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Citation de ATOS


« Il est bien dangereux de décrire l’œuvre : on se brise à cette tâche impossible.On a multiplié les analyses et les commentaires. Ils tuent l’œuvre, en l'émiettant. Il faut se mettre en face et se plonger dans l'abîme de cette âme hallucinée.C'est une œuvre terrible, qu'on ne peut regarder de sang-froid, à moins de n'y rien comprendre. Il faut la haïr ou l'adorer.Elle étouffe, elle brûle.Pas de paysage, pas de nature, pas d'air, pas de tendresse, presque rien d'humain.Un symbolisme de primitif, une science de décadent, des architectures de corps nus convulsés, une pensée aride, sauvage et dévorante, comme un vent du sud dans un désert de sable.Pas un coin d'ombre, pas une source où se désaltérer. Une trombe de feu.Le vertige grandiose de la pensée délirante, et sans but autre que Dieu où elle va se perdre.Tout appelle Dieu, tout le craint, tout le crie.Un ouragan souffle, d'un bout à l'autre de ce peuple de géants,-l'ouragan qui fait tourbillonner dans l'air le Dieu qui crée le soleil, comme un bolide lancé au travers les espaces. Le grondement de la tempête vous entoure et vous assourdit.Nul besoin de s'en abstraire. Si l'on ne veut point haïr cette force brutale qui vous violente, la seule ressource, c'est de s'y abandonner sans résistance, comme ces âmes de Dante qu'emporte un cyclone éternel.Quand on pense que cet enfer fut, pendant quatre années, l'âme même de Miche-Ange, on comprend – ce qu'on verra plus loin- qu'il en soit resté pour longtemps brûlé jusqu'aux sources de la vie, comme une terre surmenée qui ne peut plus produire. Sur cette voûte et ces murs maçonnés de corps héroïques, dont le grouillement tumultueux et l'unité puissante évoquent tout ensemble les rêves monstrueux de l'imagination hindoue et l'impérieuse logique, la volonté de fer de l'antique Rome, fleurit une beauté sauvage et pure.Nulle part on n'a rien vu de pareil. Elle a quelque chose à la fois de bestial et de divin.Un parfum d'élégance et de noblesse hellénique s'y mêle à une odeur d'humanité primitive. Ces géants , aux poitrines olympiennes, aux reins, aux flancs énormes, «  on l'on sent, comme disait le sculpteur Guillaume, le poids des lourdes entrailles », sont à peine dégagés encore de leur double origine : de la bête et des dieux. »
Romain Rolland – La vie de Miche-Ange ( extrait)- p32
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