Les premiers jours, on me demandait si mon poste me plaisait. Je répondais : "Bien sûr, je le trouve très intéressant." Je lisais sur le visage de mes interlocuteurs une manière d'intérêt, de surprise. Aurais-je raconté une aventure où ma vie ne tenait qu'à un fil, ils auraient montré ce même petit étonnement qui marque la grande indifférence. Je tâchais de trouver un angle de vue singulier à un quotidien linéaire.
Les personnes âgées pensaient être volées parce qu'elles avaient peur de la mort, de cette mort qui les dépossédait d'elles-mêmes petit à petit comme leur femme de ménage dépossédait leurs commodes Louis XV de leur argenterie.
Le directeur, sans ambages, nous annonça son départ.
Nous fûmes surpris car, dans l'entreprise, l'incompétence ne différenciait pas ses membres les uns des autres. L'aura du directeur était étroite, son autorité contestée. Sa seule qualité résidait dans sa faculté à déléguer et à ne heurter personne. Je ne trouvais aucune justification à son départ. On se passait déjà aisément de lui.
J'allais devenir international legal coordinator. Sur mon CV, j'avais tout inventé. Il fallait bien masque l'ennui, la paresse attentive des étés au bord de la mer, dans le Morbihan. [...] Quoi de plus éphémère que les amitiés de vacances ? Sinon les expériences de mon CV qui ont vécu le temps de les écrire et qu'un recruteur ne les lise.
Je ne servais à rien, sauf parfois à compliquer légèrement les choses. [...] Inapte à la plus infime exploitation d'ordre pratique ou financier, parfaitement inoffensif, incapable de servir le moindre sabotage technocratique, mon assemblage de données légitimait ma présence.