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Citations de Giorgio Vasari (57)


Il arriva que Piero Soderini ayant vu le David et le trouvant à son gré dit pourtant à Michel-Ange, qui était en train de le retoucher en certains endroits, qu'il lui paraissait que le nez était trop gros. Michel-Ange remarquant que le gonfalonier s'était placé sous le colosse, de manière qu'il n'avait pas la vue exacte, monta sur l'échafaudage pour le satisfaire, en tenant d'une main un ciseau ; de l'autre il ramassa un peu de la poussière de marbre qui était sur la plate-forme. Puis, faisant semblant de retoucher le nez , mais sans l'entamer avec le ciseau, il laissa tomber la poussière peu à peu, et, baissant la tête vers le gonfalonier qui le regardait travailler, il lui dit : " Regardez-le maintenant. - Il me plaît davantage, lui répondit le gonfalonier, vous lui avez donné la vie." Michel-Ange descendit de l'échafaudage, riant intérieurement et ayant pitié de ceux qui, pour faire gens entendus, ne savent ce qu'ils disent.
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Cette statue [représentant le pape Jules II] fut posée dans une niche, au-dessus de la porte de San Petronio. On raconte que pendant qu'il y travaillait, le Francia, orfèvre et peintre excellent, vint pour la voir, ayant entendu parler avec force éloges de Michel-Ange et de ses œuvres, et n'en ayant encore vu aucune. Grâce à des intermédiaires, il put voir celle-là, et il en resta stupéfait. Michel-Ange lui ayant demandé ce qu'il lui en semblait, le Francia répondit que c'était une figure d'une belle coulée et d'un beau métal. Il parut alors à Michel-Ange que le Francia louait plus la matière que le travail et lui dit : "J'ai la même obligation au pape Jules II qui me l'a donnée à faire que vous aux droguistes qui vous fournissent des couleurs pour peindre", et tout en colère, devant tous ses assistants, il lui dit qu'il n'était qu'un imbécile. A ce sujet, un fils du Francia étant venu le voir, quelqu'un dit à Michel-Ange que c'était un beau jeune homme, et Michel-Ange lui dit : "Ton père fait de plus belles figures en chair qu'en peinture".
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Franco Sacchetti raconte, dans l’une de ses trois cents nouvelles, que Buonamico Buffalmacco, ne pouvant souffrir que son maître Andrea l’appelât à la veillée durant les longues nuits d’hiver, imagina l’expédient suivant pour n’être plus forcé de changer la douce chaleur de son lit contre le froid glacial de l’atelier. À l’aide d’aiguilles courtes et fines, il attacha trente petites bougies sur le dos de trente gros escarbots qu’il avait trouvés dans une cave. Dès que l’heure de la veillée fut arrivée, il alluma ses candélabres vivants et les poussa un à un à travers une fente de la porte dans la chambre d’Andrea. Celui-ci allait justement appeler Buffalmacco, mais en voyant ces petites lumières qui circulaient lentement, il trembla de tous ses membres, recommanda son âme à Dieu, récita ses oraisons et ses psaumes, et finit par se cacher sous ses couvertures, attendant en grelottant de peur la venue du jour, sans songer à troubler le sommeil de son malicieux apprenti ; le matin, il lui demanda s’il n’avait point été tourmenté par plus de mille démons. Buonamico lui répondit qu’il avait dormi tranquillement, et qu’il était étonné de n’avoir pas été appelé à la veillée. « Ah ! s’écria Tafi, je n’ai pas eu le temps de songer à peindre, et je suis décidé à chercher une autre maison. » La nuit suivante, Buonamico ne mit en campagne que trois escarbots, mais ils suffirent pour renouveler les terreurs de l’infortuné Tafi, qui dès la pointe du jour sortit de sa maison en jurant de n’y plus jamais rentrer. On eut toutes les peines du monde à le faire changer d’avis. Buonamico, après lui avoir amené le curé de la paroisse qui le consola de son mieux, finit par lui dire : « J’ai toujours entendu assurer que les démons sont les plus grands ennemis de Dieu ; par conséquent, ils doivent porter une égale haine à nous autres peintres ; car, non contents de les représenter aussi hideux que possible, nous leur arrachons encore les âmes de maints pécheurs que nous convertissons par nos tableaux religieux. Et comme la nuit, vous savez, appartient aux démons, si vous n’abandonnez pas complètement l’habitude de veiller, je crains bien qu’ils ne vous jouent des tours plus terribles que ceux dont vous avez déjà été victime. » Par ces paroles et d’autres semblables propos que le curé ne pouvait qu’approuver, Buffalmacco arrangea les choses de telle sorte que Tafi cessa d’être aussi matinal. Une seule fois, quelques mois après, il tenta de recommencer ses veillées, mais une nouvelle visite des escarbots le rappela à l’ordre. Cette aventure fut cause que de longtemps aucun peintre, à Florence, n’osa travailler pendant la nuit.
