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Citations de Gilles Cantagrel (14)


[...] Le deuxième jour, le maître avait choisi de reprendre, pour la musique figurée, une pièce qu'il avait écrite jadis pour une Abendmusik et qui se fondait sur le vieux cantique médiéval mi-latin mi-allemand du In dulci jubilo, nun singet und seid froh!, "Dans une douce joie, chantez, maintenant, et soyez heureux, la félicité de notre cœur est couchée dans la crèche et resplendit comme le soleil dans le sein de sa mère. Tu es l'Alpha et l'Oméga! " En homophonie ou dialoguant avec les deux violons, les trois solistes, deux sopranos et nue basse, y reprennent la mélodie du cantique pour chacune des quatre strophes, dans un climat de ferveur populaire et de réjouissance agreste infiniment touchant. Que de tendresse, à nouveau, quand on chante à quel point peut faire souffrir le désir de voir enfin le tout petit enfant, et quelle jubilation à attendre les vraies joies, celles de la vie future : "Ah ! si nous y étions déjà !".
Ce troisième jour de Noël, dimanche 27 décembre, la grand' messe du matin s'est achevée vers dix heures et demie. Le maître et le disciple ...
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Qu’il est dommage que Jean-Sébastien Bach n’ait jamais écrit d’opéra ! C’est en tout cas ce que l’on entend souvent répéter. Mais que pouvaient bien lui importer les aventures de César et de Cléopâtre, ou d’Alexandre aux Indes. Comment donc s’intéresser aux émois amoureux et aux exploits guerriers de prétendus héros quand on médite sur la rédemption de l’humanité par le sacrifice du Fils de Dieu ? N’y avait-il pas là de quoi tenter Bach bien plus que d’aller illustrer à Dresde, à Hambourg ou à Berlin les sujets à la mode selonMétastase ?

Et cependant, défense avait prudemment été faite à Bach, et par contrat, de lorgner du côté de l’opéra. Dès l’élection du nouveau cantor, il se trouva un conseiller municipal, le Dr Steger, qui, ayant voté pour Bach, ajouta que « s’il devait produire des compositions musicales, elles ne devraient pas être trop théâtrales13 ». Et l’article 7 du contrat de l’impétrant stipule que « pour contribuer au maintien du bon ordre dans ces églises, j’aménagerai la musique de telle sorte qu’elle ne dure pas trop longtemps, qu’elle soit aussi de nature telle qu’elle ne paraisse pas sortir d'un théâtre, mais bien plutôt qu'elle incite les auditeurs à la piété. Pour le bon ordre ! Oser dire cela à Bach ! Le lui faire signer !

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Comment aimerais-tu vivre dans la maison du miroir, Kitty ? Je me demande si l'on t'y donnerait du lait. Peut-être le lait du miroir n'est-il pas bon à boire." La question d'Alice est plus grave qu'il n'y paraît. Et Bach vit apparemment fort bien dans la maison qu'il se bâtit, où le lait est aussi bon à boire de part et d'autre du miroir, dans le monde réel ou dans celui de l'illusion. En musique, au moins, le miroir peut mener au pays des merveilles, si tant est que l'image qu'il renvoie diffère de l'originale
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Voilà donc l'Allemand luthérien totalement imprégné de musique. Et d'abord de ce qui constitue le soubassement de tout l'édifice du Réformateur, le choral, devenu comme le "liquide amniotique du luthérien, selon la belle expression de G. Guillard. Dès sa naissance, il est nourri du monde du choral, qui le pénètre par osmose. Dans sa petite enfance, il l'entend chanter au foyer comme il l'entend à l'église, en apprend peu à peu le répertoire à l'école. Deux, trois siècles après Luther, le choral s'est ancré dans l'inconscient collectif. À la musique et prière, il envahit peu à peu une musique savante que rien ne pourra plus dissocier des notions sacrées qu'il véhicule. Cette secrète alchimie, cette accointance du spirituel avec le sonore marque maintenant d'un sceau indélébile le comportement de l'Allemand, pour qui toute musique sera, à l'avenir, inévitablement grandie d'une dimension surnaturelle et métaphysique.
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Cet admirable pédagogue, réputé dans l'Europe entière, a eu pour mérite premier de remarquer les dispositions exceptionnelles de son fils, dès son plus jeune âge, puis son génie naissant. Et plus encore, de l'avoir formé, guidé, contraint à se développer plutôt que de le laisser errer dans la facilité, et de lui avoir donné une discipline de travail.
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BWV 140 :

