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Critiques de Guy Sorman (19)
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La nouvelle richesse des nations

Guy Sorman est un penseur libéral convaincu, chroniqueur bien connu dans le Monde et Le Figaro. Il est également militant d’Action contre la Faim et de Reporters sans Frontières. Lorsqu’il publie La Nouvelle Richesse des Nations en 1987, le Mur n’est pas encore tombé, et le tiers-mondisme fait encore recette. Dans cette enquête conduite entre 1984 et 1987, on retrouve les démarches de Toqueville et Claude Levy Strauss : témoignages à l’appui, dans 18 pays différents, les mythes de l’époque sont déconstruits. Guy Sorman, avec un talent de conteur et d’écrivain voyageur qui sait mettre à la bouche et au nez du lecteur les saveurs et odeurs exotiques du monde entier, nous fait aussi réfléchir par nous-mêmes.

Pourfendant idéologies et idées reçues, leur privilégiant les solutions concrètes dégagées sur le terrain, il réintroduit la notion de responsabilité individuelle, montrant que les conditions naturelles et l’histoire impérialiste, si elles expliquent beaucoup, n’excusent pas tout, notamment l’incurie et l’égoïsme spoliateur des dirigeants.

La leçon reste, malheureusement, toujours d’actualité en 2020, même si certains pays à l’époque en développement sont aujourd’hui des locomotives de l’économie mondiale : les différences de développement et la pauvreté dans le monde sont toujours –sinon encore plus-présentes.

Des témoignages concrets, au service d’une conviction : « je quitte Zanzibar, intimement convaincu que les seules solutions réalistes à la pauvreté sont celles qui sont capables, au-delà de la technique et de l’économie, de faire la part de l’imaginaire et de la folie des hommes, de leur exigence de justice autant que de leur désir de richesse ».

Une vision un peu trop optimiste de la bonne application des principes libéraux, qu'il faut contre-balancer, mais une enquête passionnante, un plaidoyer convaincant et une écriture élégante.

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Le génie de l'Inde

Dans toute son oeuvre, Guy Sorman s’est essayé à un genre périlleux : la réflexion comparatiste, à mi-chemin du récit de voyages et de l’essai politique. A la manière d’un Tocqueville, dans le sillage duquel il ne craint pas de s’inscrire, Guy Sorman dont « le monde est [l]a tribu » (Fayard, 1997), parcourt la planète pour mieux comprendre sa foisonnante diversité et tirer des leçons utiles des expériences étrangères. Autant cette démarche se comprenait-elle en leur temps de la part d’un Stendhal visitant l’Italie, d’un Chateaubriand en Terre Sainte, d’un Tocqueville ou même d’un André Maurois en Amérique, autant elle semble prétentieuse, en ce début de XXIème siècle, où il est peu d’objets de savoir, peu d’espaces géographiques qui n’aient déjà leurs spécialistes patentés.



Une lecture sévère de la dernière «promenade géopolitique» de Guy Sorman l’opposera inévitablement aux travaux, plus mûris, des Christophe Jaffrelot, Max-Jean Zins, Christiane Hurtig ou Jean-Alphonse Bernard, pour ne citer que quelques Français qui ont fait de l’étude de l’Inde leur spécialité. Guy Sorman ne joue pas dans la même catégorie. Il a l’honnêteté de le reconnaître. Il n’est qu’un simple voyageur, certes lucide, qui entreprend en voyageant en Inde « une remontée vers la différence absolue » (p. 17). Il y cherche, de son propre aveu, non seulement à découvrir l’Inde, mais surtout « à nous découvrir révélés par l’Inde » (id.).



Du coup, deux lectures de cette entraînante promenade sont possibles. La première est celle, toujours instructive et paradoxale, qui nous présente l’Inde moderne. Un pays qui vient de dépasser le milliard d’habitants et où se côtoient, sans se contredire, démocratie et castéisme : une preuve, inspirée du célèbre "Homo hierarchicus" de Louis Dumont que l’assimilation entre l’égalité et la démocratie est un concept strictement occidental, nous dit Guy Sorman. Un pays que la confrontation soudaine à la modernité a conduit à embrasser avec le BJP un nationalisme ombrageux, l’Hindutva. Un pays dont l’économie a été libéralisée en 1991 et qui voit tout à la fois l’émergence d’une classe moyenne et la misère de près de 500 millions d’individus qui vivent encore en-dessous du seuil de pauvreté.



A cette première lecture, strictement indienne, on pourra en préférer une seconde qui vise à intégrer l’Inde dans ce qu’il faut bien appeler le «système Sorman». Dans les années 80, Guy Sorman s’était fait le chantre de l’ultra-libéralisme par ses premiers ouvrages sur l’Amérique reaganienne (La Révolution conservatrice américaine, La Solution libérale). Sa pensée a évolué et la confrontation à la réalité indienne semble y avoir contribué. Depuis la chute du Mur et la disparition de la seule alternative expérimentée au marché, il n’est plus utile de promouvoir le libéralisme ; mais, alors que se profile une Fin de l’Histoire toute « fukuyamesque », Guy Sorman va chercher en Inde un « supplément d’âme » (p. 290) que l’Occident n’offre plus. Dans un style que ne désavouerait pas une Viviane Forrester, l’ultra-libéral Sorman cherche en Inde «un autre rapport à l’économie dont la finalité ne serait plus un pur exhibitionnisme de la consommation devenue folle, mais l’accès pour tous à une équivalente dignité» (p. 291). La troisième partie de son essai est consacrée précisément à la défense d’une « économie de la dignité » qui combine «l’innovation scientifique ... avec la morale du Mahatma Gandhi » (p. 172) : cocktail futuriste de « Netoyens » (p. 41, 177) câblés gérant des « biovillages » (p. 179) grâce à une agriculture high-tech.

On peut ne pas être d’accord avec cette vision de l’Inde et du message qu’elle est censée nous envoyer. Mais, il faut s’accorder à reconnaître la valeur d’une démarche qui invite à chercher en Orient « mille manières ... d’être des frères humains » (p. 291).
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La solution libérale

En 1992, Guy Sorman faisait l'éloge d'une économie mondialisée, en multipliant des exemples de mise en place de politiques économiques libérales de part le monde. Les questions fiscales et de gestion managériale étaient largement abordées. Le livre qui correspondait à une époque a beaucoup vieilli.
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Made in USA. Regards sur la civilisation am..