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Il faut reconnaître que Buonamico savait bien exprimer tous les divers sentiments de l’âme, quoique assurément son dessin soit loin d’être correct. Il orna la même église de plusieurs sujets tirés de la vie de sainte Anastasie. Les costumes sont d’une beauté remarquable ; les mêmes éloges sont dus aux figures placées sur une barque et parmi lesquelles on remarque le portrait du pape Alexandre IV qui, dit-on, avait été transmis à Buonamico par son maître Andrea Tafi, qui déjà l’avait exécuté en mosaïque à Saint-Pierre. La dernière de ces compositions représente le martyre de sainte Anastasie et de ses compagnes ; on lit sur les visages des spectateurs la compassion, la douleur et l’effroi que leur cause la vue des flammes qui vont dévorer ces saintes femmes. Buonamico s’associa, dans ce travail, Bruno di Giovanni dont le nom est consigné dans l’ancien livre de la compagnie des peintres et dans les joyeux contes de Messer Boccaccio. Ce Bruno peignit, pour la même église, sainte Ursule tendant la main à une femme qui implore son secours, et qu’à sa couronne et à son manteau couvert d’aigles on reconnaît pour la ville de Pise. Mais, trouvant qu’il ne pouvait donner à ses personnages l’expression convenable, il consulta Buffalmacco qui lui conseilla d’y suppléer en faisant sortir de leur bouche des paroles qui expliqueraient ce que les visages et les mouvements ne pourraient indiquer, méthode employée par Cimabue. Bruno prit au sérieux cette plaisanterie, écrivit les demandes et les réponses, et cette idée bizarre eut un si grand succès, quelle fut imitée assez long-temps et même par des peintres de talent.
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LUCA DELLA ROBBIA,
sculpteur florentin.

Luca délia Robbia, sculpteur florentin, naquit à Florence, l’an 1388, près de l’église de San-Barnaba, dans la maison de ses ancêtres. Il y fut élevé avec soin, jusqu’au moment où son père le plaça chez Leonardo, fils de Ser Giovanni, qui était regardé comme le plus habile orfèvre qu’il y eût alors à Florence. Après avoir appris, sous la direction de ce maître, à dessiner et à modeler en cire, Luca s’enhardit, et attaqua le marbre et le bronze avec tant de succès, qu’il laissa l’orfèvrerie pour s’adonner entièrement à la sculpture.

Il passait toutes ses journées à manier le ciseau, et toutes ses nuits à dessiner. Souvent le froid le saisissait au milieu de la nuit ; mais, pour ne pas quitter son travail, il se réchauffait les pieds en les mettant dans une corbeille pleine de ces copeaux qui tombent sous le rabot des menuisiers. Ce zèle ne m’étonne point. Pour arriver à un rang distingué dans quelque profession que ce soit, il faut s’être habitué, dès l’enfance, à supporter le chaud, le froid, la faim et la soif. On ne peut acquérir une
haute position qu’en veillant, en étudiant sans relâche, et non en fainéantisant, en dormant et en prenant toutes ses aises.