"Wachet auf," ruft uns die Stimme
Der Wächter sehr hoch auf der Zinne,
"Wach auf du Stadt Jerusalem!

Mitternacht heißt diese Stunde!"
Sie rufen uns mit hellem Munde:
"Wo seid ihr klugen Jungfrauen?

Wohlauf, der Bräutigam kömmt,
Steht auf, die Lampen nehmt!
Alleluja !

Macht euch bereit
zur der Hochzeits
Ihr müsset ihm entgegen gehn!"



Réveillez-vous, nous crie la voix
des veilleurs, haut sur les créneaux,
réveille-toi, ô ville de Jérusalem !

Cette heure se nomme minuit ;
ils nous appellent d'une voix claire :
où êtes-vous, vierges sages ?

Debout, le fiancé arrive ;
levez-vous, prenez vos lampes !
Alléluia !

Apprêtez-vous
pour la noce,
vous devez aller à son devant !

L'admirable et monumental portique que Bach a dressé au seuil de cette cantate, l'une des dernières qu'il ait composées, est une vaste fantaisie de choral. Une ample sinfonia instrumentale y insère les douze périodes du choral, comme il a souvent aimé à le faire. D'emblée, un solennel mouvement en valeurs pointées manifeste la majesté de celui que l'on attend. Chœur des hautbois et et chœur des violons se répondent, créant un espace sonore, physique, celui où va apparaître le fiancé, l'"ami magnifique", qui est aussi un espace métaphysique, celui de l'âme qui va l'accueillir en elle-même et s'unir à lui. Cette introduction se poursuit en petites figures d'anapestes véloces, et en guirlandes de grands élans ascendants de doubles croches des premiers violons traduisant l'ardente attente dans l'enthousiasme au sens propre du terme, la possession par le souffle divin, une ferveur intense et une vive émotion. Sur ces diverses figures s'élève le chant du choral en cantus firmus à raison d'une note par mesure, au soprano renforcé par l'éclat du cor, tandis que les trois autres voix l'escortent en un contrepoint très imaginatif et sans relation motivique avec le choral, lequel demeure bien isolé, en gloire. Les trois voix d'accompagnement interviennent à la façon d'une foule, répétant par exemple wo, wo ? (où, où ?), ou bien Steht auf, Steht auf ! (levez-vous, levez-vous !). Parfois, aussi, elles entrent tour à tour en provoquant un effet d'empilement qui gonfle la polyphonie (deuxième et cinquième périodes). Quant à l'alléluia, il fait l'objet d'un fugato jubilant préparant longuement son énoncé en cantus firmus, et avant le retour à la thématique initiale pour les trois dernières périodes, Macht euch bereit (Apprêtez-vous).
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La musique se fonde sur les proportions, les rapports entre les nombres qui régissent les hauteurs des sons, leurs intervalles et leurs durées. L'astronome Johannes Kepler avait calculé le rapport des vitesses aphéliques et périhéliques des planètes du système solaire, c'est-à-dire, pour chacune, de sa vitesse relative la plus lente à sa vitesse la plus rapide dans son orbite autour du soleil. Dans son Harmonie du monde de 1619, il montre que des proportions numériques simples, correspondant aux intervalles musicaux, régissent ce mouvement des astres, où il entend une musique cosmique, harmonie de l'univers. À Mars correspond le rapport 2/3, celui de la quinte juste, à Saturne le rapport 4/5, celui de la tierce majeure, à Jupiter le rapport 5/6, celui de la tierce mineure, etc. Les lois de l'univers apparaissent alors identiques à celles de la gamme musicale, et le jeu créateur consistant à mettre en ordre des sons dans la durée est véritablement un acte démiurgique. Le compositeur nous parle de l'univers.
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BWV 54 :

