Hélène Bah

Aujourd'hui le livre est défendu par des fidèles lecteurs de tous horizons. Il forment des bibliothèques personnelles. Ils dissimulent des livres sous leurs oreillers, dans leur bagages, ou même dans leur mémoire.
Ils abandonnent ceux qu'ils aiment sur les bancs publics, ou dans les gares ou sur les tables de café, espérant qu'il voyageront à travers le monde en quêtes d'autres yeux, d'autres âmes.
Ils construisent, à Toronto, Los Angeles, Londres, Accra ou Berlin, de minuscules bibliothèques à même la rue, ou dans un jardin.
Des troncs d'arbres, des cabines, des panneaux et des bicoques joyeusement décorés contiennent des livres qui sont mis a la disposition e tous, gratuitement, et chacun peut y déposer d'autres livres.

Tout comme il est beau, soudain, de voir les enfants pauvres de Manille, Tananarive ou Varsovie découvrir la joie universelle de la lecture grâce aux - bibliothèques de rue -fondées par les organisations humanitaires, ou bien ceux de Cajamarca, dans les Andes, écarquiller les yeux dans leur nécessiteuse - bibliothèque rurale -

L'Ecriture Résolutive n'a pas d'autre ambition que de donner à votre regard sur vous-même à la fois la hauteur et la profondeur qui vous permettront d'agir selon votre propre mesure, dans une connaissance de vos limites et de vos possibilités, seule capable de vous rendre efficace, libre et joyeux dans l'action.

N'attendez pas nez en l'air, stylo levé, d'être touché par la grâce... ou du moins n'attendez pas trop longtemps.
Et dès que quelque chose s'esquisse, aussi maladroitement que cela vous paraisse, écrivez-le.
Vous aurez toujours la possibilité, ensuite de le rayer.
De le rayez dis, je pas de l'effacer gomme et Tip-Ex ne font pas partie du matériel requis Il n'est pas exclu que ce terme, ce bout de phrase qui vous chagrine maintenant puisse finalement vous agréer tout à l'heure. Dons écrivez tout, n'effacez rien, ne jetez rien : ce terreau de vos tergiversations promet à coup sûr de jolies récoltes.

L'effort exigé par l' Ecriture Résolutive consiste à ne pas noter la moitié de l'idée, à ne pas en garder l'autre moitié dans la tête au motif que pour le moment ces deux moitiés sont pour vous inextricablement liées, que l'une appelle automatiquement l'autre. Car cet automatisme est fragile.
La moindre distraction, une autre idée intervenue entre-temps... et hop, il s'évanouie ; vous voilà désormais gros Jean comme devant, avec une demi-idée, autant dire : rien.
L'écrit est orphelin : une fois au monde, il est seul, sans protection - coupé des intentions qu'i est là pour incarner.

Les paroles s'envolent, les écrits restent : l'adage n'a pas pris une ride.
Il est certain que nos textos ou nos e- mails seraient rédigés de façon moins désinvolte si nous avions dan l'idée qu'ils devaient - rester.
Si nous les avions imaginés, scrutés, stockés, potentiellement examinés et relus pendant des années, nul doute que nous les aurions rédigés avec plus de soin. Et c'est le sort que nous imaginons à tout écrit digne de ce nom - les écrits restent c'est leur vocation. Et cette solennité peut expliquer que nous hésitons à lancer notre plume.

Ecrire et lire, autrement

Lire est écrire est un programme très classique. C'est même le b.a.-ba de notre culture, tant que les objets auxquels nous les appliquons ne nous concernent, ne nous engagent qu'indirectement : écrire un compte rendu ou lire un journal ; écrire à ma grand-mère ou lire une publicité dans le métro... Ce que nous écrivons ou lisons peut nous toucher d'assez prés, mais il s'agit toujours autre chose que de nous-même, d'une partie - objective - du monde qui nous entoure.

Accessible. Ecrire, oui. Mais pour s'assurer que la chose écrite sera effectivement exploitable, une précaution s'impose : être lisible, aux deux sens du terme. Au sens propre d'abord. Nous avons tous une fâcheuse tendance à toujours incriminer l'- autre- quand il y a un problème de communication : c'est lui qui ne comprends rien, lui qui fait preuve de mauvaise volonté, lui qui pourrait faire un effort, lui qui.... alors que nous sommes, bien sur irréprochables !

Votre écriture vous représente au delà de toute espérance, puisqu'elle dit ce que vous ne savez pas encore de vous, et qu'elle va précisément vous révéler.

Nous nous accoutumons insensiblement à accorder un certain crédit à cette parole - au propre - , qui a l'air plus respectable que tout texte auquel l'intervention de la main aura légué son tremblé, son penché, son asymétrie, voire - horreur ! - ses ratures.
Telle est l'imposture que cautionnent les possibilités techniques offertes par les logiciels de traitement de texte.