Trahir de
Helen Dunmore aux éditions
Mercure de France
Brusquement et sans signes avant-coureurs, Volkov tape du poing sur la table : "Vous pensez que je ne me rends pas compte que mon fils est très sérieusement malade ? Vous, les médecins, vous nous prenez tous pour des imbéciles ! Vous savez qui je suis ?" Andreï pose ses mains à plat sur ses genoux. D'une part, il ne sait pas quoi répondre. de l'autre, il devine que tout ce qu'il pourra dire sera pris pour de la provocation. Il est fort naturel qu'un père ait besoin d'exprimer ses émotions. Et il faut surtout que Volkov ait le sentiment d'être un parent et rien d'autre, ici, dans cet hôpital. Mais Volkov est un des chefs de la terrible police secrète. On est à Leningrad, en 1952. Andreï, jeune et brillant pédiatre, a vu arriver dans son service un petit garçon souffrant d'un très grave cancer des os - le fils unique de Volkov. Or celui-ci n'accepte pas le diagnostic, ni le verdict : amputation d'une jambe. Quoi qu'il arrive, Andreï sera coupable et donc puni. Alors que faire, quand l'étau se referme sur lui et sa famille ? Partir dans une autre ville ? On le retrouvera. Se cacher ? C'est impossible. Lâché par ses collègues et amis, tous contaminés par la terreur ambiante et prêts à le
trahir, il risque de payer le prix fort.
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trahir.html
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J’ai peur de me mêler à la foule. Dans Turk Street, j’ai l’impression que toutes les autres créatures que je croise sont déguisées. Leur peau est un voile qui dissimule les intestins et les chairs brutes, visqueuses à l’intérieur. Je devine comment leurs os se fendraient et se sépareraient. Je vois l’arête d’un os déchiqueté, pointé d’une cuisse ou d’un coude. Je vois des corps qu’on a ramassés, en lambeaux, et flanqués par terre.
Tant que vous pouvez encore marcher, si lentement que ce soit, et vous arrêter de temps en temps pour lever le visage vers le soleil, laisser un brouillard rouge pénétrer vos paupières, tout est encore possible. (p. 361)
Avoir de la mémoire comme moi, c’est plus un fléau qu’une bénédiction. Ma mémoire coupe dans le passé, aussi nettement que la lame d’un couteau, puis me le sert étincelant.
Les gens qui voient leur mort approcher ont besoin d'une vieille grand-mère qui veuille bien rester auprès d'eux, à guetter les minuscules signaux qui expriment la soif ou la douleur chez ceux qui sont trop faibles pour parler. Les vieilles grand-mères n'ont pas peur de la mort. Elles la traitent d'égal à égal ; elles ne croient pas que leur rôle soit de la dominer. (P. 237)
Dans les ténèbres qui m'enserrent,
Noires comme un puits où l'on se noie,
Je rends grâce aux dieux, quels qu'ils soient,
Pour mon âme invincible et fière.
Dans de cruelles circonstances,
Je n'ai ni gémi ni pleuré.
Meurtri par cette existence
Je suis debout bien que blessé.*
* Tiré de Invictus, poème de William Ernest Henley
"C'est l'époque, dit Anna. Tous à l'heure, je rampais sur le sol d'un immeuble incendié, pour en extraire des blocs de bois à moitié brûlés. Une femme à voulu m"emprunter mon ciseau et j'ai refusé. Mais ce n'est pas tout. Je lui aurais planté dans le corps si elle avait essayé de le prendre. On se retrouve à faire des choses dont on ne se serait jamais crue capable. (p.311)
Je peux réciter page après page. Je ferme les yeux, et c'est comme si j'avais le livre en face de moi. Je répète le passage où Tatiana est perdue dans son rêve. Les plaines, les sapins, la lumière fantomatique et le craquement de ses pas dans la neige: ils me reviennent si fortement que c'est comme si je n'avais jamais rien lu sur eux, jamais pensé à eux. Je dis presque à voix haute que je regrette de ne pas les avoir compris jusqu'à présent. Mes yeux se remplissent de larmes et je ne sais pas pourquoi. Mais je sais que c'est grâce à ces choses, et rien d'autre, que nous survivons. La poésie n'existe pas pour rendre la vie belle. La poésie est la vie elle-même.
Il y a quelque chose que Russov ne lui dit pas. il doit craindre une maladie grave. Il veut qu'Andreï examine ce garçon, le prenne en charge, prescrive les examens et apprenne le verdict à la famille. Russov fera l'impossible pour ne pas annoncer lui-même la mauvaise nouvelle à Volkov. Pour que ce ne soit pas son visage dont Volkov se souvienne, avec la rage froide et dure qu'un homme comme lui éprouvera certainement face à quelque chose qui échappe à son contrôle. (P. 15-6)
Même de nos jours les gens refusent souvent qu’on les prenne en photo, ou alors ils veulent quelque chose en échange, de l’argent ou autre. Ce mariage m’avait plu et ça s’est vu sur les clichés. J’aimais leur façon de dépenser l’argent qu’ils n’avaient pas, et les enfants qui comprenaient tout : ils voyaient les bagarres succéder aux beuveries mais ils adoraient ça, de cette façon innocente qu’ont les enfants de craindre une chose et de l’aimer en même temps.
—Tu aimes prendre des risques à ce que je vois.
—De toute façon il y en a toujours, alors pourquoi prétendre le contraire ? On est aussi bien ici qu’ailleurs.