J’ai découvert Jim et les Doors en 1991, à l’occasion du film d`Oliver Stone. J’avais 16 ans et Jim m’a immédiatement fasciné. Il m’a amené à la lecture plaisir, car j’ai redécouvert Charles Badelaire et Arthur Rimbaud, entre autres, hors de l’obligation de les lire pour le lycée. Et de cette lecture plaisir, j’ai commencé à écrire. Je ne serais peut-être pas devenu écrivain sans Jim.
Plusieurs choses me touchent chez lui. Sa liberté, tout d`abord, son absence de limite dans la création. Sa radicalité, ensuite, son refus de prostituer la musique des Doors et l’art en général aux dérives mercantiles de l’industrie du disque et de la société de consommation – je pense ici à l’épisode où il force les autres Doors et leur label Elektra à annuler un deal passé avec General Motors pour que "Light My Fire" soit reprise dans une publicité pour Buick. Son destin tragique, enfin : Jim est victime de son image, du personnage du Roi Lézard qu’il a lui-même créé, et qui l’a étouffé.
C’est un personnage qui m’accompagne toujours aujourd’hui. Il est pour moi une sorte de boussole intérieure, une référence à l’aune de laquelle je vérifie que les compromis qu’il peut m’arriver de faire ne sont pas des compromissions.
Les cheveux ? (rires)
Outre la capillarité, je partage un certain nombre de choses avec Jim. L’amour inconditionnel de la littérature et de l’écriture. Comme lui, et comme il l’écrivait, « je suis un homme de mots ». Mon rapport au monde et à tout ce que je peux vivre passe par le filtre exclusif du langage.
Un désir de radicalité, également, veiller à n’être mu que part ma boussole intérieure, sans considération des modes, au risque de déplaire.
Déplaire, justement, un autre élément que nous partageons, Jim et moi. Pour des raisons que je n’ai jamais vraiment comprises, je suscite des réactions d`aversion absolue ou d`enthousiasme sans faille, très peu de tiédeur. Et depuis longtemps. Lorsque j’étais chez les Pères Jésuites, à Bordeaux, au milieu des filles et des fils de la bonne bourgeoisie, j’étais admis partout mais accepté nulle part. Mes parents sont intermittents du spectacle – mon père organisait des concerts de rock (David Bowie, U2, Dire Straits, etc.), ma mère est directrice de casting – et mon grand-père avait créé un festival de théâtre (Sigma), d`où sont sortis des artistes majeurs comme Bartabas, mais où le bon bourgeois bordelais venait s’encanailler et se faire bousculer par la Fura dels Baus (la troupe leur balançait à gueule des litres de sang venus des abattoirs), par des spectacles où des mecs s’enculaient sur scène cul à cul avec des doubles godes, le tout subventionné par les pouvoirs publics. Nous sentions le souffre des saltimbanques, on nous souriaient par devant et nous regardaient de travers par derrière. Et puis, à mon petit niveau, comme Jim cachait sa pudeur derrière des outrances qui pouvaient heurter (on a par exemple cru qu’il avait montré sa queue sur scène le 1er mars 1969 à Miami), je dissimule la mienne derrière un côté grande gueule et une nonchalance je-m’en-foutiste de façade qui agacent. Je sais que certains de la république autocratique des lettres me prennent souvent pour un petit con superficiel qui passerait sa vie dans des soirées mondaines et des orgies, sans savoir que, en réalité, entre mon fils dont je m’occupe à temps plein une douzaine de jours par mois, mes écritures multiples qui sont ma seule source de revenus, le noyau dur de mes amis que je vois en priorité dans le peu de temps qu’il me reste, je suis dans une vie banale et anonyme où le mot d`ordre est le combat pour la survie. Mais avec les années, j’ai appris à me foutre radicalement des abrutis qui me cataloguent sur des rumeurs ou sur la longueur de mes cheveux, qui jugent mes écrits à l’aune de l’image qu’ils me collent sans m’avoir ni lu ni me connaître. Comme disaient Coluche, « si ceux qui disent du mal de moi savaient ce que je pense d`eux, ils en diraient bien d`avantage ». En bref, je les emmerde. Et je trace ma voie.
J’ai découvert deux choses, entre autres, mais deux choses qui m’ont fortement interpellé.