Surfant sur la vague du qui sont les Américains suite au 9.11 cet essai veut nous faire découvrir à nous pauvres Européens le vria visage des US.Une réflexion un peu superficielle sans apport significatif.Décevant quoi!

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La révolution conservatrice américaine

Guy Sorman voyageait en 1983 dans les USA des années Reagan et détaillait une Amérique conservatrice sur le plan politique et ultra libérale sur le plan économique.
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Mon dictionnaire du Bullshit

Sous un titre contestable, M. Sorman nous livre en réalité un catalogue de ses opinions sur diverses questions économiques et politiques. Je ne les partage pas, mais il n'est pas possible de les discuter en détail dans le cadre de cette chronique

Tout d'abord sur le titre. Les prétendues"Bullshits" de M. Sorman ne sont rien d'autre que des opinions qu'il ne partage pas. Une telle appellation est la marque d'un mépris insupportable.

Par ailleurs, Monsieur Sorman n'est pas lui-même à l'abri des Bullshits

Il ne s'agit pas de contester ses opinions, mais de dire que ses développements ne sont pas exempts d'approximations, de généralisations abusives, voire de contre-vérités.

Je prendrai un exemple qui ne relève pas de la controverse politique. M. Sorman n'aime pas Clémenceau qui incarne des valeurs à l'opposé des siennes. C'est son droit.

Mais pas d'affirmer que Clémenceau était aveuglé par son anticléricalisme (bien réel) alors que c'est lui que, ministre de l'intérieur après la loi de Séparation de l'Eglise et de l'état, mit fin aux inventaires dans les églises. De même, il s'est opposé avec Briand à Combes qui voulait interdire aux prêtres et aux religieuses de porter le costume de leur état sur la voie publique



De même on ne peut le présenter comme le fossoyeur de l'Autriche-Hongrie, qu'il aurait détesté parce que c'était un état catholique (ce qui est d'ailleurs contestable, mais passons) alors qu'il aurait au contraire souhaité son maintien à titre de contre-poids à l'Allemagne. le démantèlement de l'Autriche Hongrie fut en réalité la conséquence logique du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" inclus dans les Quatorze Points du Président Wilson..Il n'a pas eu les moyens d'empêcher ce démantèlement

En outre, Clémenceau n'est nullement responsable de l'échec des négociations de paix initiées en 1916 par le nouvel empereur d'Autriche. En effet, leur réussite reposait entre autres sur des concessions de l'Allemagne auxquelles cette dernière s'est refusé

Suite à ce refus, Ribot, alors Président du Conseil, met fin aux pourparlers. Clémenceau ne lui succède que quelques semaines après

Ce ne sont peut-être que des détails. Mais lorsque l'on veut evoquer une question historique, qu'on n'est pas obligé de traiter si on la connait mal, on se renseigne, au lieu de d'adresser des reproches fallacieux à un homme qui a le défaut d'incarner le patriotisme français et d'être une référence pour les défenseurs de la République et de la laïcité, c'est à dire de tout ce que Sorman déteste.



Cela dit, l'ouvrage de Sorman n'est pas inintéressant. Il a certaines vues intéressantes et est d'une lecture agréable.

Au moment de la parution de son livre, j'ai entendu l'auteur affirmer qu'il avait changé depuis des ouvrages précédents

Je n'ai pas vu la différence : toujours libéral, toujours atlantiste, toujours aligné sur les USA, toujours mondialiste.
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Le monde est ma tribu

Ce livre part du postulat que la mondialisation économique n'irait pas contre le maintien de civilisations et de pensées diverses et cherche à le prouver par des exemples pris un peu partout sur le globe.
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Une belle journée en France

La plupart des ouvrages de Guy Sorman cherchent à montrer par des voyages et des entretiens l'efficacité ou l'échec de politiques économiques. Ce livre sort de ce mode opératoire pour introduire un peu ironiquement dans une fiction légère quelques remarques économiques sur notre quotidien.
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L'année du Coq. Chinois et rebelles

L’ouvrage est construit selon le schéma habituel de Sorman. A partir d’une figure et de son histoire, l’auteur en tire une idée générale. De personnage en personnage on se promène à travers toute la Chine. Et on dispose, à l’appui, d’une carte en fin d’ouvrage, ce qui est un point très positif.

Sorman décrit clairement les rouages d’une mécanique totalitaire et nous donne ainsi des clés de décryptage qui peuvent s’appliquer à d’autres pays… y compris la France.

La France, tout comme la Chine, est aux mains d’une Nomenklatura technocratique qui ne veut pas faire les réformes libérales qui lui feraient perdre son pouvoir et ses prébendes. En France aussi, la technocratie est sélectionnée par concours.

Sorman nous montre comment le PC chinois, basé sur l’idéologie marxiste (qui dénonce ‘l’exploitation des travailleurs’ !), puise dans un intarissable réservoir d’esclaves, la classe paysanne (80% d’une population de plus d’un milliard d’individus) pour mener à bien sa politique d’expansion industrielle. Politique aux visées impérialistes, bien évidemment, non aux fins d’accroissement du bien-être de la population.

Au passif de l’élève Sorman, celui-ci ne sait toujours pas ce qu’est le capitalisme. Il ignore encore que sans état de droit, il n’y a pas de capitalisme. Et c’est justement pour cette raison que le capitalisme n’est jamais ‘sauvage’. Depuis son passage à l’ENA, avec il est vrai, ses charlatans au programme (voir de Murray Rothbard, ‘Economistes et charlatans’, aux ‘Belles Lettres’), Guy Sorman avait quand même le temps d’approfondir un peu plus la lecture de Hayek et en particulier de ‘Droit, législation et liberté’ (PUF) !

De même, on ne peut, hélas, qu’être dubitatif sur son équation générale :

élection = démocratie = liberté.

