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Critiques de Gustave Roud (17)
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Air de la solitude

« Soyons inexplicablement heureux ».



Voilà un livre profondément aimé, aimé que j’aimerais pouvoir écrire ici en italique, aimé prononcé avec non pas le ton d’un lecteur curieux de n’importe quel texte un tantinet différent, un tantinet poétique, aimé dans le sens d’une vraie rencontre, d’un échange, de mots qui transforment, quelque chose à la limite de l’indicible, de l’informulé, pourtant bien présent en filigrane. Un air lancinant qui habite tout homme et toute femme, même entouré, un air de la solitude, une fatalité. Cet absolu de la solitude qui « n’est pas dans ces hauts lieux déserts, il est parmi les hommes ».



Un livre écrit en 1945 par le poète Gustave Roud, rassemblant des textes parus à partir de la fin des années 1920, un livre au charme suranné d’un doux sépia vert-de-gris, qui, en chantant la campagne, les paysages suisses du Jorat vaudois entourant le village de Carouge où il vécut, le dur labeur, les saisons, la maladie et l’amitié, nous parle de l’universel. Réédité en 2022 aux éditions Zoé Poche, préfacé par Marie-Hélène Lafon, regroupant pensées et observations, extraits de correspondances, journal, photos de la paysannerie suisse, ce petit livre me suit et me nourrit partout, n’importe quand, depuis quelques semaines maintenant.



Émerveillée par certaines scènes, j’ai du mal à trouver les mots pour qualifier les sensations qui pourtant éclatent en moi de façon indubitable. Comme un art de savoir associer le labeur, les douleurs, l’âpreté, la fugacité aux beautés éternelles. Marie-Hélène Lafon le dit bien mieux que moi : « je Lis Air de la solitude comme on remonterait à la source du brouillard, je lis à tâtons, je flaire des relents de vieilles douleurs et de fastes embellies ». Il réunit la temporalité à l’immortalité, le fini à l’infini, Gustave Roud joint la beauté au monde paysan auquel il est attaché et reconnaissant. Voyez ce bucheron blessé, affaibli, alité, sentez ce qui se passe dans cette chambre :



« Le bûcheron en s’éveillant de son premier sommeil depuis des nuits ose enfin tourner la tête vers la petite fenêtre au fond de sa chambre. Il voit un morceau de colline lavé par les pluies, d’un vert doux un peu jaune, et sur le gris du ciel la fine gerbe de ramures d’un pommier solitaire. Une molle vague de vent tiède roule au long des murs jusqu’à son visage. Il rêve. Mars ? Avril ? Demain il rouvrira les yeux avec surprise, baigné d’une lumière pâle et froide comme la craie ; son fils, tout noir contre la fenêtre aveuglante, les lèvres aux carreaux, fera périr de sa seule haleine tout un jardin de givre qui renait sans cesse. Il fait triste et il fait bon dans cette chambre étroite ».



Ce n’est pas une poésie faite d’élans enflammés, de circonvolutions, d’excès passionnés, oh non, c’est une poésie simple, sérieuse, austère même, très singulière. Une poésie aux pâles couleurs douces. Une poésie qui sait se rendre essentielle pour rendre compte du primordial, de la plénitude du monde et de son harmonie paradisiaque. Une poésie sans excès mais au lyrisme contenu, à l’image des hommes et des femmes sur lesquels il porte le regard, ces hommes et ces femmes aux vies ouvertes comme des fleurs qu’il « cueille une à une du cœur ou du regard ».



Un recueil sur la signification même de la poésie, sa façon de la ressentir, de l’atteindre, cet « instant suprême où la communion avec le monde nous est donnée, où l’univers cesse d’être un spectacle parfaitement lisible, entièrement inane, pour devenir une immense gerbe de messages, un concert sans cesse recommencé de cris, de chants, de gestes, où tout être, toute chose est à la fois signe et porteur de signe ».



Vivre les saisons, adopter le rythme de la nature, faire l’éloge du labeur paysan, tel est le contenu des propos de Gustave Roud. En apparence, ou disons pas seulement…« Le Paradis est dispersé sur toute la terre, c'est pourquoi on ne le reconnaît plus. Il faut réunir ses traits épars. » Voilà le vrai rôle du poète, la mission de Gustave Roud.



