Vidéo de Henriette Bichonnier
Le monstre avait des poils partout : au nez, aux pieds, au dos, aux dents, aux yeux, et ailleurs.
Ce monstre-là rêvait de manger des gens. Tous les jours, il se postait devant sa caverne et disait, avec des ricanements sinistres :
– Le premier qui passe, je le mange.
Finalement, il arriva un jour où les parents décidèrent de ne plus envoyer leurs enfants à l'école à cause de la sorcière ...ils se mirent à inventer des sottises et des gros mots, à chanter des refrains débiles et à raconter des blagues stupides. La vie devint infernale pour les parents.
- Attention, je compte un...
- Poil aux mains !
- Deux...
- Poil aux yeux !
- Trois...
- Poil aux bras !
- Quatre !
- Poil aux pattes !
Le monstre, hors de lui, se roulait par terre de colère. C'était d'ailleurs très drôle à voir.
Benoît, le fils, apparut avec un boudin d'abats boudiné.
Le père, Nicolas, avec un bonbon battu dans le baba.
Le grand-père, Fortunat, avec un flan soufflé flou et froid.
La fille, Maria, avec un cochon chinois chicorné.
La mère, Laetitia, avec un saucisson niçois farci.
La grand-mère, Tatiana, avec une tapenade tapée en tas.
Le monstre, hors de lui, se roulait par terre de colère. C'était d'ailleurs très drôle à voir. Maintenant, il hurlait :
- Ce ne sont pas des manières de princesse !
- Poils aux fesses !
- Maintenant c'est fini !
- Poils au kiki !

Auteure de plus d'une centaine de livres pour enfants, Henriette Bichonnier est décédée à l'âge de 74 ans le 20 janvier 2018.
L'auteure jeunesse avait notamment écrit : le monstre poilu et le roi des bons. Dans une lettre, l'auteur-illustrateur Pef lui rend hommage.
"Chère Henriette,
Tu ne recevras pas cette lettre, feuille volante sans adresse, tu es partie je ne sais où sinon vers l’absence. Tu me téléphonas un jour de veille de Noël, me demandant si je voulais entendre une histoire en cadeau de parole. Il s’agissait bien sûr de l’horrifique aventure du Monstre Poilu. J’en ai sauté de joie et du désir de partager ton récit avec des enfants, en un mot, la faire éditer.
Trois mois plus tard, coup de fil de Pierre Marchand, le grand timonier de Gallimard Jeunesse :
– Écoute, Pef, on s’est trompés dans nos calculs d’édition d’une dizaine de "Folio Benjamin" en partance pour Trieste. Il en manque un, mais j’ai un texte épatant, une histoire de monstre poilu…
C’était ton histoire, Henriette, elle attendait dans une pile de manuscrits à l’équilibre incertain.
– Viens me voir, reprit Pierre, je te dirai pourquoi il faut que tu me dises oui.
Ce "oui", Henriette, je le portais déjà, même si j’étais alors sur d’autres projets.
Je ne savais pas qu’il y avait le feu, que je devais, dès le lendemain, revenir chez notre futur éditeur avec le découpage, puis partir aussitôt en Normandie en compagnie de Geneviève, mon épouse et coloriste. Sans te mettre au courant, chaque minute comptait, Henriette, j’ai sommairement fait les crayonnés puis, en trois jours et trois soirées, j’ai encré mes dessins, passant les noirs à Geneviève assise à côté de moi. Il ne fallait pas perdre une seconde.
Le lundi matin, j’ai porté les planches chez Gallimard. Compo et maquette dans la foulée. Tout est parti le soir dans l’avion de Trieste. Le vendredi suivant, imprimé et broché, le livre était dans mes mains et les tiennes.
Si j’ai pu tenir ce délai, Henriette, c’est que ton histoire était porteuse d’insolence autant que d’enthousiasme. Elle vivait déjà en moi depuis ce fameux Noël. Je ne te l’ai jamais dit, mais la petite Lucile a réellement existé. Elle doit avoir aujourd’hui la quarantaine. Je l’ai rencontrée en mai 81, au Havre, le lendemain de l’arrivée au pouvoir de Mitterrand. Elle était encore plus en retard que les enseignants perdus dans leurs commentaires égrenés en ma compagnie dans le couloir de l’école.
Cette petite a jailli entre nous en lançant un "Ça va, ça va, ça va ?" que j’entends encore.
Puis elle a disparu au premier coin mais nous avons vu sa tête réapparaître, le visage pouffant derrière sa petite main. Et les enseignants d’hausser les épaules en disant :
– Ah, celle-là, elle change pas…
Personne ne se doutait que cette petite de CP allait m’inspirer le personnage de Lucile, cette héroïne capable de faire exploser un monstre abominable.
Tu aimais beaucoup l’Italie, Henriette, où tu avais des attaches familiales. Nous y sommes allés plusieurs fois pour rencontrer les jeunes lecteurs du Mostro Peloso dont le succès, là-bas, ne s’est jamais démenti depuis trente-six ans. C’est pourquoi je ne te dis ni au revoir, ni adieu mais tout simplement : Ciao !"
"Je suis un crayon magique, répète le crayon avec orgueil.
- Parce que tu sais parler ? demande Emilie qui s'habitue peu à peu à l'idée qu'elle ne rêve pas.
- Oh ! pas seulement, répond le crayon d'un air important. Les dessins que je fais deviennent vrais. (p.11)
- Je suis le prince charmant, poil aux dents, déclara-t-il avec un beau sourire. Tu m'as délivré, poil au nez, d'un mauvais sort, poil au corps, qui me retenait prisonnier, poil aux pieds, depuis des années, poil au nez. Merci, poil au kiki. Tu me plais beaucoup, poil au cou. Veux-tu m'épouser, poil aux pieds, nous serons heureux, poil aux yeux.
- Mais alors, ours, tu n'es pas sourd !
L'ours répondit:
- Non, je n'entends que ce que je veux.
[p31]
Si jamais quelqu'un s'avisait d'être plus beau que lui, il envoyait ses soldats et faisait couper la tête du bel homme.