[...] Ses tableaux reprennent des thèmes littéraires : ambivalence de la femme, incarnée tour à tour par la Sphinge ou l'Ange, la Méduse, la solitude, les villes désertées.
Porte vers le rêve et le monde intérieur (I Lock my Door upon Myself, Munich), l'art inquiétant de Khnopff se conjugue avec une activité de portraitiste et de paysagiste (La Ville abandonnée, Bruxelles). Khnopff partage avec Burne-Jones, qu'il admire, le goût d'un métier raffiné. Marquées du sceau du silence et du secret, ses œuvres se nourrissent d'un dessin réaliste extrêmement châtié, n'hésitant pas à exploiter les ressources de la photographie pour susciter un sentiment d’inaccessibilité, d’incommunicabilité (Memories, id.). [...]
Entrée : Khnopff (Fernand)
I Lock My Door upon Myself:
http://urlz.fr/7uLF
Pour le symboliste, qui prône un individualisme forcené, la vie intérieure, irréductible à la raison et à la société, permet seule l'accès au mystère de l'être, à l'au-delà du rêve et aux pressentiments des correspondances universelles. Regarder au-dedans de soi, c'est affirmer la suprématie de la pensée et de l'imagination sur la réalité du monde. Les artistes abandonnent toute description au profit de l’évocation d'états d'âme : Maeterlinck, comme Verlaine ou Redon, dissèquent leurs émotions et explorent l'inconscient. [...]
Entrée : Introspection
Dans l'imaginaire occidental, la nuit bénéficie traditionnellement d'une atmosphère de mystère et d'angoisse suggérée (Degouve de Nuncques, Nocturne au Parc royal de Bruxelles, 1897, Orsay) et demeure le lieu où se renverse la hiérarchie des valeurs. Un lieu de révélation aussi. Le théâtre de Maeterlinck accorde à la nuit une place importante : elle abrite le secret de l'amour de Pelléas pour Mélisande ou annonce, dans La Princesse Maleine, la tragédie à venir. Ses ombres cachent parfois le surgissement de l'horreur : dans Erwartung de Schoenberg, une femme erre une nuit entière à la recherche de son mari perdu dans une forêt obscure, avant de sombrer dans la folie lorsqu'elle découvre le cadavre maculé de sang.
En peinture, la nuit se confond avec la mort : dans La Nuit d'Hodler, une lumière crue enveloppe les corps nus menacés par le trépas. Révélant à l'homme sa place dans l'univers, l'atmosphère nocturne permet, de La Voix (1893, Oslo) de Munch à La Nuit étoilée (1893, New York) de Van Gogh, une réflexion sur le destin de l'humanité.
Entrée : Nocturne
La quête d'un nouveau langage ,libéré de sa fonction ordinaire de représentation, l'affirmation de la vocation spirituelle de l'art ,l'attention portée à l'introspection ,la reconnaissance du rôle actif joué par le destinataire de l'œuvre d'art sont à mettre à l'actif du symbolisme.
Pour Paul Ranson, le trait, créateur illuminé de l'instant, révélateur révélé, autonome, sujet et hors sujet, irradiant dans les marges de la narration, inconscient de lui même, toujours prêt à sombrer dans un ratalage annoncé, trait chargé d'énergie noire comme un fil conducteur tendu sous les pas d'un équilibriste désespéré, ne se donne à lui que quand il n'invoque rien, quand le sublime présent malgré lui fait de la beauté et du mystère du monde des passagers clandestins.
La France est le berceau du symbolisme, mais il n'est pas de pays qui ne participe à ce mouvement chacun y apportant sa spécificité: la Belgique, foyer d'une extraordinaire richesse, la Pologne avec le néoromantisme teinté de nationalisme des peintres Witoldd Pruszkowski et Jareck Malczewski. , la Suisse avec Böcklin et Holder, l'Autriche avec Klimt, l'Espagne avec le peintre Adria Gual Queralt.
Les personnages vont alors se raréfier dans la peinture de Ranson, les faunes et faunesses se substituant aux femmes, pour disparaitre totalement à partir de 1905, remplacés par les racines et les troncs moussus de la foret d'Ecouve, comme si seule la nature méritait aux yeux de l'artiste d’être représentée sous des aspects par ailleurs très proches de la peinture de ses débuts.
Le dessin, la peinture, Paul Ranson s'en sert pour tenter de nommer le monde, pour en diluer la violence, pour, en en convoquant son étrangeté, la mettre à distance, la rendre supportable. les monstres, multiples figures de l'angoisse, une fois nommés cristallisent l'angoisse elle même, ils la fixent, la désignent, la circonscrivent, la moquent parfois.
La peinture de Ranson n'est toutefois pas suspendu mais ralenti, ou plutôt semble trouver sa pulsion des temps anciens, sa marche lente et circulaire. Au moment ou l'accélération de la mécanisation précipite la vitesse du temps, Ranson renoue avec la lenteur contemplative, tente d'inscrire le spectateur dans le temps de son imagination, de sa rêverie.
le rapport entre la vie intime de l'artiste et les images qu'il produit est de ce point de vue l'inverse de celui que nous découvrons par exemple chez Vuillard. En définitive, l'objectivation du sexuel est une manière pour lui d'aller vers des figurations encore plus surréalistes, au sens premier du terme.