La première c’est que, dans une moindre mesure me concernant, Jim et moi avons toujours été des étrangers. Jim parce que, à cause des différentes affectations de son père militaire, il n’a cessé de déménager durant son enfance et son adolescence. Il était toujours le petit nouveau à l’école et n’avait jamais le temps de se faire des amis. Dans mon cas et, je le répète, dans une moindre mesure, mon ascendance familiale m’a toujours placé dans une position étrange – et donc presque de corps étranger – vis-à-vis de mes camarades de classe de la bonne bourgeoisie bordelaise. Mais à la différence de Jim, j’ai passé douze ans chez les Pères Jésuites, mes parents n’ont pas sans cesse déménagé comme les siens, j’ai eu le temps d`avoir des amis, de vrais amis.
L’autre chose que j’ai découverte le concernant, c’est que ma famille et lui sont indirectement liés. Comme je vous l’ai dit, mon grand-père, Roger Lafosse, avait créé au milieu des années 60 un festival pluridisciplinaire d`art contemporain à Bordeaux, le Festival Sigma. À l’époque, il a été l’un des premiers à faire venir et à programmer le Living Theatre, formation théâtrale très radicale et fortement subversive. Quand le Living Theatre a voulu repartir aux États-Unis, il leur manquait de l’argent, et mon grand-père a fait partie de ceux qui leur en ont donné. Or, quand Jim Morrison se saborde sur la scène de Miami le 1er mars 1969 (celui où l’on croit qu’il a montré sa queue et qui lui doit le procès retentissant qui a mis fin aux Doors), il vient d`assister sept soirs de suite aux représentations du Living Theatre en Californie. L’effet a été tel sur lui qu’il est résolu à pousser les limites encore plus loin que d`habitude, ce qu’il fait à Miami, dès le lendemain de la dernière du Living Theatre. D’une certaine manière, si mon grand-père n’avait pas aidé le Living Theatre à repartir aux États-Unis, la destinée de Jim et des Doors aurait put être absolument différente.
« Jim » s’inscrit dans la collection Miroir des éditions Plon, créée et dirigée par Amanda Sthers, et dont le principe est : un écrivain se glisse dans la peau d`une personnalité qu’il imagine s’allonger à une période de sa vie et pendant un certain nombre de séances sur le divan d`un psy qui ne parle pas, permettant ainsi de revisiter la vie de cette personnalité à la première personne ainsi que d`une manière libre, associative et non linéaire. Or, la derniers mois de Jim Morrison – il meurt à 27 ans – constituent un grand moment de crise existentielle. Jim se réfugie à Paris et se demande s’il va continuer la musique avec les Doors ou se consacrer à la poésie et éventuellement au cinéma. C’est une période peu connue de sa vie où il regarde à la fois dans le rétroviseur, où il fait le point, et où il s’interroge sur son avenir, sur ce qu’il va faire et être. Soit un moment particulièrement propice à l’introspection, et donc au romanesque.
Oui, son influence a été déterminante. Comme je vous l’ai dit précédemment, j’écris d`une certaine manière grâce à lui. Jim a été la porte par laquelle je suis entré en littérature, par lecture plaisir grâce aux textes de ses chansons et à sa poésie, puis par l’écriture.
Leur musique résiste au temps, elle ne vieillit pas et est identifiable dès les premières mesures. Mais surtout, leur démarche artistique – ouvrir toujours de nouvelles portes, rester créatif et intègre dans sa création – est une leçon qu’il est plus que jamais nécessaire de redécouvrir. Comme l’écrivait mon grand-père en 1989, « dans cette compétition culturelle grandissante, où l’enjeu spéculatif prend le dessus, c’est la notion même de Création qu’il nous faut préserver afin que l’attribution des valeurs ne soit pas, de plus en plus, définie par marchés et pouvoirs. »
Quand les Doors donnaient un concert, il fallait s’attendre à tout et n’importe quoi, et le n’importe quoi devenait quelque chose. Avec From Island, nous essaierons, à notre niveau, d`être dignes de cette incertitude…
Je suis venu à la lecture très tard. J’avais 16 ans environ, quand, à la suite d’une manifestation ou d’un événement quelconque autour d’Arthur Rimbaud, j’ai acheté ses œuvres complètes. Ça m’avait illuminé, pour faire un mauvais jeu de mot. Je trouvais ça tellement bien que je m’étais alors mis en tête d’écrire de la poésie, mais mon Dieu que c’était mauvais ! C’était de la poésie adolescente, larmoyante au possible ! Mais avec quelques copains on écrivait ainsi de nombreux poèmes le soir en ayant l’impression de révolutionner l’univers. Evidemment quand on relisait ça à jeun, le matin, en buvant notre café, nous étions complètement catastrophés !