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Michel-Ange aurait voulu exécuter quelques retouches à sec, comme l'avaient pratiqué ses prédécesseurs dans les peintures du bas de la chapelle, en enrichissant les draperies et certains fonds de couleurs d'outre-mer, et de quelques détails de dorure. Mais l'embarras de reconstruire un échafaud fut cause que les fresques restèrent telles qu'elles étaient. Jules II cependant désirait que Michel-Ange y introduisît ces enjolivements, faute desquels , disait-il, sa chapelle paraissait bien pauvre. « Saint-Père, lui répondit l'artiste, les hommes que j'ai peints ne portaient point d'or dans leur temps ; « ce ne furent point des riches, mais de saints personnages qui méprisaient les richesses. »
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J’éprouve souvent un vif plaisir à considérer la facilité avec laquelle quantité de nos artistes se sont développés, surtout dans l’architecture. Depuis maintes années déjà, cet art n’a été exercé que par des sculpteurs ou des personnes qui en ignoraient jusqu’aux termes techniques et ne possédaient pas même les éléments de la perspective. Il est vrai qu’on ne saurait exceller dans l’architecture sans un jugement solide , sans la science du dessin ou la pratique habituelle de la peinture ou de la sculpture , soit en marbre , soit en bois. Ces dernières conditions expliquent la facilité qu’ont les sculpteurs et les peintres à devenir architectes. En effet, les sculpteurs, à cause des rapports des statues et de l’ornement avec les édifices ; les peintres, à cause de la nécessité de composer dans les tableaux des fonds d’édifices , sont forcés de connaître l’architecture et d’étudier les mesures qui y sont relatives.
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Aux personnes qui me reprocheront d’avoir trop loué les maîtres anciens et modernes, et de les avoir comparés entre eux, je répondrai que j’ai distribué des louanges, non d’une manière absolue, mais en ayant égard aux lieux et aux temps, et à d’autres semblables circonstances. Ainsi Giotto, par exemple, mérite les plus grands éloges, en raison de l’époque où il vécut ; peut-être n’en serait-il pas de même s’il eût été le contemporain du Buonarroti. Il faut considérer, en outre, que les hommes de notre siècle ne seraient point arrivés au point où ils sont, si leurs prédécesseurs n’eussent point été ce qu’ils furent. En somme, on doit être persuadé que dans mes éloges et mes critiques je me suis uniquement appliqué à obéir à la vérité, ou du moins à ce que j’ai cru vrai. On ne peut avoir constamment en main la balance de l’orfèvre : ceux qui savent par expérience combien il est difficile d’écrire, surtout lorsqu’il faut prononcer des jugements et faire des comparaisons qui, de leur nature, sont toujours odieuses, m’excuseront donc facilement, je l’espère.
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Domenico Puligo a eu une très-nombreuse école ; on peut même dire que la sienne a eu seule la prérogative de se conserver en Italie jusqu’à nos jours. Et, bien qu’elle ait été assez peu nombreuse dans ses commencements, elle s’est immensément accrue depuis, et, grâce à ses habiles élèves et aux amateurs éclairés de l’art, elle a été importée chez nous, où elle est actuellement en grande prospérité.

Cette école du Puligo, dont nous sommes appelés à voir tous les ans, à une époque fixée par nos lois, les travaux et les miracles, et dont, par conséquent, nous pouvons merveilleusement apercevoir le développement et suivre les progrès ; cette école, disons-nous, a su se garder des excès et des fausses données où sont tombés particulièrement le Vinci, si décoloré dans ses portraits de la Joconde et de la Féronnière ; Raphaël, si chantourné et si raide dans ceux de Jeanne d’Aragon et de Jules II ; le Titien, le Giorgione, si noirs dans ceux de Gaston de Foix, de François 1er, de l’Arétin et de tant d’autres ; Van-dyck et Velasquez, si peu nobles et si dégingandés dans ceux de Charles Ier et de Philippe Il ; le Caravage, si brutal dans celui du grand maître de Malte, Adolphe de Vignacourt ; Holbein, si froid dans celui d’Érasme, et si pauvre dans celui d’Anne de Boleyn ; Rembrandt, si enfumé et si peu fait dans presque tous les siens, qu’ils ne seraient pas admis assurément dans nos expositions annuelles.

