Citations de Gustave Le Bon (167)
La guerre révèle à un peuple ses faiblesses, mais aussi ses vertus.
La restriction progressive de toutes les libertés chez certains peuples, malgré une license qui leur donne l’illusion de les posséder, semble résulter de leur vieillesse tout autant que d’un régime quelconque. Elle constitue un de ces symptômes précurseurs de cette phase se décadence à laquelle aucune civilisation n’a pu échapper jusqu’ici.
La création d’innombrables mesures législatives, toutes généralement d’ordre restrictif, conduit nécessairement à augmenter le nombre, le pouvoir et l’influence des fonctionnaires chargés de les appliquer. Ils tendent ainsi à devenir les véritables maîtres des pays civilisés. Leur puissance est d’autant plus grande que, dans les incessants changements de gouvernements, la caste administrative échappant à ces changements, possède seule l’irresponsabilité, l’impersonnalité et la perpétuité. Or, de tous les despotismes, il n’en est pas de plus lourds que ceux qui se présentent sous cette triple forme.
Passer de la barbarie à la civilisation en poursuivant un rêve, puis décliner et mourir dès que ce rêve a perdu sa force, tel est le cycle de la vie d’un peuple.
Une foule latine, si révolutionnaire ou si conservatrice qu’on la suppose, fera invariablement appel, pour réaliser ses exigences, à l’intervention de l’État. Elle est toujours centralisatrice et plus ou moins césarienne. Une foule anglaise ou américaine, au contraire, ne connaît pas l’État et ne s’adresse qu’à l’initiative privée. Une foule française tient avant tout à l’égalité, et une foule anglaise à la liberté.
Les révolutions qui commencent sont en réalité des croyances qui finissent.
Si quelque chose pouvait retarder un peu l'heure de l'effondrement, ce serait précisément l'extrême mobilité des opinions et l'indifférence croissante des foules pour toutes les croyances générales.
Le prestige discuté n’est déjà plus du prestige. Les dieux et les hommes ayant su garder longtemps leur prestige n’ont jamais toléré la discussion. Pour se faire admirer des foules, il faut toujours les tenir à distance.
Laissons donc la raison aux philosophes, mais ne lui demandons pas trop d’intervenir dans le gouvernement des hommes. Ce n’est pas avec la raison, et c’est souvent malgré elle, que se sont créés des sentiments tels que l’honneur, l’abnégation, la foi religieuse, l’amour de la gloire et de la patrie, qui ont été jusqu’ici les grands ressorts de toutes les civilisations.
Ce ne sont pas les rois qui firent ni la Saint-Barthélémy, ni les guerres de Religion, pas plus que Robespierre, Danton ou Saint-Just ne firent la Terreur. Derrière de pareils événements on retrouve toujours l'âme des foules.
On n'arrive à comprendre un peu la philosophie de l'histoire qu'après avoir bien pénétré ce point fondamental de la psychologie des foules : il faut être dieu pour elles ou ne rien être.
Connaître l’art d’impressionner l’imagination des foules c’est connaître l’art de les gouverner.
L’histoire des révolutions populaires est presque incompréhensible si l’on méconnaît les instincts profondément conservateurs des foules.
La simplicité et l’exagération des sentiments des foules les préservent du doute et de l’incertitude.
Savons-nous un seul mot vrai sur la vie des grands hommes qui jouèrent les rôles prépondérants dans l’humanité, tels qu’Hercule, Bouddha, Jésus ou Mahomet ? Très probablement non. Au fond, d’ailleurs, leur vie exacte nous importe peu. Les êtres qui ont impressionné les foules furent des héros légendaires, et non des héros réels.
La création des légendes qui circulent si aisément parmi les foules n’est pas seulement le résultat d’une crédulité complète, mais encore des déformations prodigieuses que subissent les événements dans l’imagination d’individus assemblés. L’événement le plus simple vu par la foule est bientôt un événement défiguré. Elle pense par images, et l’image évoque elle-même une série d’autres sans aucun lien logique avec la première.
…parce que les instincts de férocité destructive sont des résidus des âges primitifs dormant au fond de chacun de nous. Pour l’individu isolé il serait dangereux de les satisfaire, alors que son absorption dans une foule irresponsable, et où par conséquent l’impunité est assurée, lui donne toute liberté pour les suivre. Ne pouvant exercer habituellement ces instincts destructifs sur nos semblables, nous nous bornons à les assouvir sur des animaux. C’est d’une même source que dérivent la passion pour la chasse et la férocité des foules. La foule écharpant lentement une victime sans défense fait preuve d’une cruauté très lâche; mais bien proche parente, pour le philosophe, de celle des chasseurs se réunissant par douzaines afin d’avoir le plaisir d’assister à l’éventrement d’un malheureux cerf par leurs chiens.
Par le seul fait qu'il fait partie d'une foule, l'homme descend donc plusieurs degrés sur l'échelle de la civilisation. Isolé, c'était peut-être un individu cultivé, en foule c'est un instinctif, par conséquent un barbare. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. Il s'en rapproche encore par sa facilité à se laisser impressioner par des mots, des images, et conduire à des actes lésant ses intérêts les plus évidents. L'individu en foule est un grain de sable au milieu d'autres grains de sable que le vent soulève à son gré.
La foule psychologique est un être provisoire, composé d’éléments hétérogènes pour un instant soudés, absolument comme les cellules d’un corps vivant forment par leur réunion un être nouveau manifestant des caractères fort différents de ceux que chacune de ces cellules possède.
La première manifestation des progrès d’une science est de renoncer aux explications simples dont se contentent ses débuts. Ce qui paraissait d’abord facile à comprendre devient plus tard très difficile à expliquer.