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Critiques de Guido Buzzelli (12)
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Aunoa : Les Labyrinthes

Tout commence par un grand boum.

Nous présumons une explosion nucléaire.

Mais ce n'est pas le propos.

J'aurais presque envide de dire que l'histoire n'est pas non plus le propos de ce livre. Je serai bien en peine de vous expliquer exactement ce qui se passe. Les événements sont claires, la progression simple. Passons sur les origines du cataclysme qui ouvre cette histoire. Ce n'est qu'un déclencheur.

Mais quid de la Sphère dont vient Aunoa ?

Et de cette communauté délirante où des savants fous créent des chimères délirantes d'hommes et de chiens ?

Rien n'a de sens dans cette histoire.

Et le pauvre Marcel Sforvo se retrouve ballotté dans ce monde délirant avec une seule idée en tête: Aunoa.

Cela dit, dans le genre héros sans peur et sans reproches, il n'a pas vraiment le profil de la fonction. Physiquement malingre, de caractère egoïste, peureux, râleur, borné et j'en passe... nous sommes loin du personnage inspirant.

Bienvenue chez Guido Buzzelli, grand auteur méconnu qui se voit offrit une nouvelle chance grâce aux "Cahiers Dessinés" qui entame l'édition d'une anthologie "Oeuvres" en 5 volumes.

La carrière de Buzzelli n'est pas facile à mettre en valeur. Il a multiplié les travaux alimentaires comme les "histoires de France en bande dessinée". Il n'a jamais développé de série, se limitant à des histoires courtes et des one-shots. Ses récits à la fois féroces et ironiques ne sont pas destinés au grand public. Pour la petite histoire, l'éditeur PMJ s'est mangé un bouillon de première en rééditant l'Agnone, l'un de ses meilleurs livres. mais il n'arrive à n'écouler que 10% du tirage, vouant le reste au pilon.

Et pourtant, quel énorme auteur.

Ce Labyrinthe est un récit brillant et délirant dans lequel Buzzelli aime mettre en scène un alter égo pathétique aux prises avec les pires avanies. Il démontre une véritable science du rythme et du rebondissement. On se demande bien par moment ce que ce joyeux bordel veut dire. Il est difficile de ne pas voir derrière les outrances une critique sociale très virulente dissimulée sous les oripeaux de la farce le plus burlesque. Et pourtant, le pamphlet est bien présent.

Je continue de penser que Buzzelli est un auteur voué à rester confidentiel, même si c'est injuste pour son énorme talent.
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L'Agnone (Collection Pilote)

relu ce très grand livre de Guido Buzzelli, auteur injustement oublié des éditeurs. Buzzelli met en scène son alter égo, dramaturge désireux de monter une pièce de théatre dénonçant la corruption de la société. Il décide d'utiliser des comédiens amateurs pour sa pièce Il se retrouve face à une véritable cours des miracles de ce que les bas-fonds peut avoir de plus déparvé, son 'roi' était une sorte de sosie du dramaturge (dopnt les noms sont des anagrammes), mais en plus échevelé et mauvais jusqu'à la moëlle. Allégorie sur la dualité, sur l'impuissance de l'art face à la cruauté du monde, sur l'échec de la vertu... la fable est noire et désespérée. le talent de Buzzelli est éblouissant.

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La revolte des rates

Dans un monde qui ressemble à une fantaisie antique, le monde est clairement divisé entre les "beaux" qui règne sur la surface, et les "laids" qui triment dans les mines pour extraire le sel et autres substances précieuses pour le compte des "beaux". Et lorsque 2 clans de "beaux" se déclarent la guerre, l'affrontement se fait par "laids" interposés, enrôlés et exhortés à laver l'affront dans le sang. Certains "laids" ont la chance de cotoyer les "beaux", soit comme animaux de compagnie, soit comme bouffon. C'est le rôle de Spartak, qui préfère de loin être bouffon chez les "beaux" que de vivre dans la fande des laids.

