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Critiques de Heiner Müller (16)
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Quartett : Précédé de La mission ; Prométhée ; Vie ..

Dans un salon d’avant la Révolution, à moins que ce ne soit un bunker d’après la 3ème guerre mondiale, Valmont et Merteuil se retrouvent dans un sulfureux face-à-face pervers et fascinant. Ils luttent, ils jouent - Merteuil les rôles de Valmont et de Cécile de Volanges, Valmont celui de Mme de Tourvel - et nous emportent dans un cruel et vertigineux tourbillon de fantasmes, Eros et Thanatos mêlés. On s’enfonce dans les méandres de leurs désirs et projections, c’est fort, le jeu de travestissement dévoile une réalité plus profonde, celle des pulsions, de l’imaginaire, de la violence du théâtre qui se joue en nous. Comme le dit La Merteuil:

« Quand je ferme les yeux, vous êtes beau, Valmont. Ou bossu, si je veux. Le privilège des aveugles. Ils ont en amour la meilleure part. La comédie des circonstances accessoires leur est épargnée: ils voient ce qu’ils veulent. L’idéal serait aveugle et sourd-muet. »

C’est noir et brûlant, troublant, l’écriture d’Heiner Muller est d’une profondeur impressionnante.

Une pièce courte, mais dense et puissante.
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Quartett : Précédé de La mission ; Prométhée ; Vie ..

Au gré de mes écoutes et dispersions diverses, je suis tombée par hasard sur ce texte de Heiner Müller, un écrivain, dramaturge et penseur allemand dont je n’avais jamais entendu parler. Si je me suis intéressée à Quartett, c’est parce que c’est une réécriture des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.



J’avoue avoir été très déstabilisée par cette adaptation.

Il s’agit d’un dialogue entre la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, les deux personnages libertins, pervers et destructeurs. Ils se livrent, ici, à une véritable joute verbale dans un espace-temps élastique et poreux qui reprend à la fois leur réalité telle que décrite au siècle des lumières et leur projection, vieillissants, de nos jours ou dans un futur proche.

Nous sommes loin des faux-semblants du XVIIIème siècle ; ici, on parle sans tabous d’érotisme et de sexualité… La marquise et le vicomte échange même les rôles et les sexes, mettant également en scène leurs victimes, Mme de Tourvel et Melle de Volanges…

Si certaines répliques, particulièrement efficaces, prêtent à sourire et même à rire, l’ensemble ressemble plus à une logorrhée dont je n’ai pas toujours saisi les tenants et aboutissants.

La version audio, avec les voix admirables de Jeanne Moreau et Sami Frey donne une belle dimension à cette pièce, mais ne m’a cependant pas convaincue.

https://www.franceculture.fr/emissions/avignon-fictions/quartett-de-heiner-muller



Une réappropriation de l’œuvre originale qui n’était pas pour moi.
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Quartett : Précédé de La mission ; Prométhée ; Vie ..

C'est parce qu'Heiner Muller était ami avec Bernard-Marie Koltès que je me suis intéressée à cet auteur. « Quartett » est la première pièce de théâtre que je lis de l'écrivain allemand (et la seule que j'ai lu dans ce livre qui en contient plusieurs).

Ce texte, publié en 1982, peut être considéré comme une réécriture des « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos.



Le titre de la pièce « Quartett » suggère quatre personnages. Pourtant, il n'y en a que deux. Deux qui comptent pour quatre puisqu'il s'agit des deux grands manipulateurs pervers de la littérature du 18ème siècle, le vicomte De Valmont et la marquise de Merteuil. L'âge, loin de les assagir, les a rendus plus cyniques et plus inventifs dans leur recherche de la volupté.

La marquise et le vicomte se rejouent leur scénario dramatique, convoquant leurs victimes : la présidente de Tourvel et la jeune Cécile de Volanges. Ils échangent leurs rôles et endossent ceux des autres.

Ils vont surtout tenter une ultime prise de pouvoir l'un sur l'autre.



Ce qui à l'époque De Laclos pouvait fasciner dans ces deux libertins, c'est qu'ils exprimaient une part inavouable de désirs et fantasmes dans un monde où la morale dominait.

La réécriture de Müller est très intéressante car elle transpose le mythe dans notre société, comme si la destruction qui oppose ces deux personnages était la métaphore d'une agonie.

