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Critiques de Hélène Waysbord (6)
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La chambre de Léonie

À la lecture de « La chambre de Léonie », paru en septembre 2021 aux éditions Le Vistemboir, on comprend qu’un exil contraint sur les rivages de Normandie en 2020, territoire que Marcel Proust affectionnait tant, que la rediffusion radiophonique des entretiens avec Céleste Albaret, entrée au service de Monsieur Proust en 1913, ont entraîné et immergé Hélène Waysbord dans une ronde de lectures proustiennes et d’écriture, origine de ce merveilleux livre; un parcours vital en correspondances entre lecture et écriture, tissant en chapitres brefs les secrets de la « Recherche » et ceux de sa propre existence.



"La lecture est l’histoire de nos vies, les vêtements imaginaires qu’elle nous prête un temps pour jouer en costumes des rôles où l’on s’apprend soi-même. Ainsi comme un livre, notre vie s’écrit par chapitres. Je vais tenter de relire, pas dans le bon ordre successif mais selon l’émergence des secrets qui m’ont été révélés."



Pour entrer dans cette chambre d’échos entre la cathédrale proustienne et ses propres secrets, l’auteure n’a pas choisi un personnage célèbre, mais la tante Léonie, grand-tante du narrateur de la « Recherche », malade plus ou moins imaginaire alitée en permanence, qui observe depuis son lit toutes les allées et venues dans le village de Combray et en fait le récit à Françoise, la servante fidèle.



La chambre, lieu de l’observation et du récit, est aussi pour le narrateur et pour l’auteure de « La chambre de Léonie » celle du temps de l’enfance, des premières lectures et des arrachements tragiques.



"L’éloge de la chambre, comme de la lecture est une prise de possession empreinte de la violence du désir, Fragonard ou le divin Marquis. Pour qui sait regarder, le regard est un viol des secrets cachés, ainsi celui du narrateur plus tard, caché dans les buissons de Montjouvain.

La chambre, lieu du sommeil et du rêve, d’une libération de l’imaginaire, devient le lieu de la création littéraire. S’y développe une exploration fantastique, un monde total. « Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes. »"



L’écriture agit comme un révélateur rendant visibles les images et les correspondances, une identité juive brouillée après l’arrachement aux parents arrêtés et déportés en 1942, l’éducation catholique reçue par l’enfant cachée dans un village de campagne, l’élan vers la beauté et les vibrations de la lecture.



"La guerre m’avait coupée de ma famille, j’étais devenue quelqu’un d’autre, sans archives sur mon origine, un pan de ma vie englouti dans l’oubli. Si J’essaie de démêler aujourd’hui quelle sorte d’obscurité, il m’est difficile de l’exprimer. Peut-on y voir clair dans une âme d’enfant ? Je peux dire qu’il y avait en moi un secret repoussé mais présent, ma judéité. Une menace, une différence. Proust l’était lui aussi, de façon compliquée, juif. Quand je commençai à m’initier à La Recherche, le personnage de Swann, l’intérêt passionné de l’auteur pour l’affaire Dreyfus dut m’apporter quelque chose comme une parenté avec une famille perdue que j’aurais à retrouver."



L’auteure découvre ses propres secrets en croyant chercher ceux de Proust, écrit Jean-Yves Tadié dans sa très belle préface. Valse-hésitation parfaitement maîtrisée entre dissimulation et révélation, « La chambre de Léonie » apparaît aussi comme une enquête palpitante et dense sur l’écriture proustienne, celle qui permet de «raconter sans dire tout en laissant deviner, du moins soulever un pan du mystère.»



"Les « écrans » proustiens, qui jalonnent le récit, la chambre de Léonie, celle de Vinteuil, ou la cour de l’immeuble du narrateur, sont constitués selon un dispositif identique : cadrage, espionnage, dissimulation. Mais quand on pénètre plus avant le domaine risqué de la sexualité, le rideau est tiré. Plus de vision, subsiste l’audition ; les mots et le vu se disjoignent laissant place à l’imagination, ainsi Charlus pénétrant dans la loge de Jupien au terme d’une quête sans ambigüité."



"Il est tant de façons de lire Proust."



Mais il n’est pas nécessaire d’avoir lu la « Recherche » pour entrer dans « La chambre de Léonie », récit affûté, humble et sensible d’une lectrice perpétuelle de Proust, évocation des instants décisifs d’une vie hors norme au prisme des multiples facettes du génie romancier et des complications de la vie de Marcel Proust ; un récit fascinant qui vous incitera sans doute à aller ou à retourner dans la chambre de Combray, et à commencer ou recommencer cette éternelle « Recherche ».



Retrouvez cette note de lecture et beaucoup d'autres sur le blog de la librairie Charybde : https://charybde2.wordpress.com/2021/09/28/note-de-lecture-la-chambre-de-leonie-helene-waysbord/
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L'amour sans visage : Suivi de Les lettres ..

1942 : Elle attend son père à la sortie de l'école maternelle. Il ne viendra pas. Ses parents sont partis en voyage, lui dit-on.

L'auteur,dans son travail d'écriture, reconstruit toutes les étapes douloureuses qu'elle a parcourues pour retrouver en elle l'image du père.

Avec des phrases courtes, dans de brefs paragraphes, elle procède par bonds, ressassant toujours les mêmes motifs : l'absence, l'amour sans visage.

Après l'enfance dans un village de Mayenne où elle fut recueillie par un couple de Justes, elle évoquera sa vie d'adulte : son amitié avec Mitterrand ( de très belles pages, p.84 et svt), ses amours, sa profonde dépression...

