Citations de Gilles Baudry (102)
Tu cherches
un mot de rien
qui dirait tout
tu trouves
une parole silencieuse
assise au fond de ta respiration
Du monde tu ne vois
que le verso
mais ce soir tu as rendez-vous
avec la page blanche
A cet instant
le monde
ne fait que commencer
Rien sur la table
d'ėcoute
hors le bruissement du papier
des feuillages ailés
à peine ce mouvement de paupières
dans le silence
et sous ta plume
l'écriture des herbes couchées par le vent
(" Présent intérieur")
La brise musicienne
passe les doigts
dans la rangée des peupliers
Du sablier
à l'encrier
le secret d'une vie
et sa trame invisible
comme affranchi des mots
le silence te gagne
les mains tranquilles sur la table
tu attends que la plume retourne à l'oiseau
Ne pas parler
Plus haut que sa pensée
Pour autant
Ne pas taire le chant
Qui nous donnerait des ailes
Nous lesterait du poids du monde
En dépit des peurs et des violences
De tout ce qui étiole
Des malheurs qui fissurent
La belle ordonnance des choses
Permettre les affleurements
De l'inconnu
Vêtus d'incertitude
Et de jubilation intime
Consentir à cet appel d'air
Qui rend légère la fragile éternité
Qui ne cherche l'étoile s'étiole mais toi
par nuit noire ou d'épiphanie
à travers les persiennes
sous l'éclat du réel
dans des gestes d'aurore
dans les appels muets
dans les méandres des aveux
des souvenirs
en tout reflet, en tout écho lointain,
derrière les rumeurs, les apparences,
partout tu cherches obstinément
la note bleue
grave et profonde
celle qui porte
celle d'où naissent
toutes les harmoniques d'une destinée.
(" Versants du secret")
.
Sans voix
avec des yeux extrêmes
nous regardons éperdument le paysage
mais c'est lui qui nous embrasse
p. 22
D'infinis paysages ( extrait)
Nous avons beau nous éloigner
le paysage ne nous quitte pas
Qu'il s'ouvre comme un livre d'heures
à chaque levée matinale des arbres
sur les talus
nous le savons en nous lové
si intérieur
qu'il instille sa sève goutte à goutte
dans notre sang
jusqu'à se ramifier
Et si marcher n'était
qu'aller à sa rencontre
pour mieux s'empayser des autres ?
Et si écrire ou lire
n'était que traverser sa vie
comme on traverse un paysage,
laisser à la neige des pages
le soin de consteller
le silence des marges,
à ces mots simples le pouvoir
de ralentir le coeur
le pouls de la pensée ? (...)
Printemps des poètes 2011
Ce n'est pas tant
de garder le silence
qui importe
mais de lui demander
s'il veut bien être
le berger qui nous garde.
Cette lumière
que le regard murmure
quand il se pose
comme elle nous grandit
Comme il fait beau
dans le silence
qui a tant à nous dire
Au V de la victoire
des oies sauvages
dans le ciel migrateur
répond celui
du sillage phosphorescent
d'un voilier sur la baie
Ce que peut le poème
Il est rare que les mots
soient des mains secourables
pour vous hisser plus haut
que les chagrins
rare que les mots soient un baume
et le grain de la voix
le bruissement de soie
dans la gorge des roses
Il advient pourtant qu'ils sachent frémir
éveiller dans les arbres
leur rêve profus de ramures
et traduire en échos en reflets
le temps d' un battement de cils
le palimpseste des saisons
un chemin d'ailes sur la mer
rendre au silence couleur et naissance
(" Le bruissement des arbres dans les pages ")
Nul ne sait
de quel rêve s'éprend une branche
une fois que l'oiseau
l'a quittée
(" Un silence de verdure")
Comment
peut-on confier sa vie
à un poème
écrire
l’invisible
l’azur
qui se laisse trouer
par la note abyssale ?
Un à un se dérobent
les mots
L’encre s’enneige
de furtives extases
dans les marges
sans autre voix
que celle qui nous manque.
Bonnard
Dans le regard
Le temps s'arrête pour s'immensifier
Dans le moindre reflet
Et l'on voudrait que la page s'enneige
Au souvenir d'un amandier en fleurs
Sur la terrasse de Vernon
Est-ce en rêve?
La lisière cligne des cils
De branche en branche
L'âme de Pierre Bonnard volette
Se pose sur le bord de la baignoire
Marthe n'en finit pas de faire sa toilette
Sur le jardin d'Eden la fenêtre respire
Le soleil a beau mettre
Tout l'or du ciel dans les couleurs
Le peintre seul a le secret
De l'alchimie de l'humaine lumière
Et du pollen de l'avenir.
(" Sous l'aile du jour")
Tant de beauté
Comment s'y habituer
En faire un ordinaire?
Ce que je croyais avoir vu
Me donne raison de rêver
A haute voix
Je vais
Titubant dans les mots
Comme l'abeille va aux fleurs.
A l'indicible source
puise des mots infusés de printemps
dédiés
à ce qu'il y a de plus frais
en chacun.
Nuit noire, nuit trop profonde
Pour que tu la comprennes
Comme on cueillerait les baies
Opalines des lampes
Que la dernière étoile ne s'étiole
Les arbres sont là pour le soutènement
d'un ciel trop lourd
Cesseras-tu de penser
De long en large en toi-même
Tel l'orage s'éloigne et revient sur ses pas ?
Fontaine sans regret
Et flamme sans retour
Avec les éveilleurs d'aurore, va
La brûlure de ta soif est le chemin.
Qui ne cherche l’étoile s’étiole mais toi
par nuit noire ou d’épiphanie
à travers les persiennes
sous l’éclat du réel
dans des gestes d’aurore
dans les appels muets
dans les méandres des aveux
des souvenirs
en tout reflet, en tout écho lointain
derrière les rumeurs, les apparences
partout tu cherches obstinément
la note bleue
grave et profonde
celle qui porte
celle d’où naissent
toutes les harmoniques d’une destinée.
L'Autre
« Je ne sais plus de quoi nous nous taisions. »
R. M. Rilke
Prodigue
le ciel dilapide ses étoiles
en vérité nous héritons
de peu de mots
ils ont le poids de la rosée
sur nos instants
à nouveau le silence s'installe
entre nous
la distance nous entretient
laissant place à un Autre.