Evidemment, derrière l'extravagance de cette histoire se dissimule une fable politique acide et cruelle. Comme à son habitude, Buzzelli prête ses traits, et sans doute un peu plus, à son personnage principal. Il met en scène une galerie de personnages grotesques et ridicules, renvoyant à toute une tradition du théatre mais aussi du cinéma italien des années 60 et 70. On pense aux films de Dino Risi comme "Les Monstres" ou à "Affreux, sales, bêtes et méchants", à la démesure d'un Fellini. Cette révolte des ratés, devenue "révolte des laids" dans la nouvelle traduction incluse dans le tome 2 de l'anthologie consacrée à ce génie méconnu de la bande dessinée italienne, reste d'une acuité étonnante. Il est difficile de ne pas voir pointer un constat terriblement désanchanté derrière une caricature bouffonne. Puis il y a le graphisme de Buzzelli, excellent dessinateur qui rêvait de peinture à une époque ou le figuratif était moqué et méprisé. la bande dessinée était le seul endroit où il pouvait dessiner comme bon lui semblait, croquer des trognes incroyable, mettre en scène les corps avec un impessable sens du mouvement. Mais on sent qu'il reste chez Buzzelli une forme de frustration, d'avoir dû renoncer à la peinture pour faire de la bande dessinée. Même s'il l'a fait avec un talent fou (et bien trop peu remarqué), il n'est pas étonnant qu'il ait sans cesse représenter des parias, des personnages qui se retrouvent en décalage avec la société, condamnés à s'adapter de mauvaise grâce ou se soumettre faute de mieux ou pour éviter au pire.
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La revolte des rates

C'est loin d'être un divertissement innocent cette BD ! Il s'agit en fait d'une fable politique amère et au final désespérée (Il faut que tout change pour que rien ne change...) . Ce monde en deux royaumes ,celui des ratés et celui des parfaits c'est le nôtre ... Et quel dessin remarquable qui colle au discours .
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Oeuvres 4

"HP" tient presque du manifeste, illustrant la volonté pour l'auteur de continuer, envers et contre tout, à tracer sa route.
Lien : https://www.bdgest.com/chron..
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Oeuvres, tome 3 : Les Buzzéliades, Illustrati..

Ce troisième tome des Œuvres n'est clairement pas à mettre entre toutes les mains. Il est à réserver à un public averti et son humour très trash à de quoi en rebuter plus d'un. Les adeptes du "on ne peut plus rien dire" trouveront sans doute qu'il va quand même trop loin. Les puritains auront les yeux qui saignent.
Lien : https://www.bdgest.com/chron..
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Tex spécial, tome 1 : Il Grande

Le buzz.

Les deux frères Patterson ont décidé de faire main-basse sur les concessions environnant leur prospère exploitation de bois. Tout est bon pour impressionner et faire céder les petits propriétaires. Pourtant, l’honnête Thompson, sa fille Jane et leur fidèle employé, le bûcheron colosse Pat Mac Ryan résistent encore et toujours à la voracité des Patterson. Trois morts apparemment accidentelles mais clairement signées par les sbires à la solde des frères ont fait fuir l’équipe des bûcherons de Thompson. Ce dernier est acculé par les dettes et craint pour la vie de Jane alors que des coups de feu criblent leur maison isolée dans les bois. Maintenant réfugiés en ville tous les trois, Pat a l’idée de rédiger une lettre à destination de ses amis rangers, le grand Tex et le non moins éminent Kit Carson. Max Patterson, bilieux et sanguin, dépêche auprès de Thompson le cauteleux avocat Kaufman qui va essayer de manœuvrer afin de réaliser la vente à l’avantage de son patron mais l’arrivée inopinée des rangers l’envoie directement au tapis, un poing dans sa vilaine bobine pour solde de tout compte. Patterson n’en reste pas là et s’adresse à un tueur à gages, Gentry qui s’en va armer une bande de malfrats. Pétarade et sarabande s’ensuivent. Face à la résistance opposée, le deuxième des Patterson, Gerald, décide d’ourdir un piège en enlevant Jane et en la séquestrant dans une pièce aveugle de sa maison, derrière un mur pivotant. Tex va tenter l’impossible pour soustraire Jane des griffes du retors Patterson, empruntant des passages impensables afin de franchir les lignes ennemies. Le cauchemar va se concrétiser lorsque Tex se trouvera emmuré alors que Gerald Patterson emmènera Jane en barque pour la noyer.

