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Citation de alzaia


chapitre Lire pour lire : un avenir de la lecture p 405

Contrôle et limites

Presque toutes les campagnes d'alphabétisation de masse entreprise au XXème siècle au niveau national ou mondial (par l'UNESCO par exemple) que ce soit dans les pays développés ou dans les anciennes colonies, ont porté avant tout sur le développement de la lecture et non de l'écriture. Selon toute évidence ce choix est le résultat conscient de la vocation pédagogique des institutions qui, partout, ont élaboré les idéologies et les méthodologies de l'apprentissage : l'école dans les sociétés bourgeoise et l'Eglise (concurrente mais d'accord sur ce point), le monde des bibliothécaires (en particulier dans les pays anglo-sanxons), qui a élaboré l'idéologie démocratique de la lecture publique, l'industrie éditoriale, intéressée à la création d'un lectorat toujours plus large et non pas aux progrès à la capacité à écrire. Et il y a quelque chose de plus à la base de ce choix universel, commun à toutes les autorités et à tous les pouvoirs : l'idée que la lecture était, avant l'âge de la télévision, le meilleur véhicule de la diffusion des valeurs et des idéologies, et donc le plus facilement régulable une fois qu'on aurait réussi à contrôler les processus de production, et surtout de distribution et conservation des textes. Au contraire, l'écriture est une capacité individuelle et complètement libre, qui peut s'exercer n'importe où, pour produire ce que l'on veut, hors de tout contrôle et, à la limite, de toute censure.
Il est vrai qu'aux niveaux les plus élevés et dans la culture officielle, la production écrite est contrôlable, avec brutalité ou en douceur. Michel Foucault l'a parfaitement démontré dans "L'Ordre du discours" (...) Comparativement pourtant, le contrôle de la lecture est plus direct et plus facile, et certainement plus indolore. Pour qu'il fonctionne il suffit que les lectures du public à alphabétiser à éduquer (donc à endoctriner) soient autoritairement dirigées vers un corpus d'oeuvre déterminées et non vers d'autres, donc vers un canon, plus ou moins large, libéral ou restrictif, mais qui reste un canon imposé, c'est à dire une valeur indiscutable, à prendre comme tel.
Selon la définition courante, un canon est une "liste d'oeuvres ou d'auteurs proposée comme norme, comme modèle". Toute culture écrite en a compté un ou plusieurs, considérés comme valides soit dans l'absolu soit dans des milieux particuliers (religieux, littéraire, etc). Notre tradition littéraire occidentale a élaboré le sien, suffisamment vaste pour satisfaire l'industrie éditoriale, mais aussi assez rigide pour assurer la reproduction des valeurs idéologiques, culturelles et politiques qui sont à la base de la vision du monde occidental depuis deux siècles, et qui va des oeuvres d'Homère à celles des "maîtres à penser" du Collège de France.
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