Cette école peint admirablement le velours, la soie, le satin, les nuages, l’or, les perles, les rubans, les colliers et les cheveux ; les chairs sont rendues par elle avec la transparence du cristal, et les belles nuances de la pêche ; on y dessine la femme surtout avec une élégance (le formes vraiment phénoménale ; les bouches, les pieds, les mains, les tailles y sont amenés à des proportions inappréciables ; et le front de l’homme a été aussi appelé à une élévation et à une largeur dont les anciennes écoles ne fournissent aucun exemple, ce qui porterait assez naturellement à croire qu’autrefois les plus savants peintres ne savaient guère leur métier, que les plus belles femmes étaient mal tournées, et les plus grands hommes de vrais crétins.

(commentaire de Léopold Leclanché, traducteur.)
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MASACCIO DA SAN-GIOVANNI,
peintre.

Il est rare que la nature produise un homme de génie sans lui donner aussitôt un concurrent. Elle veut qu’ils puissent se prêter des secours et des encouragements mutuels, et que leurs successeurs, enflammés par les louanges qu’ils entendent prodiguer à ces glorieux maîtres, ne négligent aucun effort pour mériter les mêmes honneurs et la même renommée. Il nous sera facile de prouver la vérité de cette remarque. Filippo Brunelleschi, Donato, Ghiberti, Paolo Uccello parurent simultanément à Florence ; bientôt le style barbare et grossier, qui s’était maintenu jusqu’alors, s’écroula, et les arts, de progrès en progrès, arrivèrent enfin à cette grandeur et à cette perfection qui les distinguent aujourd’hui et que nous devons, il faut le reconnaître, à ces premiers lutteurs qui nous ont formés au combat et à la victoire.

À Masaccio surtout appartient l’honneur d’avoir ramené l’art de peindre dans la bonne voie. Il considéra que la peinture ne consiste qu’à imiter la nature à l’aide des couleurs et du dessin ; il comprit que celui qui s’écarte le moins de ce suprême modèle approche le plus près de la perfection. Dès lors Masaccio, par ses études infatigables, se plaça au premier rang parmi ceux qui délivrèrent l’art des difficultés, des imperfections et des vices qui entravaient sa marche. Il donna à ses personnages de belles et de nobles attitudes, du mouvement, de la fierté, de la vie et un certain relief que l’on ne rencontre chez aucun des peintres qui l’ont précédé. Il reconnut que ces maîtres ne posaient point d’aplomb leurs figures, mais sur la pointe des pieds, et qu’ils blessaient ainsi les règles les plus essentielles des raccourcis et de la perspective. Paolo Uccello avait, à la vérité, remédié un peu à ces défauts ; mais il resta bien loin derrière Masaccio qui sut varier les raccourcis à l’infini et les rendre avec un charme dont personne n’avait encore possédé le secret.
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Francesco Camiliiani , sculpteur et académicien florentin, fut le disciple de Baccio Bandinelli. Après avoir montré son habileté dans maints ouvrages de sculpture, il consacra quinze années de sa vie à construire des fontaines et à les enrichir de ses statues. La fontaine la plus étonnante qu’on lui doive est celle qui est à Florence , dans le jardin du senor Don Luis de Tolède. Elle est décorée de figures d’hommes et d’animaux d’une variété extraordinaire et d’une somptuosité vraiment royale.
