En écho à l'exposition «Baudelaire, la modernité mélancolique», la BnF coorganise un colloque international intitulé « Baudelaire et les traditions poétiques ».
Souvent célébré comme le chantre de la modernité, Baudelaire semble se tenir à l'écart des ruptures. Les choix esthétiques qui sont les siens, des Fleurs du Mal au Spleen de Paris, visent à réinscrire une démarche créatrice et l'invention formelle qui l'accompagne, de la permanence du vers à la promotion du poème en prose dans une continuité sensible et vivante, toujours réfléchie.
Colloque international organisé par Aurélia Cervoni, Henri Scepi et Andrea Schellino.
En partenariat avec l'Institut des textes et manuscrits modernes et l'université Sorbonne Nouvelle.
En savoir plus sur l'exposition «Baudelaire, la modernité mélancolique» : https://www.bnf.fr/fr/agenda/baudelaire-la-modernite-melancolique
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Les saltimbanques
Guillaume Apollinaire
Dans la plaine les baladins
S’éloignent au long des jardins
Devant l’huis des auberges grises
Par les villages sans églises.
Et les enfants s’en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signe.
Ils ont des poids ronds ou carrés
Des tambours, des cerceaux dorés
L’ours et le singe, animaux sages
Quêtent des sous sur leur passage.
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
Marie
Guillaume Apollinaire
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C’est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu’elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d’argent
Des soldats passent et que n’ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l’automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
C'est là une des caractéristiques majeures du discours poétique d'"Alcools" : lutter incessamment contre la fatalité du temps et de l'oubli et admettre que la vie ressuscitée par le souvenir n'est pas exempte d'un parfum de mort.
Tant qu'il existera par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale, des enfers, et compliquant d'une fatalité humaine
la destinée qui est divine ;
tant que les trois problème du siècle,
la négation de l'homme par le prolétariat,
la déchéance de la femme de la femme par la faim,
l'atrophie de l'enfant pas la nuit, ne seront pas résolus;
tant que, dans certaine région l'asphyxie sociale sera possible ;
En D'autre termes, et à un point de vu plus étendu encore, tant qu'il y aura sur la terre, ignorance et misère,
des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.
Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaître l'ancien jeu des vers
Je ne suis plus rien et j'aime uniquement
Les fleurs à mes yeux redeviennent des flammes
Je médite divinement
Et je souris des êtres que je n'ai pas créés
Mais si le temps venait où l'ombre enfin solide
Se multipliait en réalisant la diversité formelle de mon amour
J'admirerais mon ouvrage
L’Adieu
Guillaume Apollinaire
J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
SIGNE
Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
Partant j'aime les fruits je déteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs
Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une épouse me suit c'est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
p140
Ses regards laissaient une traîne
D'étoiles dans les soirs tremblants
Et nos baisers mordus sanglants
Faisaient pleurer nos fées marraines
Mais en vérité je l'attends
Avec mon coeur avec mon âme
Et sur le pont des Reviens-t-'en
Si jamais revient cette femme
Je lui dirai Je suis content
-La chanson du Mal-Aimé, p30
A LA SANTE
VI
J'écoute les bruits de la ville
Et prisonnier sans horizon
Je ne vois rien qu'un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison
Le jour s'en va voici que brûle
Une lampe dans la prison
Nous sommes seuls dans ma cellule
Belle clarté Chère raison
Septembre 1911
p167
Un jour je m'attendais moi-même
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
-Cortège, p65