L’histoire classique et tragique imaginée par Claudio Nizzi s’agrémente de passages distrayants à l'exemple de Flora, la belle réceptionniste du saloon, sollicitant le géant Mac Ryan afin de ranger la cave de son patron alors que l’armoire à glace empoigne les meubles et les pulvérise à mesure qu’il les saisit. Toutefois, la trame est sombre et pour parvenir à leurs fins, les hommes sont prêts à toutes les bassesses. Le western prend des allures de thriller quand Gerald dévoile sa face cachée, opportuniste, cynique, arriviste, meurtrier en puissance, froid et déterminé. La maison avec ses chausse-trapes pourrait être le tombeau d’une victime innocente d’un tueur en série, ici la belle Jane, là le grand Tex. Le dessin de l’immense Guido Buzzelli est extraordinaire, tout en mouvement, d’une manifeste expressivité dramatique, doué d’une énergie visible dans l’échevelé du trait. La mise en scène cinématographique intensifie encore les mouvements des personnages. Tex Il Grande inaugure la série des Tex Spécial en plaçant haut la barre mais le vivier des dessinateurs transalpins est tel que le pari sera relevé ensuite sans faux pas.
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Zil Zelub.

A la question qui clôt le résumé sur la fiche du livre, "Les Cahiers Dessinés" ont plus que le courage de rééditer Zil Zelub puisqu'ils se lancent dans une anthologie en 5 tomes des oeuvres de Guido Buzzelli. Zil Zelub fait partie du premier tome qui vient de paraître.

Zil Zelub, alter ego de Buzzelli, est soudainement affligé d'une maladie peu banale. Ses membres se détachent de son corps et ne lui répondent plus. Pire, ils se laissent aller à des comportements déplacés. Son bras droit importune les femmes, son bras gauche vole... Pour Zelub, violoncelliste moyen et personnage assez médiocre (Buzzelli utilisera souvent des doubles pathétiques comme anti-héros de ses histoires), la situation est invivable. Il cherche de l'aide auprès de son ami Dominique, médecin peu scrupuleux. Ce sera le début d'un enchaînement de péripéties et de rencontres pour un Zil Zelub qui désespère de retrouver son intégrité physique.

Ce livre est un jeu de massacre réjouissant qui dresse un protrait au vitriol de la société italienne des années 70. Politiciens corrompus, mafieux qui s'insinuent dans toutes les couches de la société, charlatans en tous genres, pollution galopante causée par l'appat du gain des industriel... tout y passe dans une sarabande grotesque qui prend parfois un tour onirique. Où s'achève la réalité ? Où commence le fantasme ? Buzzelli laisse planer le doute. A travers le calvaire de Zelub, il illustre le déchirement intérieur d'un homme qui n'arrivent pas à se détacher de ses fantasmes d'enfant et la mise en pièce d'un citoyen par des personnes sans scrupules en quête de pouvoir.

Pessimiste ? Sans doute.

Nihiliste ? Certainement.

Drôle ? Horriblement.

Comme je le disais à propos de Aunoa et le labyrinthe, Buzzelli est un auteur foncièrement original, mais trop particulier pour pouvoir toucher un large public.

Et pourtant, il peut être qualifié de génie méconnu sans que cela soit galvaudé.
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Œuvres I - Le Labyrinthe - Zil Zelub - Anna..

Il faut lire, ou relire, les bandes dessinées de Guido Buzzelli pour tenter de comprendre. Elles ne sont pas anecdotiques ; elles sont au contraire inclassables et dérangent l’ordre établi, quel qu’il soit. Son trait est d’un élégant classicisme - sa maîtrise de la peinture figurative n’y est pas pour rien - mais ses compositions sont d’une audace encore étonnante aujourd’hui. Ses histoires, entre science-fiction, fantastique et onirisme, sont d’un sombre pessimisme, mais laissent la primauté à l’individu : rien de ce qui est humain n’était étranger à Guido Buzzelli, et il semble bien qu’il le savait.
Lien : https://www.actuabd.com/Le-m..
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Œuvres I - Le Labyrinthe - Zil Zelub - Anna..

Cela fait des années que j'espérais que Guido Buzzelli connaisse enfin une édition digne de son talent. Jusqu'à présent, il fallait écumer les bouquinistes pour espérer trouver des éditions souvent médiocres de ses livres. Grâce à cette anthologie annoncée en 5 tomes (le cinquième étant consacré aux peintures de Guido Buzzelli), justice est enfin rendue à ce très grand auteur.

Il faut noter le beau travail éditorial, que ce soit concernant l'appareil critique et la reproduction des planches. Au vu de la qualité du livre, le prix n'est même pas excessif.