Est-ce que des élections donnant au final le choix entre un apparatchik formaté à l’ENA et autre apparatchik formaté à l’ENA, et dont le programme effectif de l’un comme de l’autre est toujours plus d’Etat, autrement dit, toujours moins de liberté pour les citoyens, offrent vraiment une alternative ? A part le choix des étiquettes ‘gauche’ ‘droite’ que l’on pourrait d’ailleurs parfaitement intervertir sur les deux individus, où est la démocratie ?

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La nouvelle richesse des nations

Une série de voyages et d'entretiens, desquels Sorman trouvait toutes les raisons de laisser le libéralisme économique gérer le monde, la "main invisible" du marché devant servir à tous...

Très orienté, mais instructif.
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L'année du Coq. Chinois et rebelles

Guy Sorman explorait en 2005 la Chine, analysait ses mutations, le contraste entre le développement effrénée de la bande littorale et les zones rurales, la constitution progressive d'une classe moyenne. Le livre présente de nombreux exemples, peut-être plus trop d'actualité aujourd'hui. Un instantané de l'évolution économique d'un pays passé en trois décennies de pays en voie de développement à grande puissance mondiale.
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Le capital, suite et fins

En 1995, à l'aide d'exemples tirés de voyages autour du monde, Guy Sorman faisait le point du rapport qu’entretenait les pays avec le capitalisme. Sa banalité en Amérique, les espoirs qu'il avait suscité à l'Est avec la chute du rideau de fer, les économies encore largement fermées sur elles-même comme l'Inde.
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Made in USA. Regards sur la civilisation am..

Un essai sur les Etats Unis au début des années 2000, à la fois reportage et réflexion.

J'ai été très déçue, car, à mon sens, le propos est chargé de contrevérités et approximations. Un exemple : « La recherche de l'égalité est le fondement de l'économie américaine ». (p24)

Plus loin, une généralisation fâcheuse en page 48 : « En Europe, le débat politique porte sur l'organisation de la société, et aux Etats-Unis plutôt sur les moeurs, le corps, les interdits, le mariage ».



L'ouvrage dégage un manque de netteté et une impression d'amateurisme. Enfin, je reproche à l'auteur son parti pris : l'apologie du capitalisme à l'américaine (c'est-à-dire l'Etat minimal et l'absence de protection sociale, voir l'avant-dernier chapitre).

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J'aurais voulu être Français

C'est un livre pétillant, l'écrivain mêle sa biographie personnelle et une analyse de notre époque; il nous livre en particulier une longue observation du fonctionnement de la France-

Ce n'est pas une critique de la France, ( dit-il P 26) et plus loin il dit qu'il fait le procès de la France.

D'innombrables sujets sont analysés et comparés dans un aller et retour entre la France et les Etats-Unis : Sciences Po , l'ENA , et la formation de la France d'en Haut, Peyrefitte, l'enseignement comparé de l'économie en France et aux Etats-Unis, idem pour la biologie, les procédures comparées de l'acquisition de la nationalité française et américaine, Raymond Barre, Sartre, la tolérance à l'égard du port du voile en France et aux Etats-Unis, De Gaulle, Juppé, l'académie, une analyse critique de la réalité ( p 213 ) Mme Badinter, la monarchie républicaine, ...les nombreux sujets traités dans cet ouvrage, et les prises de position de l'auteur peuvent être une base de réflexion personnelle. Ouvrez une page au hasard, et un extrait peut être relevé comme citation, tellement chaque page est intéressante.

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L'Etat minimum



Partie 2/2 , première partie sur la critique de " la révolution conservatrice Américaine de Guy sorman

... )

des partenaires d’une relation sexuelle est la condition nécessaire et suffisante de la licéité de cette relation.  »



Quant aux revendications exprimées, il s’agissait de demander l’égalisation des majorités sexuelles entre homosexuels et hétérosexuels (des hommes étant alors incarcérés pour avoir eu des relations avec des jeunes hommes âgés d’à peine moins de 18 ans), d’interroger la notion de « détournement de mineur — dont le délit peut être constitué par le seul hébergement d’un mineur pour une nuit  », et de demander que la loi relative à l’attentat à la pudeur sans violence sur mineur évolue, en le considérant comme un délit et non plus comme un crime, en limitant la durée de la détention préventive, et en portant à cinq ans de prison la peine maximum encourue pour ce délit, le viol restant un crime passible de la Cour d’assises. Le viol et la pédophilie ne sont ni défendus ni relativisés à aucun endroit de ce texte, et les signataires ont en partie obtenu gain de cause à partir de 1982, que ce soit à propos de la fin de la discrimination entre homosexuels et hétérosexuels, ou de la nécessaire différentiation entre les viols de mineurs, considérés comme des crimes, et les rapports non contraints avec des adolescents de moins de quinze ans, considérés jusqu’aujourd’hui comme des délits.



En 1977, après la signature de cette lettre et son audition par la commission, Michel Foucault était allé en défendre les revendications sur France Culture et présenter ses réflexions sur le sujet, en compagnie de Guy Hocquenghem, écrivain et figure de proue du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR), et de l’avocat Jean Danet. Cette discussion sera publiée sous le titre La loi de la pudeur par la revue Recherche, puis dans les Dits et écrits de Michel Foucault. Dans cet entretien, Michel Foucault perçoit déjà, dans le contexte du développement de la victimologie, branche de la criminologie ne s’intéressant pas aux auteurs des actes mais au traumatisme subi par les victimes, l’émergence d’une «  société de danger  » allant de pair avec le renforcement du pouvoir des psychiatres chargés d’établir la réalité des traumatismes et d’organiser le discours des victimes. Hocquenghem déclare quant à lui que « sur le problème du viol proprement dit », « les mouvements féministes et les femmes en général se sont parfaitement bien exprimés », tout en s’opposant aux paniques sécuritaires poussant à verser dans la surenchère punitive ou les volontés de vengeance, à demander la castration chimique des violeurs, ou à publier des reportages anxiogènes dans la presse à scandale qui ne font en définitive que légitimer le renforcement de l’arsenal répressif.



