Vous aviez manqué l'intervention de Nicolas David & Tibo, les auteurs du manga Droners pendant le live ADN à Japan Expo ? Et bien nous vous proposons de revivre l'émission !
Le manga : https://www.kana.fr/series/droners-tales-of-nui/
Le soleil musicien
Joue de la guitare au-dessus de l’Espagne,
De la flûte en traversant les Andes,
De l’accordéon en survolant la France,
Du tambour aux abords de l’Afrique,
Du didgeridou en quittant l’Australie,
Du violon par-dessus l’Italie.
Et de tous ces instruments en même temps
Pour que dansent les enfants
Dans les parcs d’amusement
En courant sur la passerelle, qui tremble dangereusement à chacun de leurs pas, Simon et Guillaume se séparent et s'en vont chacun à une extrémité du panneau. Là, ils sortent leurs canettes de leurs poches, lèvent les bras et, d'un geste sûr, commencent à dessiner le contour d'immenses lettres qui s'imbriquent les unes dans les autres, se faufilent en se croisant, en se décroisant, en passant l'une sous l'autre comme si elles dansaient ensemble.
Fébriles, silencieux, les deux gars accomplissent leur oeuvre. Ils s'arrêtent parfois, brassent leurs canettes puis continuent à dessiner avec une extrême précision. Dans le silence de la nuit, on n'entend plus que le sifflement des bonbonnes qui se vident lentement à chaque jet de couleur.
Si on me demande : 7 + 4 - 2, les chiffres virevoltent dans mon cerveau. Les 7 s'accrochent dans les 4, les 9 se battent avec les 2, les 20 piétinent les 10, et moi, je deviens rouge comme une tomate.
Il y a de petites déceptions, de moyennes déceptions et de grandes déceptions. Je préfère les petites, elles sont moins décevantes !
Je ramasse le cœur rouge au fond de mon bureau. Je le plie encore en deux et le glisse au fond de ma poche en me répétant : «Noémie, Noémie, Noémie, ce n’est qu’un cœur rouge dessiné sur un papier rose…»
Mais on dirait que le cœur de papier devient plus chaud qu’une fournaise. J’ai l’impression qu’il brûle mon pantalon. Je le retire de ma poche, le plie encore en deux et le lance au fond de mon sac. Voilà ! C’est fini ! Terminé ! Je n’y pense plus ! Je n’y pense plus ! Je n’y pense plus…
… J’essaie de me calmer, mais c’est absolument impossible ! Quelqu’un a dessiné un cœur rouge et l’a glissé dans mon cahier… Donc, quelqu’un m’aime !
Mais qui ?
Mais qui ?
MAIS QUI ?
Avec mon casque et ma lampe, j’explore mon immense garde-robe.
J’ouvre lentement la porte qui grince. Il fait noir à l’intérieur. La garde-robe est comme une immense caverne. J’allume la lampe sur mon casque. Dans la caverne, je trouve de dangereux animaux en peluche, et aussi une boîte qui contient un trésor de pirates.
J’ai rêvé que j’explorais une immense caverne… Soudain, je suis tombé dans un trou noir. Bang! J’ai atterri dans le lit de mes parents. Ils ont crié la même chose en même temps:
- Non! Sylvain! Ce n’est pas vrai! Éteins ta lampe de poche! Impossible de dormir avec la lumière dans les yeux!
La Princesse Marguerite devait toujours porter des gants de fine dentelle.C’était, paraît-il, pour la protéger des souillures de ce monde.Plus de mille fois, elle avait essayé de les enlever, mais chaque fois,on la réprimandait. Voilà pourquoi la petite Marguerite jouait, mangeait, dessinait, les mains toujours recouvertes de fine dentelle.
