[...] rien n’est jamais joué et que nous ne sommes ni prédestinés, ni conditionnés, ni marqués à tout jamais par notre passé. La vie nous est offerte voir imposée, mais notre existence est à créer chaque jour.
Bluma Zeigarnik a montré en 1927, dans une expérience désormais classique, qu'une tâche inachevée laisse dans le souvenir une trace plus importante.
Elle demandait à des enfants d'accomplir une vingtaine de travaux manuels sur une journée : certains pouvaient être achevés et d'autres non. Une semaine plus tard, les travaux inachevés étaient remémorés deux fois plus souvent que les autres. Cet "effet Zeigarnik" est souvent utilisé, dans les
médias par exemple lorsque la "pause publicité" intervient au moment clé du feuilleton !
… la théorie du self. Celle-ci occupe une place très curieuse dans la conception de la Gestalt-thérapie. Elle en détient la place centrale, fondatrice, et en même temps elle est impossible à définir, à saisir , du mins en termes simples. « Pour comprendre la Gestalt, il faut lire ce livre, mais pour comprendre ce livre, il faut connaître la Gestalt », précisent Perls et Goodman dans l'introduction de Gestalt thérapie.
Certains professionnels font une différence entre :
- la Gestalt en groupe, où chaque individu poursuit sa propre évolution devant le groupe qui est utilisé comme terrain d'expérimentation, de feed-back et de support affectif. C'est la formule que je pratique habituellement.
- La Gestalt de groupe, dans laquelle le développement de la personne est obtenu comme résultat du développement du groupe. Le thérapeute considère alors le groupe dans son ensemble comme étant le client.
Dans un groupe de thérapie, trois dynamiques interfèrent : intrapsychique (pour chacun), interpersonnelle (entre les individus) et groupale (en considérant le groupe comme un organisme). Ceux qui développe une pratique en groupe se centrent principalement sur les deux premières dynamiques, ceux qui ont une pratique de groupe, sur les deux dernières. Perls et Goodman ont tous les deux beaucoup pratiqué la Gestalt en groupe, mais ont décrit le self à la frontière-contact d'un seul organisme avec son environnement. Peut-on, au moins comme une métaphore, parler de self—groupal ?
La frontière-contact n'est donc pas une frontière « entre », qui sépare, mais une zone d'échange qui à la fois contient l'organisme et en même temps touche l'environnement : elle relie et différencie ; je ne peux toucher sans être touché. Cette notion du champ organisme-environnement est fondamentale en Gestalt.
... je voudrais insister une ide qui m'est chère, à savoir que le monde n'est jamais bipolaire. Il y a toujours de multiples contraires ) une idée ou à une situation donnée. Ainsi, lors du séminaire [...], un participant a choisi comme opposé à "courageux", le mot "réaliste" ; il signifiait par là qu'avec le salaire insuffisant qu'il recevait, travailler beaucoup serait de la bêtise...
En thérapie de couple par exemple, le contraire d'"être marié" n'est pas nécessairement "être divorcé". Il peut y avoir de multiples facettes pour un réaménagement du statut conjugal.
C'est Noël Salathé, inspiré par les travaux du psychiatre américain Irvin Yalom qui a le mieux formalisé les apports de la philosophie existentialiste à la thérapie gestaltiste ; il définit d'ailleurs la Gestalt comme "l'antenne thérapeutique de l'existentialisme".
L'amplification d'un geste
C'est généralement un micro-geste dont, le plus souvent, le client n'a pas conscience.
Gaétan me parle de sa femme avec un grand sourire ; d'accord, elle est parfois très énervante mais elle est si fragile, si douce que Gaétan ne ressent "officiellement que de la tendresse pour elle.
Pourtant son pouce droit laboure sa paume gauche. Adoptant son large sourire, je lui demande de devenir ce pouce et d'amplifier son "labourage".
Après quelques instants d'étonnement, Gaétan fait parler son pouce droit et se découvre une "monstrueuse envie", selon son expression, d'agresser sa compagne. Il lui faudra plusieurs séances pour admettre que sa vie amoureuse est forme de sentiments contradictoires et que son corps parle parfois pour lui.
En stimulant notre imaginaire, en mobilisant notre corps et nos émotions, le monodrame nous permet encore souvent d'explorer une face cachée de notre problématique. La spontanéité et le jeu font tomber nos défenses, ou du moins nous permettent de les contourner. Il s'agit d'une véritable incarnation du Verbe.
Le but n'est pas d'imiter, d'être crédible, mais de se glisser dans la peau d'un autre, pour regarder une même réalité avec d'autres yeux. Ce travail est particulièrement intéressant lorsqu'il y a conflit, par exemple dans un couple ou avec des enfants. En effet, le monodrame permet de jouer son personnage, avec plusieurs facettes de sa personnalité, mais également d'incarner autrui ou de mettre en lumière un sentiment, une peur, etc.
Une fois encore, l'histoire nous claire sur cette notion de déflexion de l'angoisse. Les cités grecques entretenaient avec grand luxe un home, capturé à la guerre. Ce prisonnier avait tous les droits ; se moquer de tous, courtiser les femmes, porter les plus beaux vêtements et se réserver la meilleure nourriture Mais il ne pouvait sortir de la ville. Que survienne l'angoisse dans la vielle, guerre, disette ou épidémie, ce prisonnier, que l'on appelait le pharmakos, était traîné hors des remparts et lapidé par la population, dans l'espoir de détourner le danger. Ainsi le peuple pouvait exorciser sa peur et renforcer sa cohésion. Pharmakon a donné... le pharmacien, c'est-à-dire celui qui possède de quoi nous guérir.
Perls valorise la "saine agressivité". Pour nous nourrir, nous devons détruire les aliments afin de les assimiler. L'instinct de faim (de nourriture mais également d'affection, de connaissances, etc.) est indispensable à notre croissance.