Dans le cadre d’une pensée visant à limiter l’intervention de l’État sur la sexualité, Foucault s’est plusieurs fois interrogé sur la possibilité de sanctionner les violences sexuelles en tant que violences et atteintes à la personne, mais en renonçant à la définition spécifiquement sexuelle de ces infractions. Ici, analysant l’émergence de discours sur la sexualité qui ne ciblent plus seulement des actes considérés comme des crimes ou des délits mais une vague figure criminelle porteuse de danger, Foucault perçoit le risque que la sexualité finisse par être considérée dangereuse en soi, au nom de la préservation de la famille ou de la défense de la pudeur :



«  Autrefois, les lois interdisaient un certain nombre d’actes, actes d’ailleurs d’autant plus nombreux qu’on n’arrivait pas très bien à savoir ce qu’ils étaient, mais enfin c’était bien à des actes que la loi s’en prenait. On condamnait des formes de conduite. Maintenant, ce qu’on est en train de définir, et ce qui, par conséquent, va se trouver fondé par l’intervention et de la loi, et du juge, et du médecin, ce sont des individus dangereux. On va avoir une société de dangers, avec, d’un côté, ceux qui sont mis en danger et, d’un autre côté, ceux qui sont porteurs de danger. Et la sexualité ne sera plus une conduite avec certaines interdictions précises ; mais la sexualité, ça va devenir une espèce de danger qui rôde, une sorte de fantôme omniprésent, fantôme qui va se jouer entre hommes et femmes, entre enfants et adultes, et éventuellement entre adultes entre eux, etc.  »



Ce passage est très cohérent avec le reste de l’œuvre de Foucault, qui relève d’une archéologie des discours et des formes du pouvoir, d’une réflexion sur la loi, les normes, le pouvoir médical. Il ne s’agit ni d’une apologie du crime, ni d’un dérapage à séparer du reste de l’œuvre. Les réflexions à propos de la figure du monstre, qui justifie les paniques sécuritaires contre un danger difficile à circonscrire, sont en outre le prolongement de ce que Foucault a déjà développé dans son cours donné au collège de France en 1974-1975 et qui sera publié sous le titre Les anormaux.



Dans ce cours, Foucault s’intéresse à l’ « enfant masturbateur  ». Aux côtés du «  monstre humain  » et de l’ «  individu à corriger  », il fait partie des trois personnages autour desquels se constitue au XIXe siècle un «  domaine de l’anomalie  » dans le cadre du développement d’un pouvoir juridico-pathologique autour de la psychiatrie. Dans le cours du 22 janvier 1975, Foucault explique :



« Le masturbateur, l’enfant masturbateur, est une figure toute nouvelle au XIXème siècle (qui est même propre à la fin du XVIIIe siècle), et dont le champ d’apparition est la famille. C’est même, peut-on dire, quelque chose de plus étroit que la famille : son cadre de référence n’est plus la nature et la société comme [pour] le monstre, n’est plus la famille et son entour comme [pour] l’individu à corriger. C’est un espace beaucoup plus étroit. C’est la chambre, le lit, le corps ; c’est les parents, les surveillants immédiats, les frères et sœurs ; c’est le médecin : toute une espèce de micro-cellule autour de l’individu et de son corps.  »



Foucault fait allusion aux «  techniques pédagogiques du XVIIIe siècle  ». Dans les cours du 5 et 12 mars, quand il revient plus en détails sur l’enfance et sur les discours autour de la masturbation, Foucault décrit la famille comme «  un espace de surveillance continue  » et mentionne les parents «  assignés, enjoints de prendre en charge la surveillance méticuleuse, détaillée, quasi ignoble du corps de leurs enfants  ». Enfin, si Foucault s’intéresse particulièrement à la surveillance des enfants, c’est parce quelle « [lui] paraît être une des conditions historiques de la généralisation du savoir et du pouvoir psychiatriques.  » Ainsi, «  en se focalisant de plus en plus sur ce petit coin d’existence confuse qui est l’enfance, la psychiatrie a pu se constituer comme instance générale pour l’analyse des conduites. »



Sur France Culture, interrogé en fin d’émission à propos de la notion de majorité sexuelle, Foucault répond qu’une «  barrière d’âge fixée par la loi n’a pas beaucoup de sens  », et qu’il doit s’agir, plutôt que de se baser uniquement sur l’âge ou sur le discours des psychiatres, d’écouter les mineurs à propos des différents régimes de violence, de contrainte ou de consentement qu’ils ont vécus. Peu après, Guy Hocquenghem reprend les termes de Michel Foucault et affirme la nécessité d’«  écouter l’enfant et lui accorder un certain crédit  ». Comme l’écrira Jean Bérard, historien du droit, en 2014 :



«  les expressions militantes des années 1970 (...) n’ont pas manqué de faire une place au questionnement sur l’articulation entre consentement et rapports de pouvoir. Eric Fassin montre que Foucault voit bien le problème et exprime un « dilemme » davantage qu’une position. Les militants s’interrogent sur ce qui doit être considéré comme relevant de la ‘‘libération sexuelle’’  »



En septembre dernier, dans le contexte d’une polémique relative à la redécouverte des productions de Guy Hocquenghem à propos de l’enfance, et notamment de cet entretien donné en compagnie de Michel Foucault, les rédacteurs de la revue Trou noir faisaient remarquer « qu’aujourd’hui on ne trouve plus, à gauche, une capacité à questionner et à refuser radicalement l’école, la psychiatrie, la prison, la famille, [ce qui] ne signifie certainement pas une avancée, bien au contraire. »



Cette tendance semble s’être renforcée, à tel point que le projet du gouvernement de considérer comme viol toute relation entre un(e) adolescent(e) de moins de quinze ans et une personne de cinq ans plus âgée, indépendamment de ce qui fut vécu et raconté par l’adolescent(e), et sans investigation ni réflexion sur les régimes de contrainte ou de consentement, a été récemment votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et dans l’approbation générale. L’absence du moindre discours critique, au nom même du soutien à la « libération de la parole » est d’autant plus patent qu’il y a trois ans, face à un projet analogue qui avait à l’époque été finalement retiré, le Planning familial critiquait une proposition relevant de l’« ordre moral » et d’une « méconnaissance » des pratiques des jeunes, tout en pointant le risque d’une sexualité adolescente « encore plus taboue et cachée ». La question des menaces judiciaires vis-à-vis des soignants ou des associations en lien avec des adolescents entretenant des relations avec des personnes plus âgées était aussi évoquée comme un risque.