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La déplacée

Essayez un peu de raconter à autrui que vous venez de lire une pièce théâtre est-allemande du début des années 60, et votre interlocuteur vous regardera d'un drôle d'air... Et pourtant, c'est diablement intéressant , quoique tout à fait dommageable pour le moral! Dans les campagnes allemandes sous domination communiste, les terres sont confisquées, redistribuées, et sont le prétexte pour explorer une âme humaine pas très jolie. Si on m'avait dit qu'un jour je lirais un drame agraire socialiste, en cherchant désespérément si un metteur en scène français avait les mêmes goûts que moi et la montait...

Cela ne m'étonne pas qu'elle ait été interdite dès le lendemain de sa première représentation, vous parlez de lendemains qui chantent.



Je recommande fortement, et au passage Les éditions de Minuit nous offrent une excellente préface qui aide beaucoup à la compréhension du texte.
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Ciment, suivi de, La Correction

En piètre lectrice de théâtre, je suis très agréablement surprise par cette lecture. Le style de Heiner Müller et la construction de cette pièce adaptée d'un roman de Fiodor Gladkov (1925) sont extrêmement contemporains. Ciment rapporte l'histoire d'un révolutionnaire russe de retour dans son village natal et qui s'empresse d’œuvrer à l'instauration du mode de vie bolchevique dans son entourage et dans l'usine de ciment où il travaille. Rapidement, des grains de sable font grincer la belle organisation. Les femmes, qui se sont émancipées pendant l'absence de leurs époux, revendiquent leur liberté. Et si ces messieurs l'acceptent volontiers dans un premier temps, la question des limites au bolchevisme se pose rapidement pour un mari dont la femme - en bonne révolutionnaire - estime que son corps appartient à tous les bolcheviques, ces révolutionnaires fatigués en manque de douceur...

Le récit est entrecoupé de parallèles avec les mythologies gréco-romaines. L'ensemble invite au débat et à la réflexion avec humour et finesse. Par le personnage d'un fervent défenseur du communisme et par la démonstration pratique des couacs d'un tel régime, Heiner Müller, allemand de l'Est, montre le paradoxe que représentait ce régime politique pour ceux qui le subissait tout en le revendiquant. Cette pièce me fait l'effet d'un étau absurde se resserrant inexorablement sur les différents protagonistes et me rappelle en ce sens le livre Une trop bruyante solitude de Bohumil Hrabal.
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Germania mort à Berlin

C'est du théâtre mais ça ressemble à de la poésie, plus précisément de la poésie de Maïakovski. La forme est belle, bien écrite, les récits sont énigmatiques. Je voulais m'intéresser à Heiner Müller après une émission sur France culture dans laquelle j'ai appris qu'il était l'héritier de Brecht. Il y a dans Germania mort à Berlin différentes époque et différents protagonistes politiques et historiques liés à Berlin. Mais je ne suis pas sure que cette pièce nous donne une conscience politique plus aigu ou un regard plus critique, elle n'est pas non plus didactique comme le sont les pièces de Brecht. Mais il des choses qui m'échappent et sa me donne envi de poursuivre la lecture de Heiner Müller après avoir lu cette première pièce.
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Quartett : Précédé de La mission ; Prométhée ; Vie ..

"Dans cet échange verbal entre éloquence et obscénité, chacun des protagonistes – tour à tour homme et femme, proie et prédateur – exprime le désir de posséder l’autre, avec une vitalité et un humour qui font de cette guerre des sexes et des cerveaux une cérémonie sans pitié."
Lien : https://www.theatre-contempo..
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Hamlet-machine

