Citations de Harald Welzer (58)
L’Holocauste est la preuve, la plus déprimante et la plus dérangeante qui soit, de la justesse du théorème de William Thomas:"Quand les hommes tiennent une situation pour réelle, alors elle l'est dans ses conséquences." (p.270).
Les massacres avaient pris le caractère d'un travail, devenant une activité progressivement professionnalisée et présentant de nombreuses analogies structurelles avec d'autres activités où les tâches sont réparties et organisées. (p.215).
Les acteurs n'avaient des problèmes de responsabilité morale face aux meurtres massifs que quand des marges de décision s'ouvraient à eux pour leur action directe; tout le reste n'entre nullement dans le domaine de leur responsabilité personnelle. (p.208).
On sous-estime par principe le rôle actif des spectateurs dans les violences: ils confirment, par leur pure présence et leur non-intervention, que le cadre référentiel où évoluent les acteurs est valide et incontestable. (p.158).
L'existence de convictions éthiques n'exclut pas qu'on les enfreignent. (p.127).
On n'est pas obéissant, on décide de l'être. (p.123).
Dans tout processus social, la probabilité de confirmer la justesse d'une décision une fois prise par sa répétition est plus grande que la probabilité qu'elle soit révisée par une interruption ou une rectification. (p.95).
Les idées sur l'absolue inégalité entre les hommes, les principes de domination et de soumission, la prédominance acordée à des questions dhonneur, de sang, de communauté, de race, sont antérieurs au national-socialisme, il les radicalise et il les complète d'un racisme scientifiquement argumenté, ainsi que du rêve que le monde peut-être réorganisé de fond en comble. (p.75).
Les États totalitaires pratiquent intensément - le stalinisme l'a montré le plus nettement - une politique mémorielle pragmatique parce que la domination complète des hommes exige que l'on domine aussi leur mémoire. (p.56).
Dans les meurtres de masse et les processus génocidaires, nous avons affaire, en règle générale, à des gens non pas prédisposés au meurtres, mais qui, pour des raisons leur paraissant plausibles, ont résolu de tuer. (p.47).
Ils ont tout simplement fait ce qu'ils pensaient qu'on attendait d'eux. Et quand cela allait à l'encontre de leur sentiment personnel, ils ont pris subjectivement leurs distances par rapport au rôle qui leur était professionnellement attribué. (p.44).
Il semble qu'un mécanisme central dans l'évolution vers le génocide consiste en ce que même des groupes à l'origine rattachés, voire intégrés, à l'univers d'obligation s'en trouvent successivement exclus. (p.41).
L'une des clefs de cette existence sans problèmes [des exécuteurs] est la capacité qu'ont les êtres humains de ranger leurs actes dans des cadres de référence à chaque spécifiques ("c'était la guerre", "c'était les ordres", " je trouvais ça cruel, mais je ne pouvais pas faire autrement"), qui leur permettent de considérer ces actes comme quelque chose qui ne dépend pas d'eux. (p.16).
La présente étude montre que l'on transmet dans les familles allemandes une conscience du passé national-socialiste dans laquelle la destruction des Juifs d'Europe n'intervient que sous la forme d'un évènement secondaire [...]
[...] l'unité fictive ou le contrat de fiction implicite de la mémoire commune a pour fonction de garantir la cohésion et l'identité de la communauté de souvenir - entre autres du fait que l'on se raconte constamment les mêmes histoires, précisément parce qu'elles sont déjà connues de chacun et en tant que telles elles constituent une garantie constante du fait que l'on partage son histoire avec d'autres membres du groupe à la première personne du pluriel.
Ce que l'on reprochait à Hitler, c'était d'avoir perdu la guerre, pas de l'avoir commencée.
[…] la "parole creuse" génère des histoires inconsistantes, contradictoires, voire nébuleuses, d'autant plus efficaces pour la mémoire familiale que leur vide même autorise chacun, selon son appartenance générationnelle notamment, à le remplir de significations qu'il lui plaît d'entendre.
Plus d'un tiers des témoins de l'époque affirment avoir ignoré qu'il existait des camps de concentration.
Helene Stein : Eh bien, ils avaient, enfin, les Juifs, ça se reconnaît, enfin, les vrais Juifs, comme ça, avec le nez […]
Les récits de témoins nous apprennent que la projection de La liste de Schindler dans les classes est-allemandes a fréquemment provoqué des cris de joie et des applaudissements au cours des scènes où des détenus étaient torturés ou exécutés ; voir Frankfurter Allgemeine Zeitung du 19 décembre 2000.