Ces dernières années ont vu s’intensifier les appels de différents courants féministes à un renforcement de l’appareil répressif, dans le cadre de « la lutte contre les violences », insistant sur la nécessité de surveiller et punir les agresseurs et focalisant sur les responsabilités individuelles, et c’est dans ce contexte qu’a pu se tenir en septembre dernier, une campagne contre la mémoire de Guy Hocquenghem, couverte par Russia Today et Valeurs actuelles, menée par les « féministes intersectionnelles » des Grenades en compagnie d’associations de protection de l’enfance luttant contre l’éducation sexuelle à l’école. Quelques mois plus tard, la bêtise (ou le bullshit, comme dirait Guy Sorman), est tellement présente qu’une assertion aussi absurde que « Michel Foucault sodomisait des enfants sur des tombes en Tunisie dès la nuit tombée » n’a pas toujours déclenché les éclats de rire ni même les doutes qu’elle aurait dû susciter.



Il semble donc urgent de refuser les termes de l’ennemi et d’apprendre à déceler les visées idéologiques réactionnaires, pourtant à peine dissimulées mais noyées dans la masse communicationnelle. La fameuse réaction néo-libérale, l’individualisme, les discours et pratiques sécuritaires ne sont pas seulement face à nous, comme un bloc massif que l’on pourrait aisément délimiter. Ils ont aussi infusé dans de nombreux espaces, où s’établissent des micro-fascismes qu’il sera difficile de briser.



En attendant, celles et ceux qui s’intéressent aux recherches de Foucault à propos de la sexualité et de l’histoire de la notion de consentement peuvent se tourner vers le quatrième tome de l’Histoire de la sexualité, publié en 2018. Quant à celles et ceux qui tiennent à lire des anecdotes liées à sa biographie, soulignons la publication récente aux éditions Zones de la traduction de Foucault en Californie, de Simeon Wade, narration d’un voyage de Foucault aux Etats-Unis qui dresse notamment le récit d’une expérience commune sous LSD, et comporte, entre autres, la retranscription de plusieurs conversations avec Foucault à propos de son rapport à la musique, à la littérature, à l’université ou à son homosexualité.



Addendum : Une semaine après la publication de cet article, Guy Sorman revoyait ses calomnies à la baisse et se rétractait péniblement dans les pages de L’Express. " ( fin )



Surtout que le sunday times est concervateur et que sorman est connu pour un genre de " livres" réactionnaires et néo-liberaux que personne ne lit même gratuit dans les boite aux livres , enfin je pense , mais qui a mon avis le marquent politiquement et idéologiquement donc attention a vos sources et aux rumeurs en ces temps de montée de l'extrême droite + contre-feux populistes bidons de l'ulta-capitalisme.😡🤬

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La révolution conservatrice américaine

Partie 1/2 : 2ème partie disponible sur la critique de l'état minimum de Guy sorman



Attention grosse fake news d'extrême droite a propos de michel foucault relayé par la presse en mal de soi disants scoops (  affamée par le depart de trump )ou en gros les réseaux de l'extrême droite néolibérale essayent de liquider mai-68 en mentant sur michel foucault comme le révèle jeune afrique + lundi.am. que je connaissais pas



Source jeune Afrique :



Pourquoi l'essayiste français Guy Sorman, 77 ans, a-t-il choisi ce moment pour sortir du silence ? Dans son Dictionnaire du Bullshit (éditions Grasset) paru fin février, il accuse Michel Foucault (1926-1984) d'actes pédocriminels et revient sur un séjour à Sidi Bou Saïd où il a côtoyé le philosophe français qui vivait dans le village et enseignait la philosophie à la Faculté des lettres et sciences humaines de Tunis depuis 1965.



IL Y AVAIT DES ENFANTS DE 8, 9, 10 ANS, QUI LUI COURAIENT APRÈS. IL LEUR JETAIT DE L'ARGENT EN LEUR DISANT : « RENDEZ-VOUS À 22 HEURES À L'ENDROIT HABITUEL »



« Ce sont des choses parfaitement ignobles avec de jeunes enfants, des choses d'une laideur morale extrême » assène encore Guy Sorman il y a quelques semaines sur le plateau de France 5. Avant de préciser, au cours d'un entretien accordé il y a quelques jours au Sunday Times : « Il y avait des enfants de 8, 9, 10 ans, qui lui couraient après, raconte-t-il. Il leur jetait de l'argent en leur disant : “Rendez-vous à 22 heures à l'endroit habituel.” » Des accusations qui reposent donc sur les souvenirs de Guy Sorman.





À Sidi Bou Saïd, beaucoup se souviennent encore de l'homme introverti et ascétique qui avait emménagé en 1966 Place Sidi Hassine dans une maison ouverte sur la baie de Tunis. Sidi Bou Saïd vivait à l'époque un syncrétisme entre le mode de vie ancestral et codé des notables tunisois et une population plus cosmopolite. le village maraboutique, qui n'avait autorisé l'accès aux non-musulmans qu'à la fin du XIXe siècle, était devenu avec l'après-guerre, le repaire d'artistes et d'intellectuels. « Un phalanstère magique, préservé et privilégié » se souvient un riverain du temps où « le vendeur de cartes postales n'avait pas remplacé le marchand de légumes devant le Café des Nattes ».



« Jeunes éphèbes »



Les témoins de cette époque bohème ne semblent pas conserver les mêmes souvenirs que Guy Sorman : « Personne ne dénonce les actes d'autres illustres visiteurs, comme André Gide, qui ne cachaient pas leurs penchants », commentent les habitués du Café des Nattes. le village avait adopté le philosophe et ami du journaliste Jean Daniel, un inconditionnel épris des lieux. Certains ont encore des anecdotes sur ces années 1966-1968 où Foucault écrivit L'Archéologie du savoir face à la Méditerranée.



