Nous voyons venir vers nous un soldat américain : c'est donc que nous sommes toujours dans leurs lignes ; ceci nous rassure un peu.
Il est blessé au côté et semble beaucoup souffrir.
Le fermier lui donne du "Calvados", cela le remonte.
Il repart en direction de la bataille ....
Le gestionnaire teuton aimait la bonne chère, les poulets, les dindons et le beurre frais.
Il avait aussi un goût prononcé pour le Calvados et ne dédaignait pas la monnaie française.
Discrètement, par l'intermédiaire du chef de fabrication (un parfait chevalier d'industrie), les paysans normands, non sans malice, présentèrent l'appât et le troc des sacs de farine commença.
La farine partit dans la campagne, par unités d'abord, ensuite par camions entiers.
Puis elle revint à Valognes se faire cuire et connut même d'autres usages.
Les mitrons français s'amusèrent et flairèrent l'aventure.
Ils entrèrent dans le bain.
A l'heure de midi, alors que l'établissement se vidait de ses maîtres, le camion de la laiterie voisine arrivait.
Une équipe exercée, brouettes en mains, chargeait en un clin d'oeil.
Une bâche recouvrait le tout et le livreur partait dans la nature.
Les boulangers valognais entrèrent dans la danse ...
Le Frère Barthélémy s'en va, seul, sous la mitraille, vers l'Abbatiale, pour chercher le Ciboire et le Saint-Sacrement. Le voici dans le sanctuaire ; parmi les décombres, il se dirige vers l'autel. Les éclats frappent les colonnes, les balles claquent sur les pierres, les torpilles à ailettes miaulent. Le concert infernal de la guerre accompagne le Christ qui sort de son temple, porté par son religieux...
Le Frère fera station sous un couloir, derrière un mur, sous un arbre et, enfin, il arrivera aux abris du Moulin, où il est attendu avec angoisse.
Montebourg n'est plus. J'ai vu des villes de France dévastées (Carentan, Isigny, Trévières), mais jamais une qui fût aussi détruite que Montebourg.
"La ville est morte, pas un signe de vie ; partout ce ne sont que décombres".
Je n'ai trouvé qu'un bâtiment relativement intact dans toute la cité ; par un concours de circonstance vraiment miraculeux, c'est l'hôpital.
Des 300 malades qu'il contenait, 50 seulement s'y trouvent actuellement sous la garde de 10 infirmières.
Au cours de ma tournée, je n'ai aperçu que 4 civils : tous morts.
Dans une tombe qu'on n'avait pas eu le temps de recouvrir, j'ai vu trois corps : un allemand, un américain et un ouvrier russe.
Quelques heures plus tard, je vis cependant deux ou trois enfants ; des enfants perdus qui ne savaient pas ce que leurs parents étaient devenus.
Était-ce vraiment une ville autrefois ?
Y avait-on vécu comme ailleurs ? ...
(extrait d'un reportage de Robert Reuben dans le journal anglais "Daily Mail", où il décrit ses impressions après avoir vu Montebourg libéré en juin 1944)
Au moment où j'écris ces lignes, la nature semble déjà vouloir effacer la souillure des combats, les clos sont à nouveau parés de leurs verts tapis, les pommiers rescapés chargés de fruits.
D'Emondeville, nous partîmes de bonne heure le matin, car c'était un jour de foire.
Nous traversâmes Montebourg, le pays de mon père et de ses ancêtres.
Je le connaissais et, bientôt, je devais y venir demeurer pour toujours.
Nous fûmes arrêtés à la gare. Les barrières étaient fermées.
J'eus bien peur quand le sifflet de la locomotive déchira l'aube ; la jument noire, elle, fit un bond ...
La France a Paris ... La Manche avait Valognes.
Malgré l'herbe qui poussait entre les pavés de ses ruelles et le tremblement discret des vieux rideaux sur votre passage, ses rues et ses demeures restaient pleines du mystère de son passé somptueux ....
Demain sur les tombeaux,
Les blés seront plus beaux...