Je voulais tout de même écrire mais le véritable déclic a eu lieu plus tard, lorsque j’ai eu un accident de surf qui m’a rendu quasiment tétraplégique. On m’a offert un livre, une anthologie de nouvelles autour des échecs. D’un des faits historiques racontés dans ce recueil, j’en ai fait une nouvelle qui a remporté quelques prix littéraires. Dès lors, je n’ai plus jamais cessé d’écrire.
Les frères karamazov. On y retrouvera certainement quelques-unes de mes obsessions. C’est un roman sur la trinité. Entre les trois frères je ne peux en préférer un plus qu’un autre. Ils sont tous les trois merveilleusement attachants.
Dostoïevski me fascine au plus haut point. Surtout depuis qu’il a été retraduit dans la collection Babel par André Markowitz. Il a rendu à Dostoïevski son écriture très orale, très « célinienne avant l’heure ». C’est intéressant de voir qu’il se répète parfois, qu’il met des tournures lourdes. Relire le texte au plus près de son écriture originale est très agréable.
J’ai honte de ne pas avoir fini « Belle du Seigneur » mais pour l’instant ce livre m’ennuie prodigieusement. Je crois qu’il y a des moments pour lire des livres, des moments qui ne sont pas forcément liés à l’âge mais plutôt à l’état d’esprit. J’ai ainsi mis parfois beaucoup de temps à m’attaquer véritablement à certains livres et il est possible que je ne sois pas dans le bon état d’esprit pour recevoir « Belle du Seigneur » en ce moment. Attention, Je ne désespère pas ! Pour l’instant j’abandonne toujours au bout d’une cinquantaine de pages mais je compte bien le finir un jour.
L’amour comme les corps sont trop idéalisés pour moi dans ce roman. Pour reprendre une expression de Mirabeau, je suis quelqu’un de « terrestre » : j’aime les choses même quand elles ne sont pas forcément glorieuses. J’aime les gens, j’aime les hommes et j’aime les femmes même si je n’ai aucun amour pour l’Homme avec un grand H car je ne l’ai jamais rencontré. Cette espèce d’abstraction philosophique, cette vision platonicienne de l’homme me fatigue. En revanche, les hommes, les femmes que je peux rencontrer, eux m’intéressent. J’aime les hommes tels qu’il sont et non pas comme ils devraient être.
Le premier livre qui me vient à l’esprit est un premier roman qui avait été publié chez Plon en septembre. C’est « J’ai déserté le pays de l’enfance » de Sigolène Vinson. Je trouve que l’auteur à un souffle et une écriture qui méritent que l’on s’y arrête. Je trouve qu’elle a une plume admirable. C’est une fille authentique, qui ne triche pas. Elle mérite d’être lue.
Je comprends qu’on vienne enfin couronner l’œuvre de Michel Houellebecq car cela commençait à devenir ridicule, mais je trouve que « La carte et le territoire », son dernier ouvrage, ne mérite pas tant d’éloges. C’est un plus petit Michel Houellebecq que les autres même si cela reste du Michel Houellebecq et que je suis d’accord pour dire que ce dernier est notre Balzac contemporain. C’est le seul qui s’intéresse à l’ « humanité moyenne ». C’est le seul qui prend les classes moyennes à bras le corps.
La lecture de « Plateforme » avait été un choc. En le lisant, j’avais compris pourquoi on parlait autant de cet auteur et pourquoi on en parlait comme d’un auteur majeur.
J’aime beaucoup celle-ci de Casanova : « Rien ne pourra faire que je ne me sois pas amusé ». J’aime beaucoup ce côté hédoniste. Je citerais également celle d’Oscar Wilde : « Aujourd’hui la plupart des gens se consument dans je ne sais quelle sagesse terre à terre et découvrent, quand il n’en est plus temps, que les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais. »
En ce moment je lis « L’eau noire » de Fabrice Gaignault pour le prix Rive Gauche à Paris dont je suis juré. Je ne l’ai pas encore terminé mais il me semble très bien.
Être juré pour ce prix est très intéressant, on va vraiment parler des livres et de leurs contenus sans autres considérations extérieures. Je suis ravi qu’on puisse distinguer un auteur, le récompenser pour la valeur de son texte. Je prends mon rôle très au sérieux.
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Derry Cork, mon ami irlandais a dûment célébré le jour de la Saint Patrick, arborant un magnifique couvre-chef noir et vert et ingurgitant force Guiness, Smithwick, O'Hara, Sullivan et Galway Bay. Il est perdu dans ce village dont il ne se souvient plus du nom, incapable de retrouver ni son chemin, ni ce qui lui sert habituellement à ouvrir sa porte et dont il a aussi oublié le nom en français. Où se trouve-t-il, à ...?...