L'un d'eux raconte combien le village avait ri quand l'employée de maison de Foucault avait poussé les hauts cris après que son fils lui eut traduit en arabe l'incipit d'Ainsi parlait Zarathoustra. « Dieu est mort et personne ne me l'a dit » hoquetait-elle en cherchant confirmation auprès du voisinage, sûre que « les livres ne mentaient pas ». Ce temps-là était aussi celui de l'agitation et de la mobilisation des étudiants en Tunisie. « J'ai fait mai 68, en mars 68 à Tunis » rétorquait Foucault au philosophe Herbert Marcuse qui lui reprochait de ne pas avoir été présent durant les évènements de mai à Paris. Durant ces mois intenses en débats et actions, il a conçu une réelle admiration pour la détermination des jeunes Tunisiens du mouvement de gauche Perspectives, dont la répression lui a inspiré Surveiller et punir (1975).





C'est cet homme, qu'un demi-siècle plus tard, Guy Sorman accuse d'avoir emmené de jeunes enfants dans le cimetière de Sidi Bou Saïd pour s'y livrer à des actes sexuels. L'idée de bacchanales autour des tombes choque les villageois : « Comme dans tout village, on n'est jamais seul et le cimetière, surtout sur cette terre maraboutique, est un lieu sacré que nul n'oserait profaner pour ne pas contrarier la baraka de Sidi Jebali, saint patron des lieux » réagit un « fils de Sidi Bou Saïd ».



« FOUCAULT N'ÉTAIT PAS PÉDOPHILE MAIS ÉTAIT SÉDUIT PAR LES JEUNES ÉPHÈBES. DES GARS DE 17 OU 18 ANS QU'IL RETROUVAIT BRIÈVEMENT DANS LES BOSQUETS SOUS LE PHARE VOISIN DU CIMETIÈRE. »



Moncef Ben Abbes, véritable mémoire du village, est catégorique : « Foucault n'était pas pédophile mais était séduit par les jeunes éphèbes. Des gars de 17 ou 18 ans qu'il retrouvait brièvement dans les bosquets sous le phare voisin du cimetière. » La majorité civile est alors fixée à 20 ans. Une précision proche de celle de Jean Daniel qui rapportait dans un portrait de Michel Foucault à Sidi Bou Saïd qu'« il était, le plus discrètement du monde, homosexuel. Sans les rumeurs des petits voyous du village, personne ne s'en serait douté ».



Machination politique ?



Le philosophe français était en tout cas dans le viseur des autorités qui souhaitaient l'écarter de l'université et l'expulser en raison de son soutien au soulèvement étudiant de gauche.



FATHI TRIKI ASSURE LUI QU'« IL N'A PAS ÉTÉ CONTRAINT DE QUITTER LA TUNISIE MAIS AVAIT DÉJÀ SIGNÉ AVEC LA FACULTÉ DE VINCENNES »



A cette époque, le ministre de l'Intérieur n'est autre que Béji Caïd Essebsi (1926-2019), né à Sidi Bou Saïd. « Il n'aurait toléré aucun scandale, mais savait que le village s'auto-régulait. Deux auteurs d'actes pédophiles ont été très discrètement bannis du village bien qu'étant fils de notables » rapporte un proche de l'ancien président de la République.





Les témoignages divergent sur les raisons du départ de Michel Foucault. Kerim Bouzouita, spécialiste en communication politique se réfère à Daniel Defert, compagnon du philosophe dont il a recueilli les propos pour sa thèse, estime que Foucault aurait été poussé vers la sortie après le témoignage compromettant d'un individu de 18 ans avec qui il aurait eu une relation sexuelle et qui aurait été soudoyé par la police politique. L'ancien doyen de la Faculté de Sfax et disciple de Foucault, Fathi Triki assure lui qu'« il n'a pas été contraint de quitter la Tunisie mais avait déjà signé avec la faculté de Vincennes ». « Ce qui se raconte là est très malsain » conclut-il. "





Ainsi qu'un article de lundi.am









LES MESSES NOIRES DE MICHEL FOUCAULT, LE BULLSHIT DE GUY SORMAN



paru dans lundimatin#282, le 16 avril 2021



Dans son récent dictionnaire du bullshit, un essayiste franco-américain du nom de Guy Sorman, jusque-là connu pour son apologie du néo-libéralisme et sa défense de Reagan, Thatcher et Pinochet, a accusé Michel Foucault d'avoir violé des enfants de huit ans lors d'un séjour en Tunisie. Cette accusation fut reprise par le Sunday Times puis par différents médias français et sur les réseaux sociaux, sans jamais qu'il soit demandé davantage de précisions quant aux faits allégués par cet étrange accusateur. Quelques vérifications, les démentis de témoins directs de la vie de Foucault en Tunisie et de ses relations avec de jeunes adultes, puis le refus de Guy Sorman de répondre aux témoignages qui contredisaient ses accusations, ont vite porté à croire qu'il s'agissait là d'une simple calomnie lancée par un auteur réactionnaire en quête de buzz, mais on sait le destin des rumeurs de nos jours : sans un soupçon de preuve autre que les déclarations vagues de Sorman, la nouvelle a tôt fait le tour de l'internet. Cet article revient sur ces accusations, les raisons de croire qu'elles sont complètement fausses, le combat de Guy Sorman (contre l'héritage de 68 et pour une « révolution conservatrice »), la pensée de Michel Foucault sur la question de la sexualité et son rapport aux lois, et enfin la récente fièvre médiatique et législative qui permet à l'État (en France) d'encadrer de plus en plus la sexualité, et notamment celle des mineurs.





« Je confesse l'avoir vu s'acheter des petits garçons en Tunisie (…) Il leur donnait rendez-vous au cimetière de Sidi Bou Saïd, au clair de lune, et les violait allongés sur des tombes.  »



« Il leur jetait de l'argent et disait ‘‘Rendez-vous à 22 heures à l'endroit habituel''. (…) Il y faisait l'amour sur les pierres tombales avec de jeunes garçons. La question du consentement n'était pas même soulevée.  »



Que ceux qui se sont tenus éloignés des médias cette dernière semaine sachent que ces affirmations ne sont ni tirées d'une mauvaise série B, ni d'un recueil de témoignages anonymes à propos d'un complot pédo-sataniste ourdi par les Illuminatis. L'auteur de cette assertion n'est autre que Guy Sorman, jusque là surtout connu pour sa défense de l'oeuvre de Reagan, Thatcher et Pinochet, ainsi que pour sa volonté de liquider l'héritage de mai 68 et des pensées critiques faisant obstacle à la « révolution conservatrice » qu'il appelle de ses voeux. La première citation figure dans son bien nommé dictionnaire du bullshit, et la seconde est tirée d'une déclaration de Sorman au Sunday Times, ensuite relayée par de nombreux médias français et internationaux. Quant au criminel sodomisant des enfants sur des tombes au clair de lune lors d'un rituel dont la description rappelle les rumeurs courant sur les premiers chrétiens sous l'Empire romain, ou la description de conspirations juives au Moyen-âge, il s'agirait de… Michel Foucault.



