Le choléra était simplement une mort trop brutale et répugnante pour ce type de récits. Le choléra n'est pas une bonne histoire à raconter ; il y met fin.
En 1816, la terre regorgeait d'eau et les sols des maisons, en tourbe, se délabraient. La tourbe était également utilisée par les paysans pour chauffer leurs logements. Il n'y avait plus de paille sèche pour les lits - on en était réduit à dormir sur des sols détrempés. Ainsi, au cours du premier hiver qui a suivi l'éruption du Tambora, les conditions de vie dégradées des Irlandais pauvres ont été à l'origine d'une écologie qui a favorisé l'épidémie de typhus.
en juin 1783 l'éruption du Laki, un volcan islandais provoqua un refroidissement brutal, des récoltes catastrophiques et, l’année suivante, la misère en Europe ; il fut aussi à l’origine de la formation de glaces menaçant la navigation transatlantique Benjamin Franklin
Ironie du sort, on considérait partout que la pomme de terre constituait un véritable atout en tant que culture de subsistance en Europe du fait de sa faible sensibilité aux variations météorologiques. Ce point de vue ne tenait néanmoins pas compte des changements climatiques – auquel cas la pomme de terre serait confrontée à une longue période d’événements climatiques extrêmes, bien au-delà des variations habituelles. Les bonnes années, la population des campagnes survivait grâce aux pommes de terre, au babeurre et aux galettes d’avoine, mais en 1816 et au début de l’année 1817 même ces aliments de base étaient devenus rares et chers.
Mourir de la malaria ou de la tuberculose c’est une chose, mais le choléra, la maladie du XIXe siècle la plus crainte et la plus controversée, n’a jamais été auréolée de mélancolie (Keats), ni n’a sanctifié la souffrance de l’âme soumise aux tourments de la fièvre (Byron). Le choléra est bien trop déshumanisant. En quelques minutes, il transforme une personne marchant et parlant normalement en véritable écluse. Les agents microbiens envahissent le corps, le submergent et le vident de tous les fluides vitaux avant de l’abandonner au milieu de ses propres déjections.
On trouve, en Chine, un célèbre genre de versification ancien que l’on appelle poésie des sept douleurs. Dans un poème des sept douleurs, l’auteur dramatise les cinq sens violentés, submergés par les souffrances psychiques jumelles que sont le sentiment d’injustice et l’amertume : on compte, en tout, sept douleurs. Le premier poème du genre, dont l’auteur est une sorte de Dante chinois, date du IIIe siècle ; il raconte l’histoire d’un homme chassé de chez lui par la guerre civile.
La pluie tombe sans fin, comme les larmes de sang
d’un homme sentimental.
Les maisons coulent et frissonnent
comme un poisson dans les eaux qui ondulent
Je vois mon fils aîné accroché à la chemise de sa mère.
Le petit pleure sans qu’on l’entende. Il n’y a plus d’argent, et
Le riz est aussi rare que les perles, nous offrons nos couvertures pour nous sauver.
Un seul dou de riz, et rien de plus à la maison.
Nous n’avons que quelques acres, et rien n’y pousse.
Le pou ingère la bactérie de la maladie à partir du sang de son hôte humain, vecteur du rickettsia, ce qui l’infecte mortellement. Mais, entre l’infection et la mort, s’ouvre une fenêtre de tir pendant laquelle le pou diffuse la contagion. Si son hôte tombe malade, le pou – très sensible à la température du corps fiévreux – cherchera un nouvel hôte où trouver refuge.
C’est le premier livre à traiter l’événement non pas comme un désastre naturel affectant une seule année, 1816, mais comme une période de changement climatique de trois ans, dont les conséquences souterraines seront présentes tout au long du XIXe siècle.
En Grande-Bretagne, un pic extrême de vents venus de l’ouest soufflant en tempête et accompagnés de pelotons de nuages de pluie venus de l’Atlantique déferla mois après mois – une armée aérienne grise qui apporta la misère aux paysans de Grande-Bretagne comme dans l’ouest du continent. Dans une peinture de Constable datant d’octobre 1816, la baie de Weymouth – une jolie crique abritée sur la côte sud de l’Angleterre où l’artiste passait sa lune de miel – baigne dans une pâle lumière sous un ciel tourmenté gris-noir