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Buffalmacco, homme aussi bizarre dans son costume que dans sa manière de vivre, était allé travailler dans ce couvent [monastère des religieuses deFaenza] sans chaperon et sans manteau. Les religieuses, qui le regardaient quelquefois à la dérobée, se plaignirent à l’économe de ce qu’il restait ainsi en chemisette ; puis, craignant que ce ne fût qu’un broyeur de couleurs, elles firent dire par l’abbesse à Buffalmacco qu'elles voudraient voir à l’œuvre le maître lui-même. Notre Buonamico répondit courtoisement qu’il s’apercevait bien du peu de confiance qu’il inspirait, mais que son devoir était de leur obéir. Lorsqu’il se vit seul, il affubla d’un chaperon et d’un manteau, dont les plis tombaient jusqu’à terre, deux escabeaux et un broc dans le goulot duquel il ajusta adroitement un pinceau. Les religieuses ayant entrevu ce maître postiche majestueusement drapé, pensèrent qu’il consacrait tous ses soins et toute son attention à quelques importants morceaux qu’il n’osait confier à son ouvrier ; elles se retirèrent donc discrètement et fort satisfaites. Quinze jours se passèrent sans nouvelle inspection de leur part, et sans que Buonamico remît le pied dans le couvent. Enfin, un soir, croyant que le maître était parti, nos religieuses coururent admirer les chefs-d’œuvre qu’il avait dû laisser. Quelle ne fut pas leur confusion en découvrant l’artiste qui depuis quinze jours tenait solennellement son pinceau élevé dans les airs ! Elles comprirent la leçon, et chargèrent leur économe de rappeler Buonamico qui leur apprit qu’un homme est tout différent d’un broc et de deux escabeaux, et qu’il ne faut pas juger une œuvre par les vêtements de l’ouvrier.
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MARCO DE CALABRE, PEINTRE.
Dans sa nouvelle patrie, Marco exécuta de nombreux travaux à l’huile et à fresque , et se montra supérieur à tous les peintres nationaux de son époque. A dix milles de Naples, à Aversa, on admire dans l’église de Sant-Agostino le grand tableau du maître-autel , où il représenta la Dispute de saint Augustin avec les hérétiques. Cette composition est entourée de divers sujets tirés de la vie du Christ, et se distingue par un brillant coloris et un style soutenu qui se rattache à tout ce qu’il y a de bon dans la manière moderne. Ce n’est là d’ailleurs qu’une seule des innombrables productions dont il enrichit Naples et les autres villes du royaume.
Sa vie s’écoula joyeuse et à l’abri des caprices de la fortune. L’absence de tout rival lui permit de jouir paisiblement de l’affection des grands, et d’exercer fructueusement son art. Il mourut à l’âge de cinquante-six ans. Ses ouvrages datent de l’an 1508 à l’an 1542.
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BENEDETTO DA ROVEZZANO, SCULPTEUR.
Qu’elle doit être grande la douleur de ceux qui, après avoir enfanté des œuvres de génie , se trouvent tout à coup privés de la vue par l’âge , la maladie, ou quelque funeste accident! Ils espéraient jouir dans leur vieillesse du fruit de leurs travaux, ils espéraient voir les œuvres des autres artistes , ils espéraient connaître la perfection à laquelle était parvenu cet art qu’ils avaient pratiqué ; mais, hélas ! ils ne peuvent alors apprécier ni les défauts ni les qualités de leurs rivaux. Lorsqu’ils entendent louer ceux qui leur ont succédé , leur chagrin devient encore plus vif, non par envie, mais parce qu’il leur est impossible de juger eux-mêmes si cette renommée est juste et méritée ; tel fut le sort de Benedetto da Rovezzano , sculpteur florentin, dont nous écrivons la vie pour que le monde sache avec quel art cet homme habile et expérimenté attaqua le marbre et créa des choses merveilleuses.