Quelques jours après la publication de l'article du Sunday Times, ces allégations ont été démenties grâce à une enquête rapidement menée par des journalistes du magazine Jeune Afrique dans le village en question. Depuis plusieurs jours, sur les réseaux sociaux, des personnes originaires du Maghreb insistaient déjà sur le caractère peu plausible des allégations de Sorman, en rappelant que les cimetières y sont généralement très surveillés afin d'éviter les profanations. Dans Jeune Afrique, des témoins ayant fréquenté Michel Foucault rappelaient que « comme dans tout village, on n'est jamais seul et le cimetière, surtout sur cette terre maraboutique, est un lieu sacré que nul n'oserait profaner pour ne pas contrarier la baraka de Sidi Jebali, saint patron des lieux.  » Quant aux garçons fréquentés par Michel Foucault, on apprend finalement qu'ils n'étaient pas âgés de 8 ou 9 ans comme l'affirmait Sorman, mais de 17 ou 18 ans, selon le témoignage «  catégorique  » de «  Moncef Ben Abbes, véritable mémoire du village  ». Il ne s'agissait pas non plus de «  les violer allongés sur des tombes  », mais de «  les retrouver brièvement dans les bosquets sous le phare voisin du cimetière  ».



L'affaire, qui semble close, serait presque drôle d'absurdité si elle était restée, comme cela eût été le cas lorsque le discernement n'était pas encore passé de mode, cantonnée aux poubelles d'internet et aux divagations complotistes et antisémites d'Alain Soral et de ses clones. Mais en 2021, les affirmations de Guy Sorman ont pu être proférées dans un livre publié par les éditions Grasset sans le moindre début de preuve, et être répétées sur le plateau de C ce soir sur France 5 sans que le présentateur ni aucune autre personne ne s'étonne ni ne demande des éclaircissements. Dans le Sunday Times dans le cadre d'un article publié le 28 mars et qui a rencontré un écho certain, Sorman a pu affirmer l'existence d'autres témoins sans avoir à les nommer, et sans que le journaliste chargé de l'interroger ne le questionne sur le contexte, les dates, et d'éventuelles preuves. Enfin, dans les médias comme sur les réseaux sociaux, de Fdesouche, C News et Valeurs actuelles à nombre de comptes twitter féministes et queers, en passant par le Point, Middle East Eye et même l'Obs, tous ont relayé ces accusations sans exercer le moindre travail de vérification. Quand après une semaine de propagation de la calomnie, et suite aux contradictions apportées par les habitants de Sidi Bou Saïd, un journaliste d'Arrêts sur images a demandé à Guy Sorman d'apporter des précisions, ce dernier a bien sûr refusé. Il semble maintenant suffire qu'une assertion porte sur la pédophilie pour que l'accusateur et ses relais soient dispensés d'avoir à fournir des preuves ou même des précisions.



En plus de se baser sur la seule déclaration de Guy Sorman, et de n'effectuer aucune enquête journalistique, l'article du Sunday Times comporte plusieurs erreurs factuelles. L'article situe les faits en Tunisie en 1969, affirmant que Foucault y vivait, alors qu'il est en rentré en France à la fin de l'année 1968 pour enseigner à Vincennes. Une pétition écrite par Gabriel Matzneff et publiée en 1977 est mentionnée, alors que Foucault ne l'a pas signée. Comme nous l'avons dit, aucun élément ou aucune preuve n'est apporté pour appuyer les accusations de Sorman. Ou plutôt, les expériences BDSM homosexuelles de Foucault en sont une, comme sa critique du droit et de la notion de majorité sexuelle. Une fois de plus, c'est l'homosexualité masculine, associée au regard critique du penseur sur les normes, qui semble appuyer l'accusation de pédophilie. Cet emballement est favorisé par le fait que nous sommes, en quelques années, passés de la nécessité de rendre justice aux victimes à la croyance totale dans chaque accusation, et maintenant à l'écho donné à chaque rumeur.



L'article du Sunday Times s'efforce aussi de présenter Guy Sorman comme un brillant intellectuel français, inquiet depuis des décennies de l'absence de démocratie en France, dont la cause serait soixante-huitarde. Il est frappant de constater que ni les journalistes ni les justiciers des réseaux sociaux qui ont propagé ces rumeurs ne se sont renseignés sur le CV politique de Guy Sorman. Si ces derniers, moins enclins à se jeter têtes baissées dans la rumeur du crime, s'étaient donnés la peine de s'informer sur sa source, ils auraient remarqué que Guy Sorman a établi depuis plus de quarante ans un projet idéologique : liquider en France l'héritage du marxisme et de toutes les pensées critiques au profit des idéologues néo-libéraux.



Dans le chapitre « Pédophilie » de son dictionnaire du bullshit où figurent les accusations contre Michel Foucault, une autre icône de l'après 68 est attaquée, Sorman s'indignant que personne n'ait songé à «  demander à Jean-Paul Sartre si ses innombrables conquêtes avaient bien l'âge requis  ». Si lui, Guy Sorman, semble s'en être soucié, il ne fournit une fois de plus aucun élément, préférant l'insinuation vague à la rectitude qu'exige pourtant l'éthique intellectuelle, si toutefois cette dernière est encore pertinente lorsque l'on polémique sur la couche des philosophes. Ce chapitre, situé dans un livre médiocre au milieu de considérations sur le libéralisme et la nécessité de privatiser les espaces naturels et les baleines pour mieux les protéger, est en outre empli de contradictions. Pour expliquer les actes qu'il impute à Foucault, le reaganien Sorman oscille par exemple entre la dénonciation démagogique de «  la caste des artistes », et la critique du supposé marxisme de Foucault, qui n'existe pourtant que dans l'esprit de Sorman. Pour Sorman, Foucault «  considérait que toute loi, toute norme était, par essence une forme d'oppression par l'Etat et par la bourgeoisie. » Lorsqu'on sait que la pensée de Foucault est élaborée contre le réductionnisme et l'économicisme marxiste, qu'elle s'évertue à montrer que l'interdit n'est pas réductible aux fictions juridico-légales, et que le pouvoir, associé à la production de savoir sur les individus, est à l'origine des processus de subjectivation, un résumé aussi vulgaire pousse évidemment à sourire.