Son « Hamlet-Machine » s'ouvre sur la fameuse fin de la culture européenne : « J'étais Hamlet. Je me tenais sur le rivage et je parlais avec le ressac BLABLA, dans le dos les ruines de l’Europe ». Suivent les conseillers qui marchent « au pas de l’oie », et qui forment le cortège funèbre du « géniteur ». On connait l’histoire d’Hamlet, prince de Danemark, dont Claudius, l’oncle, vient d’épouser Gertrude, la toute récente veuve du frère Polonius. Son spectre viendra hanter Hamlet, lui révélant qui l’a assassiné. C’est sans compter que Hamlet est amoureux d’Ophélie, la fille de Polonius. Mais ce dernier ne veut pas de cette liaison. Espionnant les amoureux caché derrière une tenture, il est tué par Hamlet qui l’a pris pour Claudius. Qui donc a tué qui ? De toutes façons, Heiner Müller ré-écrit le tout à sa manière. « J'arrêtai le cortège funèbre, ouvris le cercueil avec mon épée, la lame se brisa, j'y parvins avec le tronçon restant et distribuai le géniteur mort VIANDE QUI SE RESSEMBLE S'ASSEMBLE aux miséreux tout autour. Le deuil se changea en allégresse, l'allégresse en gloutonnerie, sur le cercueil vide l'assassin saillait la veuve ». C’était pour le début. Par la suite, cela ne s’arrange pas, tout au long des cinq parties.

A vrai dire, la pièce est assez complexe. Heiner Müller reconnait que « Toute pièce d'une véritable valeur théâtrale se conçoit comme la montée d'un orgasme ». Et de même « Si l'on ne comprend pas que la pièce est une comédie, c'est qu'elle doit être un naufrage ». Dans « Album de famille », Hamlet s’adresse d’ailleurs de façon bizarre à Ophélie « Laisse-moi manger ton cœur qui pleure mes larmes, Ophélie ». Puis dans « L’Europe de la femme », Ophélie devient l’image de la destruction de soi. Le tout se poursuit dans « Scherzo » par « Université des morts. Chuchotements et murmures. De leurs pierres tombales (chaires) les philosophes morts lancent leurs livres sur Hamlet. Galerie des femmes mortes. La femme à la corde La femme aux veines ouvertes, etc. Hamlet les contemple dans l’attitude d’un visiteur de musée (de théâtre). Les femmes mortes lui arrachent ses vêtements. D’un cercueil dressé portant l’inscription HAMLET I sortent Claudius et, vêtue et maquillée en putain, Ophélie. Strip-tease d’Ophélie ». Ensuite dans « Peste à BUDA bataille pour le Groenland », on ne sait plus très bien où l’on est. Il est cependant clair que dans un régime communiste, et la référence à la Hongrie est là pour éviter de dire la RDA, la Révolution a échoué, selon Heiner Müller. Au régime nazi de son enfance, qui n’a certes rien eu de bien humain, il ajoute la faillite du système collectiviste. « Ce qui m'intéresse le plus, lorsque j'écris une pièce, c'est de détruire des choses. Pendant trente ans j'ai été obsédé par Hamlet : j'ai donc écrit un court texte, Hamlet-machine, pour essayer de détruire Hamlet. L'une de mes autres obsessions était l'histoire de l'Allemagne : j'ai essayé de détruire toute cette obsession, ce complexe. Je crois que ce qui me fait agir, c'est de réduire les choses à leur squelette, d'arracher leur chair, de les dépouiller de leur surface. C'est ainsi qu'on en finit avec elles ». Et pour finir « « Furieuse attente / Dans l’armure terrible / Des millénaires » , ce sera une sorte d’apocalypse dans laquelle Ophélie devient pratiquement une nouvelle Electre « C'est Electre qui parle. Au cœur des ténèbres. Sous le soleil de la torture. Aux métropoles du monde. Au nom des victimes. Je rejette toute la semence que j’ai reçue. Je change le lait de mes seins en poison mortel. Je reprends le monde auquel j’ai donné naissance. J'étouffe entre mes cuisses le monde auquel j'ai donné naissance. Je l'ensevelis dans mon sexe. A bas le bonheur de la soumission. Vive la haine, le mépris, le soulèvement, la mort. Quand elle traversera vos chambres avec des couteaux de boucher, vous connaîtrez la vérité ».

Déjà le titre allemand « Hamlet-Maschine », dont les initiales sont sans aucun doute aussi celles de Heiner Müller est celui de la négation. Mais si on suit le texte on passe de l’acte 1 « J’étais Hamlet » à l’acte 4 « Je ne suis pas Hamlet ». D’ailleurs cette forme affirmative, ou négative, ne semble n’avoir aucune importance. De même que les questions sont peut être de simples affirmations « Que me veux tu. ». Bref une pièce fort noire, reflet de la situation en RDA. « Et le porteur du laurier interrogea: / Le vainqueur doit-il être jugé? / Et le porteur de la hache interrogea: / L'assassin doit-il être honoré? / Et le porteur du laurier dit: / Si l'assassin est jugé / Le vainqueur est jugé / Et le porteur de la hache dit: / Si le vainqueur est honoré / L'assassin est honoré. / Et le peuple regarda l'un et indivisible auteur / de ses actes différents et garda le silence ».