Ce tome reprend Aunoa: Les Labyrinthes, Zil Zelub, Analisa et le Diable et L'Interview ainsi que de nombreux documents. Si vous êtes ouverts à l'univers particulier de Buzzelli: noir, visionnaire, burlesque... n'hésitez pas !
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Œuvres I - Le Labyrinthe - Zil Zelub - Anna..

Ce 1er tome de la réédition des œuvres de Guido Buzzelli me permet de combler une grosse lacune. Je n'ai entendu parler de Buzzelli que très récemment, à l'occasion de la sortie de cette anthologie en fait. Buzzelli, malgré ses travaux parus dans des revues reconnues (Charlie Mensuel, l’écho des savanes, Métal hurlant...) reste injustement méconnu. Pourtant son œuvre mérite largement le détour.



Cette anthologie propose 4 histoires, une préface intéressante, une petite bio et plusieurs pages d'esquisses et de croquis préparatoires. Du beau travail éditorial pour des sommets de la B.D. "Le labyrinthe" (autrefois sorti sous le titre "Aunoa") est un récit passionnant qui commence comme un post-apo classique avant de bifurquer vers... autre chose, quelque chose de jamais vu, de totalement fou. L'intrigue est touffue, part dans plusieurs directions, aborde diverses thématiques tout en restant d'une lisibilité et d'une fluidité remarquables. Narrativement, c'est du travail d'orfèvre. La réflexion sociale et politique est tout aussi passionnante.

Avec "Zil Zelub", en utilisant un point de départ absurde, Buzzelli propose un récit encore une fois très bien construit. Le personnage en pièces détachées illustre les conflits intérieurs de tout homme, la lutte entre le vernis social et l'instinct primitif. Derrière le récit psychologie barré on lit sans peine un portrait peu flatteur de la société italienne des années de plomb. Période violente minée par les extrêmes et la corruption où l'individu est broyé, mis en pièce (ici au sens propre du terme) par des individus avides de pouvoir.

Dans "Annalisa et le diable" il est moins question d'une vision sociale que dans les 2 premiers récits. Buzzelli s'intéresse ici à l'artiste et au processus de création. La réflexion est superbe dans le fond et sur la forme. Il y a une formidable mise en abyme, des trouvailles narratives et de mise en page. Du pur génie !

"L'interview" aborde également les affres de la création, tout particulièrement l'angoisse du manque d'inspiration. C'est le récit qui m'a le moins emballée, qui m'a semblé le moins abouti. Le scénario est plus anecdotique. Mais cela reste de la très bonne B.D intéressante, tout particulièrement visuellement.



Les histoires de Buzzelli bénéficient de scénarios ambitieux et intelligents tout en étant jamais prétentieux. Je ne veux pas trop en dire sur les intrigues des B.D de ce recueil, je veux vous laisser découvrir ces histoires déroutantes peuplées de visions cauchemardesques, des histoires fantastiques et au propos social fort sans qu'il soit lourdement asséné.

L'autre point fort des œuvres de Buzzelli c'est évidemment le dessin. A la fois onirique et réaliste, profond et poétique, simple et détaillé, le trait de Buzzelli est bluffant. Son noir et blanc est sublime. En plus d'un trait parfait, Buzzelli maitrise à la perfection l'art du découpage et de la mise en scène. Certaines planches sont parmi les plus inventives, les plus belles et les plus puissantes que j'ai pu voir.



La préface regrette la froideur de l'accueil qui avait été fait à l'auteur par l'intelligentsia de l'époque. Buzzelli avait alors été taxé de réac et intellectuel. Quelle bêtise ! Ceux qui en ont dressé ce portrait n'ont donc pas compris son œuvre. Ce que je perçois de Buzzelli, à travers ces quelques B.D, c'est un esprit libre, un humaniste pessimiste, assez désespéré mais qui sait jouer du grotesque et de l'humour noir pour raconter des histoires inquiétantes.

Cette anthologie permet d'apprécier le génie d'un auteur à découvrir de toute urgence.

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Œuvres II - Guido Buzzelli

deuxième tome de l'anthologie consacrée aux oeuvres de Guido Buzzelli, formidable auteur injustement méconnu.

