C’est ainsi que Léo entra dans sa vie. C’était un drôle de petit garçon, tendre et docile, qui parfois vous prenait la main et se laissait conduire et raconter, qui parfois s’échappait dans un autre monde, possédé par des histoires incroyables de guerriers cruels.
Jef passa la matinée dans le bureau de l’officier de police responsable de l’enquête. Dans un premier temps, l’officier et son adjoint se concentrèrent sur son témoignage : D’où étaient-ils partis ? Quand ? Qui dans la voiture ? Quelle route ? Qui d’autres ? Des arrêts ? Heure d’arrivée au Number One ? Descendus de la voiture ensemble ?
- Je vous le dit, Monsieur le Commissaire, ces jeunes paumés, ils devraient être notre grande cause nationale !
Le capitaine Dubois se dit, lui, qu'à défaut de pouvoir faire justice à tous ces paumés, il ferait en sorte que cette tragédie soit déballée au grand jour.
- Je le trouve où, ce Bernardo?
- Il est dans les îles et jamais il ne recevra un flic. Essayez plutôt du côté de celui qui se dit le "petit frère" de Patricia, un journaliste de chez vous, qui se nomme Jef.
- Si je pouvais...
Un jour de cette année, alors que Gulumpu était installé au bout du petit ponton, à pêcher et à jouer avec ses amies orques, il vit s’avancer dans la baie un magnifique trois mats, toutes voiles dehors, qui arborait un grand drapeau aux couleurs bigarrées.
Le voilier jeta l’ancre dans la baie et des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants aux visages pâles débarquèrent avec bétail, provisions, armes et matériaux de toutes sortes. Ils venaient d’Angleterre. Sous les yeux ébahis de Gulumpu, ils bâtirent des maisons en bois, une église avec un clocher, une école, des hangars et un quai pour amarrer les bateaux. Ils baptisèrent le village « Éden », le nom du paradis perdu de leur croyance.
Il prend peur. Il regarde Olivier, debout derrière le bureau, la tête baissée, les yeux fuyants. Il comprend. Ils ne vont rien lui laisser sortir de là. Son ordinateur portable, les clés USB, avec les fichiers pouvant servir à sa défense: tout va y passer! Et personne pour le défendre...
La synthèse revient à Antoine Raymond: l'objet de la réforme, le projet de l'entreprise, c'est, dit-il: "Développer l'engagement des gens par le bien-être. En pleine conscience de ce qu'ils font, bien alignés par rapport à la mission de l'entreprise. Qu'ils puissent dire: Ce que je fais a du sens, c'est inéressant. C'est du plaisir, on se sent bien".
Mais Patricia disparaît. De ce jour-là, pour la sauver, Jef bascule dans l’interdit.