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Quartett : Précédé de La mission ; Prométhée ; Vie ..

affrontement et jeu de rôle entre Valmont et Merteuil, personnages de liaisons dangereuses
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La bataille

lire et relire, voire même apprendre par coeur, étudier même tout particulièrement l'avant-dernier-texte "centaures-un conte d'horreurs". A la fois une poésie, la musique des mots vous emporte, un essai philosophique, des notion sur l'état, les systèmes, de l'histoire, la chute du mur de Berlin avant l'heure, du théâtre, c'est un texte qui se dit, qui se déclame, ça se sent, ect...
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La bataille

Des textes forts, durs, à forte valeurs métaphoriques.
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La déplacée

« La Déplacée » raconte l’histoire d’Anna Nieth, Allemande arrivée de Pologne avec deux enfants et logée dans « le cagibi » d’un paysan aisé Beutler, me bourgmestre de la petite ville où l’action se passe. Cette situation rappelle l’arrivée d’Arno Schmidt, lui aussi logé dans un cagibi sans lumière, à la fin de la guerre, avec les deux femmes Lore et Grete, histoire telle qu’il la raconte dans « Brand’s Haide » (voir plus loin sous Arno Schmidt). Cette femme ne fera cependant que de rares apparitions durant la pièce. Elle apparaît à l’acte 3 avec « Madame le bourgmestre, le poêle est libre ? ». Puis disparaît ou plutôt se tait le plus souvent, avant que l’on apprenne qu’elle est enceinte, » et maintenant en plus pousse en toi un bouffeur ». Elle ré-apparaît pour bander le pied du tractoriste qui a sauté sur une mine. Il est vrai que dans la pièce, on boit beaucoup de bière « Changer l’eau en vin, tout le monde le peut / Mais changer un BMW chrétienne en bière athée / Estimé public, il n’y a qu’ici que vous le verrez ». Et à la taverne on crie « Bière pour tous », mais la guerre répond « Du sang pour tous ».

On mange peu, il y a encore des restrictions. Il y bien les vaches, peu, à vrai dire, qui attendent qu’on les remplace par des tracteurs. « La technique tire le communisme derrière elle » et plus loin « le socialisme roule devant toi ». Mais il y a eu la question des réfugiés. « Puis de l’est vinrent les chariots. Des réfugiés comme des sauterelles apportaient avec eux faim et typhus, et l’armée rouge, la facture pour quatre années de guerre, de massacres et de terre brulée ». Mais cela ne suffit pas « Nous sommes dans le communisme, Franz, réveille toi […] Le communisme / a été déclenché. Ta vieille est déjà / Propriété d’Etat »

On comprend l’interdiction qui a ensuite frappé Heiner Müller. La pièce « La Déplacée » est jouée en septembre 1961. Le Mur de Berlin, « mur de protection antifasciste » est commencé dans la nuit du 12 au 13 aout de la même année. Il suit tout d’abord le blocus de Berlin, et le pont aérien mis en place par les alliés en 1948. Puis en 1958, les Russes essayent de faire de Berlin une ville démilitarisée, ce qui sera au cœur de la crise pendant les quatre années qui suivent. En 1961, les Allemands de l’Est qui le peuvent quittent la RDA, et c’est pour stopper cet exode que le Mur est construit, avec la volonté par force de garder les ressortissants. La pièce n’a pas été lue auparavant et sera jouée le 30 septembre 1961 pour inaugurer le premier Festival Mondial de Théâtre Universitaire de l’Allemagne Nouvelle. La salle est naturellement remplie par les cadres du parti. L’ambiance est électrique. La pièce est aussitôt interdite et les acteurs arrêtés. Le metteur en scène Bernhard Klaus Tragelehn est aussitôt exilé dans une mine de charbon à klettnitz, en Silésie. Il n’en reviendra qu’en 1964. Heiner Müller est bien entendu exclu de l’Union des Écrivains. Il échappe à la déportation après avoir rédigé son autocritique, sous la dictée d’Hélène Weigel, la veuve de Bertolt Brecht.

