Citations de Greg Egan (158)
Attirer l'attention du Seuil est une très mauvaise idée. A l'intérieur du trou de ver, le temps est mélangé à l'une des dimensions spatiales ; de plus, par nécessité physique ou par conception, tout ce qui correspond à un mouvement du futur vers le passé est interdit. Traduit dans la géométrie actuelle du trou de ver, cela veut dire que quand le Seuil se matérialise autour de vous, il devient impossible de s'éloigner du centre. Vous avez un temps inconnu, peut-être dix-huit minutes, peut-être plus, peut-être moins, pour gagner la sécurité du Cœur dans ces conditions bizarres. De plus, la lumière est soumise aux mêmes effets ; elle ne peut se propager que vers l'intérieur. Tout ce qui est plus proche que vous du centre se trouve dans un futur invisible.
Vous courez vers les ténèbres.
(Dans "Le coureur")
La plupart des humains en chair et en os vivent et meurent sans jamais savoir ce qu’ils sont, ni ne s’en préoccupent ,repoussant avec mépris l’idée même que cela puisse avoir de l’importance. Mais vous n’êtes pas en chair et en os. Vous ne pouvez pas vous permettre le luxe de l’ignorance.
Camille gâchait la symétrie, faisant du stop sur la rivière de pierre , un export que personne n'avait commandé ni autorisé.
Combien de ses amis mourraient avant quelle ne revoie ce monde?
Le simulacre de reporter dit : "Eh bien, Sénateur, il me semble que les téléspectateurs aient voté pour un spot publicitaire, alors merci de nous avoir accordé cet entretien.
- Je vous en prie."
Il avait visité la prison américaine de Bagram, en Afghanistan, où on avait battu à mort des innocents, et des camps de détention dans le désert australien où des réfugiés poussés à la folie se tailladaient au rasoir.
Le mélange toxique du pouvoir et de l'impunité faisait partie des maux universels qui accablaient l'espèce humaine.
Je savais que Karen était morte. Pas blessée, pas en danger. Sans rien pour la protéger de la détonation, elle devait être morte sur le coup.
J’ y ai longuement repensé depuis, et j’arrive à la même conclusion : une personne ordinaire, dans la même situation, serait revenue en courant, aurait risqué sa vie; sous le choc, désemparée et incrédule, elle aurait fait ce qu’on imagine de plus dangereux et de plus futile.
Mais le boy scout zombie savait qu’il ne pourrait rien faire, donc il s’est simplement retourné, et s’est éloigné.
- Tu sais ce que c'est, les jeux d'argent ? Une sorte de taxe : une taxe sur la stupidité. Une taxe sur la cupidité. Une certaine quantité d'argent change de main de façon aléatoire, mais le flux va toujours dans le même sens : vers le gouvernement, les opérateurs de casino, les bookmakers, le crime organisé. Si jamais tu gagnes, ce ne sera pas contre "eux". Ils prendront toujours leur part. Tu auras gagné, oui, mais contre tous les perdants, contre tous les fauchés, et c'est tout.
(La mère de Bill Cooper dans "Eugène")
Une chose est immuable : quand un mutant camé au S commence à brouiller la réalité, c'est toujours moi qu'ils envoient dans le vortex pour remettre les affaires en place.
(Dans "L'assassin infini")
Je touchais l'icône du robopharme et dis:
-recalcules mes doses de mélatonine .Donnes- moi deux heures supplémentaires de lucidité maximale par jour ,dès maintenant .
-jusqu'à quand ?
-le 8avril ...
-vous allez le regreter dit le robopharme .
«La compréhension, affirma la conférencière, est un concept très surfait. Personne ne comprend vraiment comment un œuf fertilisé se transforme en un être humain. Quelle attitude devrions-nous alors adopter ? Cesser d'avoir des enfants jusqu'à ce que l'ontogenèse soit complètement décrite par une série d'équations différentielles ?»
Je dus concéder qu'elle venait de marquer un point.
Tout le monde finissait par décider de mourir,et aucune sortie n'était parfaite.
Autant il était important , d'avoir un but, une destination, autant il était vain de se noyer sans raison particulière dans la simple abondance des mondes.
Sa peur avait disparue ; elle ne ressentait que regrets et honte. Sa fuite était un fait accompli mais la lutte continuerait sans elle.
:les plantes et leurs bactéries symbiotiques sont capables d'analyser la plupart des poisons et de reprogrammer leur métabolisme pour les rendre inoffensifbles
Je sais que nous sommes « biologiquement » programmés pour aimer les bébés. Et alors ? On peut dire la même chose de quatre-vingt-dix pour cent des activités humaines. Nous sommes également paramétrés pour prendre plaisir aux relations sexuelles : ça n'a pas l'air de gêner qui que ce soit. Personne ne prétend se faire entuber par la nature qui nous pousse avec perversité à des actions que nous n'aurions pas entreprises autrement. Quelqu'un parviendra bien un jour à expliquer, étape par étape, les bases physiologiques du bonheur que l'on ressent à écouter du Bach : est-ce que cela transformera tout à coup cet instant en réaction « primitive », en escroquerie biologique, en expérience aussi stérile que de planer grâce à une drogue euphorisante ?
Je n'avais jamais pu me convaincre tout à fait qu'une oeuvre littéraire, une poésie ou une pièce de théâtre, m'ouvrait une fenêtre sur l'âme de l'auteur, même quand j'y avait trouvé un important degré de résonance personnelle. Le langage avait évolué pour faciliter la coopération dans la conquête du monde physique, pas pour décrire la réalité subjective. L'amour, la colère, la jalousie, le ressentiment, le chagrin, étaient tous définis en dernière analyse, en terme de circonstances externes et d'actions observables. Quand une image ou une métaphore sonnaient jusqu'à mes oreilles cela prouvait seulement que je partageais avec l'auteur un ensemble de définitions, une liste d'association de mots résultant de notre culture.
Plus près de toi, p. 448
Il avait vu ses parents mourir, en paix, et le monde continuer de tourner. Il avait vu des dizaines d'inconnus mourir, de mort violente, et le monde continuer de tourner. Ce qu'on pouvait faire pour les morts, c'était s'occuper des survivants et les protéger.
Consensus et intransigeance - quel sympathique oxymoron orwellien.
- Vous m'avez sauvé la vie.
La voix de la chimère était profonde, douce et calme. Elle me parlait en me regardant droit dans les yeux. Je m'étais attendu à ce qu'elle soit d'une timidité maladive, se trouvant parmi des étrangers, peut-être pour la première fois de sa vie. Elle était couchée en rond sur son lit, sans drap pour la couvrir, mais la tête reposait sur un oreiller blanc et propre. Son odeur était perceptible mais pas désagréable. Sa queue, aussi épaisse que mon poignet, et plus longue que mon bras, pendait du bord du lit et ne cessait de remuer.
(Dans "La Caresse")