─ Combien de temps pensez-vous qu'il faille à un ministre des finances, avant d'en venir à tondre le peuple et à travailler au profit de la cour ?
─ Hem ! quand il a de la tête, il peut en venir là en un an.
─ Il faudrait donc conseiller au roi de prendre un nouveau ministre des finances tous les ans, s'il veut être loyalement servi.
─ J'espère, monseigneur, n'avoir pas démérité de Sa Majesté et de la cour depuis que je régis ses finances.
─ Je le crois, comte ; mais vous avez d'autant plus démérité du peuple.
─ En vérité, Micon, Les Dieux m'eussent rendu plus heureux, s'ils m'avaient accordé moins d'intelligence, en sorte que je pusse avoir des illusions, et me tromper moi-même comme font les autres hommes. Vois, j'ai tout acquis, pour finir par tout mépriser. Le but n'était pas digne des efforts faits pour l'atteindre.
─ O roi, dit Micon, le monde ne saurait plus te suffire, car tu t'es perdu toi-même.
Le bonheur et l'infortune dépendent de peu de choses, et des bagatelles influent souvent plus puissamment sur notre sort, que les vertus et les talents.
Le monde est à nos yeux ce que nous sommes nous mêmes, et chaque mortel est un Dieu dans sa sphère ; comme peut-être chaque étoile du ciel est un soleil dans la sienne.