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Air de solitude et autres écrits

Après celle de son "Petit traité de la marche en plaine", la lecture d'"Un air de solitude" de Gustave Roud a été pour moi une très belle découverte. Écrivain et photographe reconnu en Suisse romande, ami proche de Charles-Ferdinand Ramuz, de Maurice Chappaz et de Philippe Jaccottet

Gustave Roud possédait une écriture austère et simple qui la rend encore aujourd'hui particulièrement attachante. Sans excès de forme, sans pensée intempestive, l'auteur témoignait et portait un regard singulier sur les paysages, sur toute la campagne environnante (ceux du Jorat vaudois, autour du village de Carouge où il a vécu durant toute sa vie), sur les hommes et les femmes aussi. Comme un désir jamais assouvi, l'auteur portait son attention, sa bienveillance sur ces êtres, sur des instants, sur tout un environnement, une nature figés dans une temporalité qu'il voulait croire éternelle mais qu'il savait éphémère. La prose de Gustave Roud n'élucide pas la solitude, le temps qui passe, la mort… Il y adjoint la beauté, la reconnaissance, l'attachement au monde paysan, aux êtres et à leurs travaux, aux villages, au rythme des saisons. L'auteur possédait

une belle et rare intuition de son temps, de tout ce qui l'entourait, il ne tranche pas, ne fait pas de choix entre l'intemporalité et la finitude des choses, il les rassemble, les unit. C'est parce que le temps nous échappe, qu'il se fait plus présent et plus beau encore. Influencé par le romantisme

allemand, Gustave Roud aimait souvent citer cette phrase de Novalis : "Le paradis est dispersé sur toute la terre. Il faut réunir ses traits épars". Faire usage de la poésie, la rendre essentielle, primordiale, c'est tout ce que contient la belle écriture de Gustave Roud dans "Un air de solitude".
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Air de solitude et autres écrits

Ma meilleure lecture de 2021 et assurément ma découverte de l’année ! Gustave Roud, critique, traducteur, photographe mais aussi et surtout poète suisse, peu connu bien qu’il ait largement influencé le regretté Philippe Jaccottet (qui lui consacre d’ailleurs une préface merveilleuse). Il s’agit d’un recueil de poésie en prose plutôt classique et romantique, accessible à tous et toutes, qui m’a séduite par la grâce de son style, sa grande mélodie ainsi que la singularité de ses thématiques (la campagne, sa temporalité très particulière, le travail des paysans et plus largement la beauté des paysages du Haut Jorat où il a passé l’essentiel de sa vie).



Dis comme ça, j’ai conscience que j’ai peu de chances de vous donner envie de le découvrir alors je vais laisser Philippe Jaccottet vous résumer son oeuvre : “Roud a cité souvent, et on ne peut éviter de le faire après lui, ce fragment de Novalis qu'il a traduit ainsi : « Le Paradis est dispersé sur toute la terre, c'est pourquoi on ne le reconnaît plus. Il faut réunir ses traits épars. » Ce fragment est une des clefs de son œuvre ; un passage d'une « Lettre » à son éditeur [...] le complète : « La poésie (la vraie) m'a toujours parue être.. une quête de signes menée au cœur d'un monde qui ne demande qu'à répondre, interrogé, il est vrai selon telle ou telle inflexion de voix ».

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Air de la solitude

Une rencontre étonnante le premier jour des vacances : Gustave Roud, le poète suisse du Jorat, au milieu des livres d'une librairie auvergnate ("Dans la forêt", à La Chaise-Dieu, un lieu que je ne peux que vous recommander 😉). Je me suis senti obligé de l'acheter !

Je ne connais que de loin Gustave Roud dont Jacques Chessex écrivait, quelque temps après sa mort : "C'était LE poète (...) Ce paysan avait écrit quelques-uns des plus beaux poèmes du XXe siècle. Il avait fait naître à la poésie les plus intenses de nos contemporains, les très connus et tous les autres."

Avant même de lire les textes, j'ai découvert que Gustave Roud était aussi un photographe puisque ce livre présente une vingtaine de ses clichés, qu'il avait lui-même choisis pour accompagner ce choix de textes. Et photos et textes sont vraiment en résonance.