Ses références littéraires et culturelles enrichissent la lecture et tiennent à distance l'émotion.



Cette autobiographie est suivie de Les lettres du père, indispensables pour comprendre et ne pas oublier.
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L'amour sans visage : Suivi de Les lettres ..

Voici un commentaire remarquable sur "L'amour sans visage" (livre que j'ai beaucoup aimé mais que je ne peux commenter moi-même pour cause de trop grande proximité avec l'auteur !) :



"Un grand livre ... C'est un livre exigeant et tendu, d'une construction virtuose et complexe, d'une écriture très belle, lapidaire et poétique.



Il y a des phrases que l'on souligne pour s'en souvenir : "Dans l'autobus numéro zéro, j'usais les jours sur la ligne interminable du temps" ; "je dialoguais avec mes songes" ; et cent autres encore.



Le choix de paragraphes courts et une progression un peu en spirale, ou du moins par chevauchements, est très remarquable. Les replis du temps, dans leurs rapports à l'amour et aux amours, évoquent naturellement Nerval et Proust. J'ai retrouvé [le premier] dans plusieurs moments fulgurants sur le temps, la recherche des parents, l'abandon, la folie... Hugo ...m'est apparu sous la forme de "Tristesse d'Olympio" (aimée de Proust), dans les expériences de retour vers le passé, à Argenteuil, Aurion et Versailles.



Le portrait de François Mitterrand est magnifique, à mes yeux pour cette capacité d'élire d'un simple regard qui lui plaisait, ce "bonheur de voir" qui est un bonheur de vivre, et qui en fait un personnage stendhalien - le contretype, en quelque sorte, de la narratrice (et leurs deux univers si radicalement différents sont évoqués quelque part). On regrette à vrai dire de le voir si peu, même s'il revient, lui aussi ; ce n'est qu'un personnage parmi d'autres, dans ce kaléidoscope où la figure du père se décompose et se recompose indéfiniment.



C'est un hommage merveilleux rendu au père, et l'on ne peut lire les dernières lettres [les lettres du père écrites de Drancy], et la dernière carte, même avec toutes les mises à distance et les précautions, sans une émotion poignante. Ces lettres sont plus qu'un visage, ou plus exactement elles sont plus vraies qu'une photographie, et à ce titre il est normal qu'elles servent de couronnement au portrait."

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Talon d'Achille

très étonnant "récit" que cette quête autour du déracinement tragique d'une petite fille arrachée à ses parents juifs pour être sauvée. Transplantation dans un village où tout est à apprendre. Retours sur sa vie à travers le prisme de la mythologie. C'est une passionnante lecture de petits chapitres vifs et finalement assez joyeux. La phrase en exergue donne le ton " Toute vie est un bricolage mythologique". Achille apparaît sous un jour surprenant et sans doute assez fidèle à l'image qu'Homère nous a transmis. Quelle belle humanité que ce récit !
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L'amour sans visage : Suivi de Les lettres ..

Dans L'Amour sans visage, le superbe roman qu'elle vient de publier, pas de pathos, donc, mais une écriture subtile, poétique, aérienne pour dire, enfin, entre réalité et fiction, une enfance cachée et une vie chaotique.


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La chambre de Léonie

Hélène Waysbord est une survivante de la Seconde Guerre mondiale qui, après ses études de lettres classiques, a longtemps enseigné à Caen. Elle a aussi travaillé avec le Président Mitterrand sur les Grands Projets de ses mandats.



Ce livre a germé lorsqu'elle s'est retrouvée confinée en Normandie, loin de son édition annotée d'À la Recherche du temps perdu, mais avec tout de même d'anciens tomes sous la main. L'autrice a alors entrepris une lecture différente de celles qu'elle avait faites jusqu'alors : elle s'est concentrée sur certains passages et les a lus en cherchant le sens profond des phrases. Elle en a tiré une analyse qui mêle les vies du narrateur, de Marcel Proust et la sienne, ce type de lecture faisant remonter son passé.



Le lecteur se retrouve ainsi dans une promenade d'esprit en esprit et de chambre en chambre. Au fur et à mesure que l'on entre dans les secrets des personnages, de Proust et d'Hélène Waysbord, les chambres se succèdent : celle de Léonie — la première —, celle de Proust à Versailles, celle de Vinteuil, celle de l'autrice après avoir été arrachée à ses parents en 1942, celles de Proust à Paris et Cabourg, et tant d'autres car dans la Recherche, "les 'écrans' proustiens, qui jalonnent le récit, la chambre de Léonie, celle de Vinteuil, ou la cour de l'immeuble du narrateur, sont constitués selon un dispositif identique : cadrage, espionnage, dissimulation."



Grâce à cette approche de l'œuvre et aux connaissances étendues de la vie de Marcel Proust, l'autrice voit surgir des informations familiales qu'elle avait oubliées ou occultées, et qui font pourtant partie de sa construction en tant qu'être humain.



En somme, cette lecture nous plonge dans une introspection croisée, une promenade au milieu des mots, des habitudes, des symboles cachés avec beaucoup de douceur et de délicatesse.



Les amoureux de Proust y découvriront une lecture exploratoire comme s'ils regardaient des photos de l'œuvre et de son créateur, les admirateurs de Céleste Albaret seront charmés par son dévouement illimité, les curieux pourront profiter de cette mise en abyme pour ressentir la littérature comme un exutoire.
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