Aussi, alors que Sorman a affirmé dans les médias que Foucault «  ne se souciait pas du consentement  » des enfants, nous apprenons en lisant les pages de son livre que, selon lui, Foucault «  préférait croire au consentement de ses petits esclaves  » … Cela permet d'en venir aux développements de Foucault sur l'organisation juridique de la sexualité et la notion de majorité sexuelle, jusqu'à affirmer que son oeuvre serait «  l'alibi de ses turpitudes  ». Sans peur de se contredire, Sorman salue pourtant sur le plateau de France 5 l'influence des livres de Foucault, qu'il «  relit  » fréquemment, après avoir écrit que l'importance de l'oeuvre, qu'il résume à un marxisme vulgaire et à une justification du crime, devait «  rétrécir  ». de la même manière que le Sunday Times affirmait une omniprésence étouffante de Foucault dans le champ universitaire anglo-saxon, Guy Sorman appelle à se défaire des analyses foucaldiennes précieuses dans les théories critiques... par l'entremise d'un discours moraliste, et en ayant recours à la rumeur. Il rejoint en cela Michel Onfray qui, depuis plusieurs années, réduit les oeuvres à un ensemble d'anecdotes, de rumeurs ou d' extrapolations autour de la biographie des auteurs, et avait déjà cherché à discréditer l'oeuvre de Foucault en ayant recours à un ensemble de sous-entendus sur ses pratiques sexuelles supposées.



En associant les viols pédophiles à la pensée de Foucault sur l'enfance et à la législation relative à sexualité, Sorman semble faire référence à la Lettre ouverte à la Commission de révision du code pénal pour la révision de certains textes régissant les rapports entre adultes et mineurs, que Foucault a signée en compagnie de 80 personnalités en 1977, et qu'il a défendue face à ladite commission. Puisque la mécompréhension fréquente du propos de ce texte semble avoir aidé ces dernières années le complotisme relatif aux élites pédo-satanistes à se développer, jusqu'à donner du crédit aux accusations fantaisistes de Sorman, il convient de s'y attarder.



Loin de relever d'une défense du viol des enfants, la lettre contenait par exemple cette phrase : « Les signataires de la présente lettre considèrent que l'entière liberté de
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En attendant les barbares

Ecrit sous la forme d'un reportage dans différentes villes du monde, cet essai très intéressant et assez plaisant, traite de l'immigration et de la drogue.

Il présente assez peu de chiffres et laisse la part belle aux échanges avec des spécialistes étrangers. Cette diversité de points de vues et des différentes réponses apportées permet une meilleure compréhension de la complexité des problèmes.



Il ressort de cette enquête que l'immigration pourrit la vie de presque tout le monde et ne profite qu'à une petite minorité : certains employeurs et certains immigrés.

Toutefois, si Sorman est convainquant dans son analyse du déclin de l'Occident provoqué par l'immigration, il pèche fortement par le peu d'intérêt qu'il porte au nombre. Sans doute parce qu'en bon libéral il considère qu'une défense efficace des frontières est devenue impossible.



En 1992, « en France, l'immigration ne se présente ni de manière chiffrée, ni en terme d'origine différemment de ce qu'elle était il y a 15 ans » (p.176), c'est-à-dire en 1977, ce qui est parfaitement faux. le regroupement familial instauré en 1976 a en réalité provoqué une explosion du nombre de musulmans ce que reflète le nombre des mosquées, passées de 150 en 1976 à 1.200 en 1992, soit multipliées par 8 en 16 ans.

Confirmant la tendance, les demandes d'asile sont passées de 14.200 en 1978 à 47.380 en 1991, soit 3,3 fois plus en 13 ans.



L'auteur voit dans le chômage la seule vraie explication aux problèmes posés par les personnes issues de l'immigration, mais plutôt que réduire leur nombre – pourtant seule solution pour apaiser la société et lui redonner sa cohésion – il propose de « modifier les règles du marché de l'emploi afin que les immigrés travaillent » (p.190), de réduire le SMIC et la protection sociale et de supprimer le RMI ce qui ne peut conduire qu'à plus de précarité voire plus de « bullshit jobs ».

Sorman préfère visiblement voir augmenter la souffrance au travail plutôt que moins accueillir les plus susceptibles de subir cette souffrance. Est-ce vraiment améliorer les choses ? D'autant plus qu'il affirme « l'immigration n'est pas nécessaire, (…) la poursuite de l'immigration n'est donc pas souhaitable. » (p.219)



En matière de drogue, il se dit favorable à la dépénalisation au nom de l'efficacité et de la réduction des dépenses, et à l'intégration des toxicomanes par la libéralisation du marché du travail.

Mais c'est exagérer la volonté de vivre avec les drogués. C'est prendre le risque qu'un accroissement du nombre de consommateurs aggrave certains problèmes (augmentation des accidents, délits routiers, abrutissement des masses…). C'est aussi occulter que les trafics se porteront sur d'autres drogues plus dures.

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Les vrais penseurs de notre temps

à vomir
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La nouvelle richesse des nations

Lu et relu il y a maintenant un bail. Le souvenir d'un voyage plaisant à travers un monde où commençait à souffler l'esprit d'un libéralisme triomphant dans les esprits. On y apprend beaucoup même si Guy Sorman en bon avocat de cette idéologie force le trait de l'optimisme. il faut reconnaître qu'il avait somme toute raison sur le constat.
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