Guy Delhasse Clapton a tué ma femme Roman de gare
La mine a beau être meurtrière, les mineurs ne songent pas à la quitter.
Marguerite Reynier, "Joseph Durieux, fils de mineur".
Nous sommes des séquences de vie. Nous passons plus de temps à ne pas exister qu'à être vivants. (p.110)
De fait, madame Charmette a acheté les parts d'une houillère située aux environs de Liège. Les eaux envahissent le puits, cinquante ouvriers sont morts mais le drame, pour madame Charmette, se situe dans la perte de ses revenus : madame n'a plus l'argent nécessaire pour marier ses trois filles ! La mort de cinquante ouvriers dans sa houillère ne paraît pas lui procurer d'autres émotions.
L'image de la scène est désormais irréprochable. Trois guitares et une batterie. (...) Trois devant et le batteur derrière, dans l'ombre. Quatre pour les nouveaux concerts, quatre pour l'éternité. (...) Cinq, c'était trop. Les rôles étaient mal définis. Quatre, c'est la formule gagnante. Quatre pattes à un cheval, quatre pattes à une girafe, quatre roues à une voiture. Le carré est la figure géométrique la plus rare dans l'univers. Le cube ne se trouve pas à l'état naturel. Les Abeilles n'est pas un groupe naturel, les Abeilles est construit sur une alliance mathématique. (p.32)
Tout être à besoin de désordre pour lutter contre l'ordre qui de plus en plus fait muter la société en une sorte de mise en rang permanente. Fais pas ci, fais pas ça, marche droit, pisse droit, change de slip tous les jours, jette ton sperme dans un capote parfumée, mange bio, vote pour ceux qui te créent la sécurité, ah la sécurité, la sécurité des "ants", les enfants, les parents, des adolescents. Ne bois plus, ne fume pas, ne cause pas, ne baise pas, regarde le foot, respire le même air que ton vousin et surtout et surtout ferme ta gueule. (pp.33-34)
Toute l'Angleterre du rock se lève et fonce. Les Abeilles semblent quand même se détacher du lot. Ils ont quelque chose. Quelque chose de différent. Les harmonies vocales, les trouvailles mélodiques, l'énergie de la jeunesse, les instruments, l'humour. Et leurs cheveux, ça alors, leurs cheveux, des tifs pas possibles qui leur descendent sur le front. Les cheveux devant, sur le front, c'est ça la trouvaille, c'est ça la différence. (pp.52-53)
Je n'aime pas les maisons vides et les sacrifices des pierres du passé. Je n'aime pas les mortes demeures et ce futur qui va les tuer. Je me sens à l'intérieur d'une communauté de survivants qui revendiquent le vieux comme la valeur du futur. (p.45)
Je les épie depuis leur départ, les gars. Je les connais, ils forment une entreprise de rock and roll ! Mais personne ne l'appelle comme ça, cette entité de musiciens. On les rassemble volontiers sous le nom de "groupe", un groupe composé de musiciens qui jouent du rock and roll sous contrat qui stipule l'engagement de chaque partie pour une prestation déterminée. (...)
S'il y a contrat, il y a donc entreprise ! Et s'il y a entreprise, il y a des travailleurs rémunérés en contrepartie de prestation sur scène. Ce sont des artistes, des professionnels. Voilà, ce n'est pas plus compliqué. (p.9)
Première page…
L'OURTHE murmure ses premières humeurs quand la pluie gratte sa peau de rivière provinciale. De ses berges de boue, de ses rives devenues floues par un trait de pinceau à la Heintz, la fluente demoiselle connaît les secrets de ses sorties de lit. En guettant Chênée, elle s'avoue lourde devant les presses Raskin, se croit forte pour faire virevolter les kayaks du Mava, se courbe pour se la couler douce sur la plage de Panêcou. Il n'y a, en ces temps cléments de l'après-guerre, ni pont ni passerelle qui relient les usines de Sauheid à celles de Streupas,
seulement le câble huilé du passeur qui attend le chaland sur sa barque effilée.
Les Laminoirs de l'Ourthe, la fonderie Mangé allongent leurs murs de briques noires ; s'étonnant d'être posées là, de basses maisons grises se figent le long de la chaussée.