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Citation de enkidu_


Les généraux du 12 septembre [coup d'État de 1980] ont un principe simple pour produire obéissance et cohésion sociales : pour eux, tous les maux du pays s’expliquent par l’insuffisance de l’enseignement du kémalisme et le faible attachement des élites politiques corrompues à la « pensée » kémaliste. Il convient, par conséquent, de restructurer l’État, avec toutes ses institutions, mais aussi « sa » société, sur une base kémaliste. Or le général Evren et ses compagnons se trouvent confrontés au même problème que les politiciens honnis : quel kémalisme ? Le leur est lourdement pétri de droite radicale et de conservatisme religieux, avec Evren prompt à réciter le Coran lors de ses très nombreux déplacements, promouvoir la construction d’une mosquée dans tous les villages alévis et décidé à former une jeunesse kémaliste profondément religieuse. Le « Manuel d’enseignement religieux du soldat » de 1981 précise ainsi que les « devoirs des citoyens à l’égard de l’État » consistent à « obéir aux lois et accomplir les commandements de Dieu. Si bien que ceux qui agissent de manière contraire aux lois et à l’ordre seront sanctionnés aussi bien ici-bas que dans l’au-delà le jour du Jugement ».

Le régime militaire adopte la « Synthèse turco-islamique », doctrine qui se nourrit de toute une atmosphère intellectuelle des années 1960-1970, mais trouve sa source d’inspiration surtout dans l’œuvre du penseur Seyyid Ahmed Arvasi (1932-1988) selon qui « Rome la chrétienne, Moscou la Rouge, France la haineuse, Israël la rusée, Grèce la patiente, se donnent la main pour ruiner le monde turco-musulman et coloniser l’islam ». Cette « synthèse », qui n’est pas sans rappeler celle que Ziya Gökalp avait élaborée dans les années 1910 entre la turcité, l’islam et la contemporanéité, est systématisée et diffusée par une association, le Foyer des intellectuels que d’aucuns qualifient d’Opus Dei de Turquie, fondée en 1970 sous la présidence du Pr İbrahim Kafesoğlu (1914-1984). Radicalement opposée à la gauche et au « matérialisme », attribuant au « Turc » la mission historique d’apporter « de l’ordre à l’univers », l’association connaît son âge d’or sous le régime militaire de 1980. Ses porte-parole interviennent fréquemment dans les débats pendant la préparation de la Constitution en 1982. « L’État est, dans la tradition turque, sacré. Ce point de départ doit constituer la base de la constitution », écriront ses théoriciens avant d’ajouter : « Il faut éviter de fétichiser les droits et les libertés individuelles, qui ne doivent pas devancer les intérêts de l’État. »
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