Ce premier air, à l'ample respiration, exhorte le chrétien à ne pas se laisser aveugler, sous peine de malédiction mortelle. La tonalité dorée de mi bémol majeur présente les vanités du monde sous le jour le plus attrayant. Mais l'air commence de façon inattendue et très originale par une introduction haletante et dissonante, comme faite de coups rageurs dans une tension croissante, puisque dans l'harmonie d'un accord de septième de dominante sur une pédale de tonique. Impressionnant ! Ce procédé se prolonge tout au long de l'air, qui répète à maintes reprises l'injonction initiale, Widerstehe ! (Résiste !), parfois sur de longues tenues obsédantes. Lors de ses deux énoncés, la phrase finale de la section B se conclut sur une cadence rompue.
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BWV 32 :

Liebster Jesu, mein Verlangen,
Sage mir, wo find ich dich?
Soll ich dich so bald verlieren
Und nicht ferner bei mir spüren?
Ach! mein Hort, erfreue mich,
Laß dich höchst vergnügt umfangen

Bien-aimé Jésus, toi vers qui j'aspire,
dis-moi, où puis-je te trouver ?
Dois-je si vite te perdre
et ne plus te sentir près de moi ?
Ah ! Toi, mon refuge, réjouis-moi,
laisse-moi t'embrasser pour mon plus grand contentement.

Ce premier morceau donne bien le ton général de la cantate, dépourvu de cette angoisse terrible qui ouvrait la cantate BWV 154, mais cependant gonflé de tristesse. Bach a choisi le ton de mi mineur, dont Mattheson dit qu'"il est généralement très pensif, profond, désolé et triste, en vérité, au point d'aspirer en même temps à la consolation", ce qui est exactement le cas ici. C'est une merveilleuse cantilène, très ornée, confiée au hautbois solo, comme un mouvement central de concerto. Elle est accompagnée par les cordes, jouant piano e spiccato sempre (doucement, et toujours détaché), selon l'indication de la main de Bach lui-même ; de même a-t-il prescrit un tempo adagio, ce qui à l'époque veut dire à la fois lentement et avec tristesse. Véritable paysage intérieur de l'âme dans sa quête mystique du Christ, où va s'épanouir la déploration du soprano concertant avec le hautbois. Mais ce désir fusionnel du Christ, seule la mort permettra de l'accomplir, et c'est pourquoi Bach confie la cantilène au hautbois, qu'il associe toujours aux méditations mystiques sur la mort. Qu'il suffise de rappeler la cantate Ich habe genung BWV 82. Ici, ce sont d'abord les questionnements et l'aspiration fervente et inquiète à la fois que traduisent les mouvements de doubles croches liées par deux, en mouvements conjoints. L'affect change radicalement dans la seconde partie de l'air, à partir des mots Ach ! Mein Hort ! (Ah ! Toi, mon refuge). L'Âme y est tout à la joie de retrouver le Christ, et son chant, toujours concertant avec le hautbois, se répand en longues vocalises jubilantes, principalement, on s'en doute, sur les mots umfangen (embrasser) et surtout erfreue (réjouis).
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BWV 88 :

Siehe, ich will viel Fischer aussenden,
sprich der Herr,
die sollen sie fischen.
Und darnach will ich viel Jäger aussenden,
die sollen sie fahen auf allen Bergen
und allen Hügeln und in allen Steinritzen

Voyez, j'enverrai une multitude de pêcheurs,
dit le Seigneur,
qui les pêcheront.
Puis j'enverrai quantité de chasseurs
qui les chasseront de toute montagne,
de toute colline et de tout creux des rochers.

