Guillaume Durand - Déjeunons sur l'herbe
Mon père était un personnage de Manet : le goût de la cravate, un courage français qu’il est impossible de définir. Aucun a priori sur personne. Son père Joseph, disparu en 1951, venait directement du XIX e siècle, avec ses guêtres et ses déjeuners où il parlait latin avec ses invités. Comme le fifre,il jouait de la flûte. En même temps, tout ce beau monde eut affaire aux Prussiens, puis à deux guerres mondiales…..Chez Maman, peu d’argent mais des tragédies plus intenses dès le départ… son père Frédéric orphelin fit un service militaire de trois ans avant 1914, puis quatre ans de guerre avant de soutenir les mutins de 1917… Fred fut sévèrement sanctionné pour cette solidarité. Après il enchaîna sur la crise de 1929, puis la seconde guerre mondiale. Est-ce vraiment une vie ?
Peindre le malheur comme une forme élaborée de la gloire est une des raisons qui font que j’aime passionnément Édouard Manet.
J’écris ce livre comme un testament à la hauteur de la culpabilité. Ma carrière s’est déroulée dans l’audiovisuel mais je n’ai jamais réussi à être le Bernard Pivot de l’art, ce passeur, tellement utile puisque l’Education nationale ne fait pratiquement rien.
On ne se promène pas dans un musée ou une galerie pour tout trouver génial ! On y cherche une liberté. La possibilité d’échapper au quotidien. A l’étouffement des préjugés. L’´Art c’est sortir de soi.
Chaque génération réinvente le féminisme. L’arôme de Mery Laurent célébré par les poèmes de Mallarmé et des nombreux portraits au chapeau réalisés par Édouard (Manet) prouvent que la petite alsacienne ne se contenta pas d’´accorder sa faveur au Tout-Paris. Elle devint Nana pour Zola mais elle anticipa aussi la gaité, le culot, le corps triomphant des Nanas en polyester et de toutes les couleurs de Nike de Saint Phalle. Aucune barrière morale ni sociale ne pouvait s’opposer à sa liberté.
Si vous aimez vraiment la peinture, plongez-vous dans l’ensemble de Vallontton ( 1865-1925), vous y trouverez des gravures extraordinaires. Des tableaux sur la bataille de Verdun sans équivalent. Et comme chez Hopper, des cadrages inattendus et des portraits de femmes touchées par la solitude ou le désarroi. A mon sens, Félix est un bien meilleur peintre qu’Edward. La célébrité ne fait pas tout. Manet et sa bande dont partout!
J'arrive au temps des échéances, j'ai dépensé ma vie, qui n'est jamais qu'un prêt, qu'il faut rendre à la mort usurière.
Mais quand il peint, la prémonition l'envahit. S'il regrette que les sœurs Morisot ne soient pas des hommes, le regard de Berthe au balcon est celui de la fureur.
Quand la Victorine -Olympia, avec sa fleur, sa nudité, ses mules et son ruban, elle incarne une luxure tarifée et totalement indifférente à celui qui s'avance et qui veut la posséder.
Depuis que le fréquente (presque vingt ans!), Yan Pei-Ming organise des dîners asiatiques phénoménaux. Sur un plateau tournant au centre d'une table ronde jaillissent raviolis, salades miraculeuses, canards laqués, crevettes au gingembre, toutes formes de boeuf piquant, et une chaleur humaine rarement croisée ailleurs.
La complexité du parent réside dans son obligation d'exemplarité à l'égard de sa progéniture. Mais qui est exemplaire ? Qui a la force de dissimuler perpétuellement ses passions à des enfants qui ont besoin de contempler une image respectable pour ne pas vaciller ?
Si vous regardez une carte de l’Europe, la Belgique est notre cerveau baroque. Des habitants sont plus dingues, plus complexes, plus collectionneurs.
Souvent plus universels comme les frites, Simenon, Magritte ou Tintin. Johnny, le prétendu national, vient du plat pays. Brel a colonisé l’Olympia pendant des années. Stromae est le premier francophone à damer le pion aux Anglo-saxons dans un domaine où ils étaient totalement imbattables: la pop.