Dans une passionnante introduction, Jean-Noël Orengo dresse un portrait très intéressant de Buzzelli, surdoué du dessin qui se rêvait peintre à une époque où la peinture figurative était plus que passée de mode. Elle était méprisée. La bande dessinée permettait à Buzzelli de pouvoir dessiner à son gré. Les nombreuses études et recherches qui sont annexées à ce tome permettent d'ailleurs d'apprécier à sa juste valeur le trait précis du dessinateur. Il ne faut pas pour autant en conclure que le choix de la bande dessinée fut un renoncement et une source de frustration. S'il accepta en effet de nombreux travaux alimentaires (dont de nombreuses bandes dessinées de la collection "histoire de france en bande dessinée", ou un épisode de la série western Tex, fleuron des fumetti de Borrelli), il a surtout réalisé quelques livres exemplaires, à la fois terriblement marqués par l'ambiance oppressante de l'Italie des années de plomb et d'une modernité folle.

Ce second volume propose 2 longs récits politiquement très engagés.

il y a d'abord L'Agnion (nouvelle traduction de l'Agnone), farce tragique qui met en scène un metteur en scène de théatre qui tente de monter une pièce dénonçant la corruption du pouvoir. En quête de vérité, il engage comme acteur principal un marginal qui lui ressemble étrangemment. Ce dernier se révèle être une espèce d'éminence de tout ce que la ville compte de clochards, voleurs, prostituées et freaks. Il impose sa petite cour des miracles comme distribution et fait régner la terreur. Pour ne rien arranger, la police commence à s'intéresser à cette création, qui pourrait déranger les autorités. S'il fallait oser une comparaison, il faudrait convoquer le cinéma d'un Dino Risi, par exemple. Le propos est volontairement outrancier, mais cette outrance dissimule une impertinence salutaire. Et, comme souvent, Buzzelli se met en scène, prêtant ses traits au metteur en scène et à son double maléfique.

L'autre pièce de résistance de ce recueil est "la révolte des laids" (nouvelle traduction de la révolte des ratés). Il s'agit cette fois d'une fantaisie mythologique qui imagine un monde où les "beaux", oisifs et inconséquents, vivant dans un luxe perpétuel, grâce qui labeur des "laids", sales et vulgaires, qui triment comme des bêtes pour assurer le confort des "beaux". Les "laids" servent uassi de chair à canon lorsque les "beaux" décident de se faire la guerre, en général pour des raisons stupides. Quelques "laids" sont tolérés chez les "beaux", mais dans des rôles subalternes, comme celui de bouffon, qui permet à Spartak (encore un alter-égo de Buzzelli, même si débarassé de sa barbe) de vivre un peu plus près de la lumière. Il en oublie la mission qui l ui a été confiée: fomenter une révolte des "laids" pour mettre fin au règne des "beaux". Vous aurez compris que cette fantaisie est moins innocente qu'il n'y paraît et la farce assume pleinement sa dimension politque, une fois de plus.

Comme dans "la guerre vidéologique", récit glaçant qui préfigure avec quelques décennies d'avance la guerre par images interposée.

Le reste du recueil se compose de récits plus courts, parfois plus faibles (comme "le métier de Mario", assez peu intéressant), mais qui continuent de méler un sens de l'humour très acide, une volonté de mettre en scène des parias comme révélateurs des travers de la société, à une critique féroce de la société.

Et il y a "le dernier étage", récit étrange et d'une noirceur absolue. Une plongée en 6 pages dans la tragédie la plus sombre, d'autant plus étouffante qu'elle nous laisse l'imagination pour comprendre comment on en est arrivé là. Un peu comme la nouvelle la plus courte d'Hemingway:

«À vendre : souliers de bébé, jamais portés»

Buzzelli est selon moi au auteur majeur. mais pourquoi n'a-t-il jamais eu la reconnaissance qu'il mérite ?

Dans les années 70, le modèle économique de la BD en était encore aux séries, alors que Buzzelli réalisait des récits uniques ou des courts récits. on ne parlait pas encore de one-shots ou deromans graphiques. Son univers cynique et cruel était aussi en décalage avec la bande dessinée de l'époque, le cantonnant à la marge, malgré la soutien de Wolinski, par exemple. Mais comment expliquer que lorque les éditions P.M.J. rééditèrent l'Agnone en 2000, l'échec fut une fois de plus cuisant ? De mémoire, seul 400 exemplaires du tirage de 4000 trouvèrent preneur, condamnant le reste au pilon. Ce fut le deuxième rendez-vous manqué de Buzzelli avec la postérité. J'espère que cette anthologie le fera sortir du cercle des happy few et lui apporte une reconnaissance posthume amplement méritée.
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