Je jette un coup d'œil à l'intérieur des voitures de mes parents. Quelques dépliants publicitaires traînent sur les banquettes arrière. À part ça, je ne remarque rien d'anormal, sauf... sauf que les dépliants, dans les deux automobiles, ont tous un point en commun : les maisons. Il y a des publicités de rénovateurs, des publicités d'agents immobiliers, des publicités de fabricants de portes de garage, et... et nous n'avons pas de garage ! Des publicités de tondeuses à gazon, et... et nous n'avons presque pas de gazon...
Étrange, très étrange.
Pendant que je réfléchis, ma petite voix intérieure commence à délirer, à imaginer des choses comme celles-ci : peut-être que mon père veut faire construire un garage sur le toit de la maison. Peut-être que ma mère voudrait faire pousser de l'herbe sur les balcons et qu'elle aura besoin d'une tondeuse ?...

Fred patiente quelques instants. Des
faisceaux lumineux traversent le ciel.
Tout à coup, la fenêtre s’ouvre. Deux
mains apparaissent. Elles poussent un
gros sac à dos, qui roule en émettant de
curieux cliquetis.
Un gars sort par l’ouverture. Il culbute
sur le ciment, se retourne avec une infinie
précaution et referme la fenêtre. Il s’appelle
Simon. Il a 16 ans. Nom de code: ATAK
21. Son visage rond surmonté d’une
casquette lui donne l’air d’un enfant sorti
d’une boîte à surprise.
Fred et Simon se regardent. Une étincelle
jaillit du regard de chacun. Simon
murmure:
—J’ai toutes les munitions qu’il
faut...
—Moi aussi. Ça va sauter, c’est
effrayant...
Ensemble, ils traversent la cour, les
jambes pliées, le dos courbé. On dirait
deux gros chats de ruelles. Fred se glisse
le premier sous la clôture, il se relève de
l’autre côté:
—O.K. Vas-y!
Simon lance son sac à dos, qui vole
dans les airs et atterrit dans les mains de
Fred. Ensuite, Simon se glisse sous la clôture
et se redresse de l’autre côté. En
silence, les deux gars font glisser leur sac
sur leur dos. Chacun donne un petit coup
de reins pour bien répartir la charge puis,
sans se consulter, ils partent tous les deux
dans la même direction.
Ils marchent l’un derrière l’autre, traversent
quelques ruelles, se retournent,
scrutent la nuit, flairent les pièges comme
des commandos aguerris aux missions
nocturnes. Le reste du temps, ils fixent
l’asphalte qui chauffe encore sous leurs
pieds et qui laisse s’évaporer une haleine
de charbon brûlé.

Fred s’immobilise devant un petit
trou dans la palissade. Il approche son œil
droit, regarde, mais ne voit rien...
Lentement, sa pupille se dilate et s’habitue
à la noirceur des lieux. Des formes apparaissent,
immobiles et silencieuses.
Soudain, dans la lumière furtive d’un
rayon lumineux qui parcourt le ciel, Fred
aperçoit un terrain vague recouvert de
ruines. On dirait une scène après un bombardement.
Quelques pans de murs,
appuyés sur des amoncellement de pierres
et de briques, s’élèvent dans les airs. Des
trous béants laissent voir des fonds de
caves. Il ne manque que des cadavres.
—Et puis? Et puis? demandent
Guillaume et Simon.
—Attendez... Attendez... C’est pas
croyable!
Les faisceaux lumineux qui balaient le
ciel éclairent quelques nuages et renvoient
un peu de lumière bleutée sur ce
décor d’après-guerre. Au bout du terrain
couvert de profondes cicatrices apparaît
un panneau publicitaire. Sa grande surface
n’annonce plus rien. À moitié déchirée,
toute la partie supérieure pend et se
balance dans l’air chaud. Les deux piliers
de métal qui le soutiennent semblent
défier les lois de la gravité.
—C’est ça... C’est ça..., dit Fred en se
tournant vers ses amis.
Les deux autres, excités, se précipitent
à tour de rôle pour voir le décor.