Récits de la cabane abandonnée de
Grey Owl
Je commençais une chasse d'automne. Comme j'habite sur le territoire du Parc National [où il est interdit de tuer des animaux] je dois en sortir chaque année, et entreprendre un voyage de vingt milles environ, quand je veux m'approvisionner de venaison pour l'hiver.
Le pays que je parcourais m'étais mal connu. A la fin d'une brève journée de décembre où le brouillard et le vent m'avaient rendu la marche difficile, je fus surpris par la nuit à quelques miles de mon but. Il me fallait camper, je me sentais las ; trompé par l'obscurité, j'avais pataugé dans un marécage et je trainais non sans peine mes raquettes alourdies de glace. Ce fut donc avec une impression de soulagement véritable que je respirai dans l'air, tout à coup, une odeur de fumée, légère, mais impossible à méconnaître.
Le souffle de brise qui l'apportait venait de l'Est, et je marchai de ce côté. Je me trouvais dans une région de futaie vierge ; autour de moi, baignée de nuit, la muraille des sapins s'élevait noire, opaque, pareille à une haute falaise d'ombre d'où ne jaillissait ni une étincelle de feu, ni le moindre reflet de fenêtres éclairée. Le parfum de la fumée n'était pas âcre ; je lui trouvais cette douceur particulière à quoi l'on reconnaît qu'un foyer s'éteint peu à peu. Mes futurs hôtes dormaient déjà sans doute et mon arrivée chez eux risquait de ne pas leur être très agréable.
+ Lire la suite