Il faut comprendre la situation de l’Allemagne en 1949, à la création de la RDA. L’Allemagne est ruinée, dépecée en quatre zones dont la RDA désormais sous la coupe de la dictature. C’est Staline qui tire les ficelles, Walter Ulbricht, puis Erich Honecker. Un bon tiers des Allemands de l’Est ont été chassés par l’Armée Rouge de la Prusse orientale. Ce sont les « personnes déplacées » que l’on retrouve chez Heiner Müller et Arno Schmidt. Les grands propriétaires terriens ont fui à l’Ouest dès 1945. A la chute du Reich, leurs propriétés sont redistribuées aux « sans terre », les paysans journaliers exploités par les prussiens. Relire en partie « Les Bienveillantes » de Jonathan Littell (2006, Gallimard, 905 p.). Les terres ont été redistribuées en parcelles de 5 hectares. On retrouve ce chiffre dans « La Déplacée », parcelle trop petite pour faire vivre une famille. De plus le bétail manque, le peu qui reste part souvent en repas. Voir la scène dans laquelle Ketzer tue son cheval « Qui a tué le cheval ? / Le couteau. Il l’a transpercé. / Ketzer ? / Oui / Sa seule vache laitière, il l’a abandonnée ». Sur quoi, le dit Ketzer se pend. C’est l’époque où à la mécanisation et l’industrialisation agricole va faire des miracles « Vous avez envoyé des chars, vous recevrez des tracteurs ». C’est bien entendu une forme de collectivisation, qui ne passe pas ou très mal. Il faut dire que la guerre froide et les blocus successifs n’arrangent rien. Le marché noir s’installe tandis que la nouvelle hiérarchie des petits devenus puissants débouche sur une corruption généralisée et est source d’intimidations et d’abus. (Lire à ce sujet les livres de Herta Müller). On comprend mieux que « La Déplacée » mettait en lumière les contradictions inhérentes à la mise en place d’un collectivisme à un peuple, encore déstabilisé, qui passait brutalement du nazisme au stalinisme.

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Ciment, suivi de, La Correction

« Ciment » est adapté d'un roman réaliste de Fiodor Vassilievitch Gladkov, écrit en 1926. C’est un bel exemple de théatre prolétarien, mais daté de 1972. La pièce, en quinze tableaux, raconte la remise en route d'une cimenterie russe en 1921, le tout sur fond de guerre civile et du Xème Congrès du Parti. On y croise deux couples, Gleb Tchoumalov et Dacha, sa femme, ainsi que Ivaguine et Polia, autre couple de militants, mais qui vont être exclus du parti « comme une lèpre ». Le soldat Tchoumalov revient de la guerre, mais après trois ans passés, il cet ancien militant bolchevik ne reconnaît plus sa ville en ruines. De même la cimenterie où il était ajusteur est transformée en étable. Quant à sa femme, Dacha, elle a quelque peu évoluée. « Il peut se passer bien des choses. Gleb, en trois ans. [...] Mon foyer est le comité exécutif, mon travail. Mon repas, je le mange là-bas à la cantine, de l'eau et des rutabagas. [...] Rappelle-toi, camarade, si quelqu'un ici est mon propriétaire, c'est moi». Une scène « Le Lit » donne le ton, difficilement conciliable avec un retour au stade d’avant. Scène sui enchaîne avec l’affrontement entre Gleb et Kleist, un ingénieur qui l’a dénoncé aux Blancs. Gleb veut faire redémarrer l’usine. Impossible, lui répond l’ingénieur. « Nous sommes enchaînés à notre Caucase / Tous autant que nous sommes. Les aigles chient sur nous / Et leur merde ce sont nos propres entrailles / Qu'ils nous tirent du corps tout le long de la vie / Votre pouvoir soviétique ne changera pas le monde Tchoumalov. [...] Laissez-moi mourir dans mes chaînes / Je ne veux pas être libéré. [...] Je hais votre révolution, je hais / Votre pouvoir soviétique ». Suit un long épisode dans lequel Héraclès, c'est-à-dire Hercule, délivre Prométhée enchaîné. Idem, un peu plus loin, où l’on retrouve Héraclès, dans la forêt, mais cette fois confronté à l’Hydre. Mais cette fois, le monstre, la forêt et Héraclès finalement ne forment qu’un seul et même personnage. C’est finalement une version russe, ou du moins fortement collectiviste des mythes grecs. Les mythes en tant que dénonciation des abus du système. Dans ce contexte, la classe ouvrière, déjà mal en point d’un point de vue économique, est totalement aux prises avec une bureaucratie toute puissante. Donc à quoi bon, et vers quels finalités ou espoirs, construire un avenir nouveau ?
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Mauser / et autres pieces

