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La végétarienne de Han Kang
Il connaissait cette intonation, lente et basse, légèrement vibrante, que sa femme adoptait quand elle voulait dissimuler à tout prix ses émotions.
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La végétarienne de Han Kang
Il connaissait cette intonation, lente et basse, légèrement vibrante, que sa femme adoptait quand elle voulait dissimuler à tout prix ses émotions.
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La végétarienne de Han Kang
Si je l'avais épousée, bien qu'elle fût dépourvue de tout charme remarquable, c'était parce qu'elle n'avait pas non plus de défaut notable. La banalité qui caractérisait cette créature sans éclat, ni esprit ni sophistication aucune, m'avait mis à l'aise. Je n'avais pas eu à faire semblant d'être cultivé pour l'impressionner, à me précipiter pour ne pas être en retard à nos rendez-vous, à nourrir des complexes en me comparant aux mannequins des catalogues de mode. Devant elle, je n'avais pas honte de mon ventre, qui avait commencé à se bomber dès l'âge de vingt-cinq ans à peu près, ni de mes bras et de mes jambes, que je n'arrivais pas à muscler malgré mes efforts, ni même de mon sexe, dont les modestes proportions m'avaient toujours inspiré un sentiment d'infériorité que je prenais soin de dissimuler.
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Leçons de grec de Han Kang
Lorsqu’elle avait l’usage de la parole, il lui arrivait de fixer son interlocuteur au lieu de lui parler. Comme si elle croyait que son regard était capable de traduire parfaitement ce qu’elle voulait dire. Elle saluait, remerciait et s’excusait avec les yeux et non par la parole. Elle pensait qu’aucun contact n’était aussi immédiat ni aussi intuitif que le regard. Il s’agissait pour elle de la seule façon de communiquer sans établir un contact direct.
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Leçons de grec de Han Kang
Elle se penche en avant. Serre le crayon qu'elle tient dans la main. Baisse la tête. Les mots s'enfuient de sa main. Les mots qui ont perdu ses lèvres, les mots qui ont perdu les racines de ses dents et sa langue, les mots qui ont perdu sa gorge et son souffle ne se laissent pas saisir. Comme un fantôme sans corps, la forme ne se laisse pas toucher. |
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La végétarienne de Han Kang
Perchée sur une chaise, elle était en train de se servir d'une simple soupe aux algues qui, à première vue, ne semblait pas fameuse. Elle a déposé du riz et de la pâte de soja sur une feuille de batavia et le tout, enfourné dans sa bouche, a déformé ses joues. Je n'avais rien compris. De cette femme, je ne savais rien, me suis-je dit à ce moment-là. - Tu ne manges pas ? m'a-t-elle lancé d'une voix indifférente qu'on aurait pu attribuer à une épouse d'âge mûr ayant élevé quatre enfants. |
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La végétarienne de Han Kang
Elle était beaucoup moins belle que son épouse, mais il avait senti en elle la force d'un arbre de la forêt que nul n'aurait jamais élagué.
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La végétarienne de Han Kang
Quand je coupe la tête à quelqu’un dans mon rêve, quand je suis obligée de finir le travail en le tenant par les cheveux tandis qu’elle ne tient que par un lambeau de chair, quand je pose ses yeux glissants sur la paume de ma main, quand je me réveille, quand l’envie me prend de tuer le pigeon que je vois se dandiner sur l’appui de fenêtre, d’étrangler le chat du voisinage que je connais depuis longtemps, que je sens mes jambes fléchir et que je transpire, quand j’ai l’impression que je suis devenue quelqu’un d’autre qui jaillit du fond de moi pour me dévorer, à ces moments-là… J’ai la bouche pleine de salive. Je suis obligée de contracter ma bouche en passant devant la boucherie. A cause de la bave qui monte depuis la racine de ma langue, qui me mouille les lèvres et… qui coule même entre elles. |
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Leçons de grec de Han Kang
Il arbore une expression particulière lorsqu'il s'adresse à quelqu'un. Son regard dit qu'il sollicite humblement l'accord de son interlocuteur, mais il est parfois imprégné d'autre chose que de la simple humilité, d'une sorte de tristesse délicate. p 90
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Leçons de grec de Han Kang
La nuit n’est pas silencieuse. Le bruit assourdissant de l’autoroute non loin de là dessine sur les tympans de la femme des milliers de lignes comme tracées par autant de lames de patins à glace. Le magnolia pourpre dont les pétales flétris ont commencé à tomber brille sous la lumière du lampadaire. Elle marche, se frayant un chemin à travers la sensualité des fleurs si abondantes qu’elles font fléchir les branches, à travers l’atmosphère de cette nuit de printemps dont on dirait qu’il va se dégager un parfum sucré si on l’écrase. De temps à autre, elle passe ses deux mains sur son visage alors qu’elle sait que rien ne coule sur ses joues. |
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La végétarienne de Han Kang
Les clavicules soulignées par la minceur du corps, la poitrine presque aussi plate que celle d'un garçon du fait de sa position horizontale, les côtes saillantes, les cuisses écartées mais dépourvues de sensualité, jusqu'au visage qui, tel un désert, semblait appartenir au sommeil malgré les yeux ouverts... C'était un corps débarrassé de toute superfluité jusque dans ses moindres aspects. Il n'en avait jamais vu un semblable, parlant à ce point de lui-même. |
Dans quel roman Erckmann et Chatrian s'attaquent-ils au phénomène de la lycanthropie?