Cette poésie de Gustave Roud demande du temps pour qu'on y pénètre. Elle nous invite à chercher des signes dans la nature pour comprendre ce que le monde VEUT nous dire. Dans la contemplation de la nature, au coeur des fêtes villageoises, dans ce qui fait vivre ce pays de semailles et de cloches, dans la description des travaux des hommes, dans les "constellations humaines" des villages, Gustave Roud décèle une présence poétique forte. Dans ses échanges avec des amis ou des écrivains, dans ses souvenirs de l'armée, dans ses lectures, et même dans la présence des absents, il trouve le sel de l'existence, ce qui nous lie les uns aux autres. Une phrase résume assez bien cela : "Ce qu'on appelle plénitude n'est pas tant peut-être une abondance qu'un accord : c'est un échange de réponses, un CONCERT où chacun ne chante que soi, mais l'oreille nourrie du chant des autres."

Et comme en écho, Jacques Chessex écrivait : "Par quels miracles l'homme en proie à la mort devient-il par un retournement paradoxal et magique plus riche de sens et de don qu'aucun vivant ? (...) Une réponse peut-être de Novalis, du fond du romantisme allemand que Gustave Roud aimait traduire : 'La poésie est le réel absolu'."





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Essai pour un paradis suivi du

Vous êtes déjà passé dans ces pays de propreté,

de vert,

au- dessus de Vevey,

en allant à Gruyère,

ou bien dans le Val de Travers pour boire l'absinthe;

vous êtes passé à côté de la ferme où habitait Gustave Roud,

qui savait voyager à pied

comme ces paysans de la montagne qui n'ont que peu quitté leur région, mais dont les descendants comptent qu'en quatre-vingt ans de vie active ils ont parcouru, en marchant, plus de deux fois le tour de la terre,

en reconnaissant chacun des cailloux,

et chaque touffe de vipérine ou d'anémone-sylvie,

du bord de ces chemins qui ne conduisent nulle-part,

dont on n'est même pas sûr que nous puissions sauver le souvenir pour,

‘ces fins du temps où il n'y aura plus de jours'.

Que nous allions au bord de la Mer Morte ou dans ce Haut-Jorat qui lui ressemble jusqu'à son nom: la Plaine Morte, nous choisissons de marcher,

comme lui,

‘avec une absence de précaution qui est la seule précaution à prendre, dessiner par avance son itinéraire -imprudence extrême !'

Rimbaud est là, invisible compagnon de ce marcheur qui ne recherche ni dans sa marche ni dans ses mots le regard des autres,

avec lui, avec eux, découvrons que ‘nous valons plus que nos rêves'…



Lire Gustave Roud, c'est aussi connaître le plaisir de découper - c'était quand la dernière fois ? - les pages des trois volumes de ses écrits.

On le lit en marchant dans ces montagnes de plaine avec un morceau de gruyère et un déci d'un de ces vins blancs du canton de Vaud.



Gustave Roud 20 Avril 1897 – 10 Novembre 1976

Les citations sont extraites de Petit Traité de la marche en plaine, Scène, Air de la Solitude.

Ecrits (3 volumes) Bibliothèque des arts (Lausanne, 1978)

Vues sur Rimbaud (Fata Morgana)
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Air de solitude et autres écrits

La très belle, lumineuse et simple préface de Philippe Jaccottet permet de comprendre le lyrisme de Gustave Roud, poète des Géorgiques, des saisons, du lent rythme paysan du travail et des saisons. Il donne à voir une plénitude du monde, une harmonie paradisiaque, mais dans ce geste même, il indique qu'il n'en fait pas partie, qu'il est seul et exclu de ce grand Tout. De cette tension entre le paradis et le chant de celui qui en est chassé naît le plus beau des lyrismes.
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Essai pour un paradis - Pour un moissonneur



Rarement la campagne n’a paru aussi sublimée que sous la plume de Gustave Roud, magicien muant le blé en or et le verbe en secousse. Roud se saisit du miraculeux, si fragile et si présent que nos yeux l’effleurent à peine, de peur sans doute de le briser. Dans sa magnifique préface, Maryline Desbiolles compare avec justesse l’auteur à Cézanne. Roud éclabousse chaque paysage d’une encre prompte à leur rendre une gloire égarée.