« L’œuvre de Heiner Müller fut un défi pour le théâtre des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. L’art du théâtre (ses techniques) y était comme mis hors de lui-même. Impression renforcée par le vif intérêt que peintres et plasticiens, chorégraphes et compositeurs portèrent aux textes de Müller. Il se trouva par bonheur, en Europe et aux Etats-Unis, quelques metteurs en scène et acteurs pour relever ce défi et porter à la scène, dans l’urgence du moment, des textes qui ne renonçaient à des conventions théâtrales fatiguées que pour mieux réintroduire dans le corps même du théâtre, avec le récit et la poésie, une exigence littéraire et artistique salutaire. En un temps où les normes du théâtre vacillaient, au long des mois, des années de maturation lente de ces œuvres dont plusieurs sont désormais considérées comme fondatrices du théâtre contemporain, Heiner Müller méditait la seule question qui vaille, celle qu’avait posée Gertrud Stein dans une conférence célèbre : “ Que sont les chefs d’œuvre et pourquoi y en a-t-il si peu ? ” C’est ainsi que son œuvre, initialement située dans le sillage de Bertolt Brecht, aujourd’hui dans le voisinage de Samuel Beckett, Jean Genet et Antonin Artaud, s’est retrouvée au cœur des glissements de terrain qui, au XXe siècle, ont affecté les arts de la représentation et établi des passerelles, tout un réseau de chemins de contrebande, entre danse, peinture et théâtre. »

Jean Jourdheuil

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Germania 3 - les spectres du mort-homme

A sa manière habituelle, une succession de tableaux qui finissent par raconter une histoire, Heiner Müller passe en revue les tourments traversés par l'Allemagne, notamment de l'Est, des années 40 aux années 90. Il convoque pour cela les personnages clefs de l'histoire est-allemande avec, à l'origine de tout, la guerre, voulue par Hitler, et qui conduit à l'arrivée de l'Armée rouge et à sa revanche. Les deux dictateurs, Hitler et Staline, ne sont pas renvoyés dos à dos : pour vaincre la barbarie hitlérienne, il a fallu passer par l'oppression stalinienne. C'est bien sûr une vision allemande des choses qui justifie aussi que Heiner Müller ait toujours vécu en Allemagne de l'Est.

Dans cette dernière pièce, l'auteur utilise sa propre œuvre ainsi que celle de son maître à penser, Bertolt Brecht, de même que l'héritage de celui-ci à travers ses trois veuves.

Historiquement, la pièce est très intéressante (notamment la première scène très courte, Revue nocturne, mettant en scène Thälmann et Ulbricht en tant que gardiens du Mur de Berlin). Mais, là où l'écriture de Brecht est toujours lumineuse, universelle et pédagogique, Heiner Müller fait souvent appel à la culture (allemande) du spectateur.

Une scène échappe à cette logique tant elle est parlante quoique très sombre. Il s'agit de La seconde épiphanie, dans laquelle un prisonnier politique allemand revient chez lui après douze années de camp et tue un soldat russe violant sa femme ; il est ensuite déporté au goulag.

Un théâtre certainement nécessaire mais difficile d'accès.
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Hamlet-machine

J'ai choisie au hasard un cours de théâtre contemporain Allemand. Et me voila, j'ai pour lecture Hamlet-Machine de Muller dans les mains.

Réticente au début, je dois avouer que ce n'est pas mon truc à la base, le théâtre Allemand.



Dans Hamlet-Machine qui est composé de plusieurs pièces, l'auteur entremêle les textes classiques et les temps anciens avec l'actualité de son temps. Et nous montre avec brio que le théâtre qu'importe à qu'elle époque il intervient remet en question une actualité, pose des questions et à une part d’universalité.
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