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Au-dessous des fresques du Pisanello, Gentile da Fabriano, son rival , laissa plusieurs sujets mentionnés dans la vie de Martin V par le Piatina. Cet historien rapporte que le Saint-Père ayant fait refaire le pavé, le plafond et le toit de San-Giovanni Laterano, Gentile peignit maintes choses parmi lesquelles on cite, comme les meilleures, les prophètes en clair-obscur qui se trouvent entre les fenêtres.
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PAOLO UCCELLO,
peintre florentin.

Depuis Giotto, on n’aurait vu aucun peintre aussi ingénieux que Paolo Uccello, s’il eût consacré aux figures d’hommes et d’animaux les heures qu’il perdit dans ses recherches sur la perspective. Sans doute, cet art est beau et précieux ; mais celui qui en fait une étude trop exclusive gaspille son temps, se fatigue l’esprit, finit par adopter une manière sèche, stérile, mesquine, hérissée de difficultés, et risque de tomber dans l’isolement, l’extravagance, la mélancolie et la pauvreté, comme Paolo Uccello.

Cet artiste, doué d’un génie subtil et capricieux, tourna tous ses efforts vers la perspective, qui lui fit négliger les figures, de telle sorte que dans sa vieillesse il ne cessa d’aller de mal en pis. L’homme qui se livre à un travail excessif violente la nature, et produit des ouvrages dépourvus de cette gracieuse facilité que rencontre naturellement celui qui sait se modérer et éviter certaines minuties qui offrent je ne sais quoi de raide, de forcé et de pénible.
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Maintenant il me reste seulement à dire que je suis arrivé à la cinquante cinquième année d'une vie laborieuse que Dieu prolongera comme bon lui semblera, et que je consacrerai jusqu'à la fin au service de mes amis et à celui de nos nobles arts.
Giorgo Vasari
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Michel Angelo Buonarroti – Peintre, sculpteur et architecte
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Depuis longtemps les successeurs du célèbre Giotto faisaient de vains efforts pour donner au monde le spectacle des merveilles que peut enfanter l'intelligence humaine, en imitant la nature.
Le divin Créateur, voyant l'inutilité des fatigues et des ferventes études de ces artistes, aussi éloignés de la vérité que les ténèbres le sont de la lumière, daigna enfin jeter un regard de bonté sur la terre, et résolut de nous envoyer un génie universel, capable d'embrasser à la fois et de pousser à toute leur perfection les arts de la peinture, de la sculpture et de l'architecture. Dieu accorda encore à ce mortel privilégié une haute philosophie, et le don de la poésie, pour montrer en lui le modèle accompli de toutes les choses qui sont le plus en estime et en honneur parmi nous.
La Toscane, par ses travaux, avait bien mérité la faveur de compter cet homme glorieux au nombre de ses citoyens.
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Giorgio Vasari
Le gardien, qui avait jadis confié à Cimabue les travaux de Santa-Croce, l’appela de nouveau pour exécuter le grand crucifix en bois qui orne l’église encore aujourd’hui. Satisfait de cet ouvrage, le gardien conduisit notre artiste à Pise où il lui fit peindre, dans le couvent de San-Francesco, un saint François qui fut regardé comme un chef-d’œuvre. La tête du saint et les plis des draperies offraient des qualités que jamais l’école grecque n’avait montrées à Pise ni même dans toute l’Italie. Cimabue laissa en outre, dans l’église de San-Francesco, une Madone avec l’Enfant Jésus et une foule d’anges à l’entour. Ce tableau, de grande dimension et sur fond d’or, fut enlevé de la place qu’il occupait d’abord, et transporté à gauche de la porte d’entrée, lorsqu’on construisit l’autel de marbre qui existe à présent. Cimabue fut comblé d’éloges et largement récompensé par les Pisans. Il peignit également dans leur ville, à la demande de l’abbé de San-Paolo-in-Ripa-d’Arno, une sainte Agnès placée au milieu de petits tableaux dont les sujets étaient tirés de sa propre vie. Cet ouvrage se trouve actuellement sur l’autel della Vergine (6).