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Air de solitude et autres écrits

Tenter de dire la campagne d'ici, le travail et le repos des paysans, les saisons qui se nuancent, la quête semble simple, elle creuse une solitude habitée de présences difficiles à reconnaître. Les errances et les promenades, dans le Jorat, sur la route aux arbres assassinés, entre Missy et Saint-Aubin, près d'une auberge où s'ennuie une serveuse triste, sur la tombe d'un camarade de service, sont le retour vers ce qui clignote, apparaît, vif et éternel, puis part, souvenir à recréer par les mots. La poésie de Roud est mystique, expression rêvée d'une vérité frôlée dans un arbre, un champ de blé, un chant d'oiseau. Elle parle aux morts pour ressaisir une éternité jadis ressentie. Elle est sans âge, à la fois échec et réussite, sens et absence, beauté et vanité de toute tentation de tout dire.

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Ecrits de Gustave Roud, tome 1

Impossible de livrer ici une critique de ces textes ! Trop de correspondances, trop d'identifications avec ce que je ressens en les lisant.

Le réel, le monde (ici la nature), ce qui vient à l'esprit , les mots et les phrases : "Qu'importe ? Il faut partir." (Gustave Roud , Feuillets)

Un maître !
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Essai pour un paradis suivi du

J'aime avoir en poche ce "Petit traité de la marche en plaine" lorsque je m'essouffle à la montée dans mes randonnées alpines.
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Halte en juin

Être bien installé, de préférence dans la nature, un joli jour de printemps, ouvrir le livre et lire à haute voix. Se laisser prendre par la magie des mots quand ils sont équilibrés. Se surprendre de toutes les sensations qui glissent en nous, expirez,inspirez... Voilà ! pas besoin de faire 2 heures chez un sophrologue, 1 heure de gym ou 3 heures de yoga. Vous y êtes, Respirez.
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Requiem et autres poèmes

Le mot « requiem » évoque le chant des morts, pour les morts, mais son véritable sens est « repos ». Et c’est bien de vision reposée, de calme propice dont fait son pain Requiem (1967), du poète suisse Gustave Roud (1897-1976), un herbier d’éclats intérieurs, fruit de trente ans de méditation et de collecte visionnaire.
Lien : https://www.lemonde.fr/criti..
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Oeuvres complètes

Les « Œuvres complètes » du grand auteur suisse sont enfin publiées. Le poète au travail si profondément ancré dans les paysages vaudois fut aussi photographe, critique et traducteur.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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L'Oeuvre gravé de Picasso. Introduction et ch..

168 planches qui couvrent une période qui va de 1899 à 1945 (pointes sèches, eaux-fortes, aquatintes, et 8 lithographies de 1945).

On retrouve dans l'oeuvre gravé tous les thèmes de Picasso peintre. Avec parfois quelques surprises : une autruche et une poule, splendides aquatintes de 1937, illustrations d'une "Histoire naturelle" de Buffon (1942).
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Entretiens

Ce recueil est constitué d'une sélections d'extraits d'interviews.

Ceux-ci sont passionnants, mais finissent par apparaître comme quelque peu répétitifs.
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Air de solitude et autres écrits

Cette deuxième tentative d'aborder la poésie fut bien plus heureuse. Au départ je cherchais "Petit traité de la marche en plaine" suggéré par David Le Breton mais je me suis rabattu sur cet ouvrage disponible.

Il s'agit d'un recueil de textes publiés entre 1927 et 1967 la plupart du temps de prose poétique.

Ce poète et photographe suisse roman nous chante la vie pastorale et les travaux de la ferme. Il est presque obsédé par les moissons et nous décrit les différents visages de la nature au fil des saisons.

On hume les grains qui s'accumulent dans les granges et le fumier. Ces lignes remplies de mélancolie tentent de nous faire entrer en contact avec le monde des morts par les chants des oiseaux.

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Correspondance 1949-1974

Le problème est inhérent à tout échange épistolaire de ce type, destiné à un usage privé et non à une publication ultérieure. Ce qui signifie que certaines lettres sont anecdotiques, même si elles nous font pénétrer dans l'intimité des correspondants, ce qui est toujours... je dirais... chaleureux et aussi réconfortant pour nous, fervents de ROUD, et seulement lecteurs anonymes.

En dehors des lettres, cet ouvrage présente des fac-similés et quelques photos émouvantes, notamment de Gustave ROUD, de sa soeur Madeleine avec le couple VELAN assis devant leur maison de Carrouge en 1968.

L'ouvrage s'achève sur une étude passionnante de Philippe Renaud analysant dans le roman de VELAN, "JE", l'ombre portée de la "différence" de Gustave Roud.
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