Les paroles du prophète Jérémie par lesquelles s'ouvrent la cantate sont confiées à une aria de basse – la basse, évidemment, puisque c'est Dieu qui parle à travers la bouche des prophètes. L'importance de ce premier air paraît presque disproportionnée, dans la mesure où il ne s'agit pas de la parole de l'évangile. Mais Bach, qui aurait pu se contenter de traiter la seule première partie de la citation en se passant des chasseurs, hors de propos, n'a pas résisté à brosser un tableau de genre. L'aria est composée de deux parties distinctes, correspondant aux deux images de la parole de Jérémie, une marine, avec les pêcheurs, puis une scène de chasse. Tout le début de l'air paraît ondoyer des paisibles murmures du lac de Génésareth, régulier balancement en mètre ternaire sur lequel se déploient diverses figures ondulantes. Les hautbois doublés par les violons, et la taille doublée par les altos dépeignent ainsi le doux mouvement des eaux dormantes en croches liées, avec en sus le léger frémissement d'une ondulation de doubles croches que s'échangent les dessus et la basse. La ligne vocale s'insère complètement dans ce tableau, reprenant à son compte les figures de l'eau jusqu'à se prendre dans le long tournoiement des doubles croches. On remarquera comment Bach isole de la suite, à chacune de ses itérations, le premier mot, Siehe ! (Voyez !). C'est bien là une prise de parole, façon d'interpeller l'auditeur, de l'inviter fermement à écouter ce qui va être dit. Après quoi le mouvement se fait très rapide, marqué allegro e presto, pour la scène de chasse, avec les deux cors, naturellement, dont André Pirro dit qu'"ils y sonnent en accords répétés, puis reproduisent le thème du chant et redisent, en appels consonants, les appels de la voix." Magnifique écriture concertante à sept partie réelles.
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BWV 36 :

Der du bist dem Vater gleich,
Führ hinaus den Sieg im Fleisch,
Dass dein ewig Gott'sgewalt
In uns das krank Fleisch enthalt.

Toi qui es égal au Père,
manifeste ta gloire dans la chair,
pour que ton éternelle puissance divine
secoure en nous la chair malade.

Mais il faut revenir au choral du jour. Et avec lui, à nouveau le ténor, à nouveau en si mineur, avec les hautbois d'amour et la basse continue. C'est donc une autre strophe, la sixième, du choral de l'Avent, Nun komm der Heiden Heiland. Mais cette fois-ci, le ténor l'énonce simplement, en valeurs longues, au dessus d'une écriture canonique à trois voix dont on peut penser qu'elle symbolise à nouveau la Trinité. Ce tissu contrapuntique instrumental se développe dans un climat agité, sans doute pour rendre compte de ce combat de la chair contre l'esprit dont parle le texte. Mais il faut observer le traitement de la première période du choral, en imitations, selon un symbolisme familier à Bach : le Fils est l'égal du Père, donc les voix procèdent en imitations, comme dans nombre de chorals pour orgue.
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BWV 4 :


Jesus Christus, Gottes Sohn,
An unser Statt ist kommen
Und hat die Sünde weggetan,
Damit dem Tod genommen
All sein Recht und sein Gewalt,
Da bleibet nichts denn Tods Gestalt,
Den Stach'l hat er verloren.
Halleluja!

Jésus Christ, le Fils de Dieu,
est venu à notre place.
Il a extirpé le péché
et a ainsi repris à la mort
tout son droit et sa puissance,
de la mort il ne reste plus rien que le spectre,
elle a perdu son aiguillon.
Alléluia !

Nouveau trio, entre les deux violons à l'unisson, le ténor et le continuo. Dans l'incessante arabesque des violons, on ne reconnaît du choral que les deux premières notes, sorte d'explosion véhémente, obstinée et presque rageuse d'une joie triomphante. Le ténor énonce en cantus firmus la troisième strophe du choral, comme si elle avait été contenue dans la guirlande. La jubilation envahit peu à peu la cantate, mais un brusque adagio interrompt un instant le mouvement sur le mot Tod, à nouveau vigoureusement souligné pour évoquer le spectre de la mort, blafarde et désormais vidée de toute puissance et de toute terreur. Après cet effet saisissant, le mouvement reprend, allegro, vers l'Alléluia final, où le ténor se laisse entraîner par la jubilation des violons.
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