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GIOVANNI CIMABUE,
PEINTRE FLORENTIN.

La malheureuse Italie avait vu disparaître, au milieu du déluge de calamités qui la bouleversa, tout ce qui pouvait porter le nom d’édifice, et même tous les hommes qui cultivaient les arts, lorsque, l’an 1240, naquit à Florence, de la noble famille des Cimabui (1), Giovanni Cimabue que Dieu destinait à remettre en lumière l’art de la peinture. En grandissant, Cimabue donna des preuves d’intelligence qui engagèrent son père à l’envoyer étudier les lettres à Santa-Maria-Novella, auprès d’un de ses parents qui enseignait la grammaire aux novices du couvent. Mais Cimabue, cédant à un penchant naturel, au lieu d’écouter les leçons, passait tout son temps à dessiner sur ses livres des hommes, des chevaux, des maisons et d’autres fantaisies. La forfortune vint d’ailleurs favoriser sa vocation. Quelques Grecs appelés à Florence par les chefs de la ville qui voulaient y faire revivre la peinture plutôt entièrement perdue qu’écartée de la bonne route, commencèrent, entre autres choses, la chapelle des Gondi, dont les voûtes et les parois sont aujourd’hui presque entièrement dégradées par le temps, comme on peut le voir à Santa-Maria-Novella (2). Entraîné par son amour pour le dessin, Cimabue s’échappait souvent de l’école et restait des journées entières à regarder travailler ces peintres qui ne tardèrent pas à le remarquer. Ils pensèrent que notre jeune élève irait loin si l’on cultivait ses dispositions. Le père de Cimabue partagea cet avis et leur confia son fils dont la joie fut grande alors. Grâce à son application et à ses qualités naturelles, il surpassa bientôt, dans le dessin et le coloris, ses maîtres qui, se souciant peu de sortir de leur ornière, se contentaient de produire des ouvrages dans ce style barbare qui caractérise cette époque, et qui est si différent de la bonne et antique manière grecque. Cimabue, tout en imitant d’abord ces Grecs, perfectionna leur art et franchit les grossières limites de leur école. Peu de temps après, son nom et ses ouvrages faisaient la gloire de sa patrie. Tout le monde admirait le devant de l’autel de Santa-Cecilia, et cette Madone qui ornait et orne encore un pilastre du chœur de Santa-Croce (3). Il peignit ensuite, d’après nature, sur un fond d’or, un saint François qu’il entoura de vingt-quatre petits tableaux renfermant l’histoire de la vie du saint. Après avoir achevé ce travail, il entreprit pour les moines de Vallombrosa, dans l’abbaye de la Santa-Trinità de Florence, un grand tableau où il ne négligea aucun effort pour justifier la haute opinion qu’on avait conçue de lui. Il y représenta sur un fond d’or des anges en adoration devant l’Enfant Jésus soutenu par la Vierge. Ce tableau fut placé par les moines sur le maître-autel de leur église. Plus tard il céda la place à une peinture d’Alesso Baldovinetti (4), et fut relégué dans une petite chapelle de la nef gauche. Cimabue peignit ensuite à fresque l’Annonciation de la Vierge, et Jésus-Christ avec Cléophas et Luc, sur la façade principale de l’hôpital del Porcellana situé au coin de la Via-Nuova qui conduit au bourg d’Ognissanti (5). Dans ces compositions, dont les personnages sont grands comme nature, il s’affranchit du joug de la vieille manière, et traita ses figures et ses draperies avec un peu plus de vivacité, de naturel et de souplesse que les Grecs si raides et si secs, aussi bien dans leurs peintures que dans leurs mosaïques. Cette vieille manière, dure, grossière et plate, était le fruit, non de l’étude, mais d’une routine que les peintres d’alors se transmettaient l’un à l’autre depuis nombre d’années, sans songer jamais à améliorer le dessin, le coloris ou l’invention.
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