CONFÉRENCE PUBLIQUE
"Vivre ensemble la laïcité"
PAR HENRI PEÑA-RUIZ, Docteur en Philosophie, écrivain, auteur du Dictionnaire Amoureux de la Laïcité, Lauréat du prix de la laïcité - octobre 2014
Conférence du MARDI 16 DÉCEMBRE 2014
Archives du Monde du Travail
78 boulevard du Général Leclerc Roubaix Métro Eurotéléport
Organisé par le Comité du 9 décembre,
rassemblement des associations humanistes et philanthropiques de Roubaix. Résurgences - 2 rue Boucicaut - 59100 Roubaix comitedu9decembre@gmail.com
Le droit à la différence ne saurait être confondu avec la différence des droits.
La laïcité est une valeur essentielle, avec ce souci de la liberté de conscience et de l'égalité de tous les hommes, qu'ils soient croyants, athées ou agnostiques. L'idéal laïc n'est pas un idéal négatif de ressentiment contre la religion. C'est le plus grand contresens que l'on puisse faire sur la laïcité que d'y voir une sorte d'hostilité de principe à la religion. Mais c'est un idéal positif d'affirmation de la liberté de conscience, de l'égalité des croyants et des athées et de l'idée que la loi républicaine doit viser le bien commun et non pas l'intérêt particulier. C'est ce qu'on appelle le principe de neutralité de la sphère publique.
Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs
Il est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs
(Victor Hugo)

Vaincre la peur, non en niant le danger,mais en en prenant l'exacte mesure. Vaincre la mort , non en la taisant par l'ignorance délibérée de la fin qui attend tout homme, mais en dédramatisant le rapport que l'homme entretient avec elle : soigner pour cela la vie intérieure en la libérant des représentations sans réel fondement, des imaginations qui la troublent. "La mort n'est rien pour nous" , rappelle Épicure, qui s'en tient à ce dont l'homme peut vraiment avoir l'expérience. Vaincre la crainte des dieux, non en les niant nécessairement, mais en s'affranchissant de la fantasmagorie qui leur prête les pires travers humains, la puissance en plus, ce qui aggrave la peur. Tout le programme de la philosophie est là, qui accorde la raison et le désir, l'audace et la sagesse qu'on appelait prudence pour y voir la sagacité qui sait agir.
L'expérience, purifiée des obsessions tristes et des divagations, émancipées des servitudes que l'homme déraisonnable s'inflige à lui-même, émerge alors dans sa vive beauté, festival sensible qu'aucun soupçon ne trouble. Le regard est rendu à sa fraîcheur native et réinvente le monde...

L'art de séduire, tel qu'on le trouve dans le chant des sirènes, joue de façon forte avec le pouvoir de la voix, mais il le fait selon une magie maléfique. L'homme charmé est bientôt captivé, capturé puis captif. Sauf s'il sait résister, éprouver l'attrait et le désir sans jamais leur céder, bref, rester maître de lui-même. Chose difficile quand le désir se fait impatience, quand la soif de vivre bouscule les heures et les rythmes de la conscience.
Le chant des sirènes est sollicitation commune ou rare, unique ou répétée. Qui peut lui résister s'il ne perçoit d'abord que le plaisir promis, à naître bientôt, saisissable sans effort ? Dans la légende d'Homère, la mort guette les malheureux navigateurs qui se laissent prendre à ce chant. Dans la vie ordinaire, la chose n'est pas nécessairement aussi grave. Mais elle recouvre les désagréments inaperçus d'abord quand la tentation l'emporte, et que l'on se laisse aller aux invitations pleines de promesses sans se soucier des conséquences.
(p.94)

Apostasie
Selon l’étymologie grecque du mot, l’apostasis recouvre le fait de se détacher de quelque chose, de s’en éloigner radicalement, de rompre avec elle. C’est en somme une désertion. Utilisé par l’Église de façon péjorative, le mot désigne la renonciation publique à une religion, en l’occurrence le christianisme ou le catholicisme. Plus généralement, tout abandon d’une conviction spirituelle ou d’une doctrine est une apostasie. Ce qui est étrange, c’est justement que l’Église catholique, se référant par exemple à la décision de l’empereur Julien de prendre ses distances avec le christianisme et de réintroduire dans l’Empire la liberté du culte païen, parle en mauvaise part de l’apostasie et fasse passer à la postérité l’appellation dépréciative de « Julien l’Apostat », comme si l’abandon d’une religion était une faute. Pourtant, saint Augustin racontant sa conversion dans Les Confessions fait lui-même état de la manière dont il a apostasié le manichéisme pour choisir le catholicisme.
Comment supprimer la misère ?
Nous l'avons dit, en supprimant l'ignorance.
Plus de ténébreux, plus de misérables.
Il n'y a pas de cécité sociale ; il n'y a que la nuit
(Victor Hugo)
D'hier et des souffrances, il reste la mémoire inquiète, qu'assume une nouvelle confiance. De demain, l'espérance hésite à s'esquisser, qui reste suspendue au présent incertain d'une lueur timide, surgie à peine de la nuit. Les temps de l'aurore s'accomplissent dans une annonce ensoleillée, où brille midi le juste
"L’esprit critique va de paire avec la liberté de conscience. C’est une valeur essentielle de la laïcité."
(Henri Pena-Ruiz, philosophe / septembre 2003)

La démarche matérialiste, en l'occurrence, consiste à rappeler cette réalité première. Elle ne conduit pas à récuser le rôle des idées, mais à en restituer le sens et le contexte effectif.
L'esprit critique ne doit pas ignorer la part de leurre et d'idéalisation, de justification, ou tout simplement de bonne conscience, qui intervient souvent. On ne peut connaître ni juger un homme, ou un moment de l'histoire, en prenant pour seule référence l'idée qu'il se fait de lui-même. Du ciel des idées ou des représentations humaines à la terre des pratiques réelles, la conséquence n'est pas toujours bonne, si du moins l'on veut comprendre le ressort effectif des actions au lieu de leur supposer d'emblée des sources imaginaires.
Ainsi une certaine façon de philosopher peut conduire à oublier la réalité, voire à l'évoquer sans tenir compte de ce qu'elle est effectivement.C'est le cas lorsque les représentations des hommes, et notamment leurs idées, sont prises comme point de départ de la théorie. Devenues références plus ou moins arbitraires, elles acquièrent une valeur explicative.