Dans ses "Récits de la Kolyma", un recueil de nouvelles écrites après sa libération, l'écrivain russe Varlam Chalamov témoigne de l'enfer des goulags staliniens, auquel il a survécu après une vingtaine d'années de pénitence. L'histoire de Varlam Chalamov a été source d'inspiration pour Gisèle Bienne et Michaël Prazan, invités de Nicolas Herbeaux pour transmettre ce témoignage marquant et essentiel.
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Aujourd'hui, depuis 2012 surtout, Staline est à l'honneur en Russie, on révise l'histoire, on la récrit. Le cas de Iouri Dmitriev en est un douloureux exemple. Archéologue et historien spécialiste des crimes commis sous l'ère stalinienne, Dimitriev, injustement accusé et emprisonné, aurait dû être libéré en novembre 2020.On l'avait condamné à treize ans de camp à régime sévère. Fin décembre 2021, le jugement définitif est rendu: quinze ans de réclusion criminelle.Son crime ? La recherche de la vérité historique.
( p.111 )
Je m'en pose une autre : Qu'avons-nous été imaginer au sujet de chacun ? Nous avons une fâcheuse tendance à former des clans, à construire des systèmes, à nous chercher des adversaires qu'on érige en ennemis, à couper les ponts avec eux sans tenter de revenir sur les raisons de la rupture. (p. 211)
Le dossier déchiré
Les autorités ont assis leur pouvoir sur la peur de l'autre.Tout mouvement de solidarité entre les détenus compromettrait le bon fonctionnement des camps.On est seul et indifférent aux autres.
Début janvier 1972.Chalamov est à l'hospice (...)
Il paie le camp où écrire des vers était un des pires crimes.Des peines infligées pour seule activité littéraire , il en a bien vu, connu deux, si ce n'est davantage.il l'a dit, écrit, la peur d'un bout de crayon et d'un morceau de papier, tout le pays l'avait connue mais à la Kolyma si on écrivait pour se souvenir, on le faisait avec la peur d'être fusillé
Je ne sais plus rien tout à coup, plus même qui étaient mes parents tant le merveilleux et le terrible étaient, à la maison, indissociables. On s'amusait, se disputait, criait, souffrait, oubliait, et ça recommençait (...) (p. 25)
- Tu as dit quelques chose ?
- Moi ? Non. Rien, répond Marcel.
- Je croyais.
- Moi, j'ai rien dit.
- Qu'est-ce qu'il dit ? demande la mère de Marcel à Irénée.
- Il dit qu'il n'a rien dit.
( p 17 )
Et quand Pierre Lazareff le met en boîte : " Hé, Blaise, tu l'as vraiment pris, le Transsibérien ? ", Blaise lui renvoie une jolie balle : " Qu'est-ce que ça peut te faire puisque je vous l'ai fait prendre à tous ! " Et c'est juste. J'ai l'impression, grâce à Cendrars, d'être montée dans le Transsibérien l'année de mes vingt ans. (p. 110)
Il compose poème sur poème. Sur des bouts de journaux, sur des cahiers déchirés, au bord du ruisseau, partout, il griffonne des poèmes. Le froid et la faim le font encore souffrir, ses doigts douloureux lui obéissent mal mais réussir à former des mots l'enchante. Il voit avec bonheur les lettres courir sur la page du cahier, le monde se colore avec les mots qui lui reviennent et les mots sont impatients.
( p.147)
Arrêté et déporté deux fois.
(...) Chalamov accomplit en écriture un voyage au bout de sa nuit et de celle de ses contemporains. (...)
L'histoire est dure, mais la lecture des " Récits" est stimulante, bienfaisante, là est le paradoxe.Les " Récits " opèrent comme oeuvre de résistance à la désintégration de l'humain.(...)
Chalamov, ni dieu ni maître, ne s'est plus rallié à aucun mouvement.
C'est sous cet éclairage que s'est produite ma rencontre avec ses textes qui, au bout du voyage, disent la victoire d'un homme bon sur les forces tentaculaires du mal.
Je lis -La Prose- [du Transsibérien] à vingt ans, la nuit, dans une chambre à moi. Les livres sont notre meilleur avenir, je le crois. Je travaille pour m'en acheter, l'été, à l'usine des verreries mécaniques. Et tout à coup cette nuit-là, je suis heureuse. (...) Je sèche les cours. Bonheurs de jeunesse. Questions sur la valeur et le sens de la vie, sur le temps, le temps que l'on ne veut pas perdre, dont on voudrait actionner toutes les clés dans la même seconde. Quelque chose vient de m'arriver. Je me réchauffe à la braise de Cendrars. (p. 76)