Henriette Chardak et ses lectures
Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire?
Un heros de notre temps de
Mikhaïl LermontovQuel est l’auteur qui vous a donné envie d’arrêter d’écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Ils sont nombreux :
William Shakespeare,
Mikhaïl BoulgakovQuelle est votre première grande découverte littéraire ?
Luigi PirandelloQuel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Le maitre et margueriteQuel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Cent ans de Solitude , le pire à avouer est que je l’ai commencé...
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
La Perle de
John Steinbeck, "le songe lunaire" et "la neige sexangulaire", nouvelles scientifiques de
Johannes Kepler, et récemment
Le Nazi et le Barbier de
Edgar Hilsenrath .
Les perles forment des colliers sans fin, j’y ajoute
Un Homme Trois Fois Français de
Maurice Obrejan.
Villa des hommes du regretté
Denis Guedj. Tous des oxymores sensibles qui oscillent entre texte brut et tendresse...
Temps de chien de
Patrice Nganang : un ravissement pour rire des hommes à travers les yeux d’un chien. Fabuleuse découverte.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Le discours de la methode de
René Descartes. Descartes a tout simplement pillé les têtes de chapitres de l’Oeuvre de Kepler. Il a attendu la mort de l’auteur (onze ans) avant de publier cet unique livre scientifique qu’il avait annoncé. Voilà ce qu’est pour moi, un livre surfait : il n’est pas fait. Il n’a pas de paternité réelle. Il m’est arrivé la même aventure. Après avoir écrit sur KEPLER et BRAHE, je fus copieusement copiée dans mes découvertes, sans être citée. Or, la longue maternité de livres ne supporte pas le kidnapping ! Pour en revenir à Descartes...
"Le Discours de la Méthode " n’est pas une bonne copie, car le plagiaire n’a pas compris le génie de Kepler qui avait calculé la vitesse variable de la Terre autour du Soleil, et les lois qui nous permettent d’aller sur la Lune, et nous permettrons d’aller sur Mars. N’est pas lumineux qui veut !
Avez vous une citation fétiche issue de la littérature ?
"La sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit."
Oscar WildeEt en ce moment que lisez-vous ?
Heptameron de
Marguerite de Navarre, et
Du côté d’ailleurs et de partout : Romans loufoques : Du côté d’ailleurs ; Les Pédicures de l’âme ; Du côté de partout ; Les feuilletons de L’Os à Moelle de
Pierre DacL’entretien de Henriette Chardak avec Babelio : Le mystère Rabelais
Vous avez beaucoup écrit de biographies, pourquoi ce choix de forme?
Avant de me lancer dans l’écriture libre, j’ai travaillé les figures imposées. Cela oblige à un travail de fourmi traînant une tonne de patience.
J’ai choisi la Vie (BIO) et l’écriture (Grapho) pour rendre hommage aux humanistes dont on connaît l’oeuvre, mais pas la vie, ni les moteurs de leurs oeuvres. Personnellement, cela m’a aidé à vivre, que d’admirer des disparus si vivants !
J’ai choisi des êtres magnifiques, exemplaires, autodidactes : Kepler, Brahé,
Elisée Reclus,
Pythagore, Vésale,
Miguel de Cervantès Saavedra… Ma curiosité me pousse à des interviews imaginaires, des recherches sans fin avant faire rentrer ces personnages disparus dans notre actualité sans véritables héros visibles.
Vous êtes à la fois journaliste et écrivain, une de vos deux facettes l’emporte-t-elle lorsque vous enquêtez sur la vie d’un personnage ayant existé?
Non. Le journaliste suit le scénario, l’écrivain met en scène.
Pour retrouver les fibres d’un être du passé : j’ai eu deux maîtres : Le regretté Pr Jacques Léauté criminologue pour l’enquête, et Ken Russell pour le cinéma. Ce qui explique que j’ai toujours le sentiment d’écrire des films de papier.
Mener une enquête, c’est pour moi devenir aventurière du temps perdu, voyager, bouquiner, tenter des ponts entre des détails historiques, résoudre des énigmes !!! J’adore ces moments où le cœur s’accélère. J’ai ainsi vu la Terre en marbre de Pythagore à Matelica (Italie) avec son découvreur local, compris les messages codés que s’envoyaient
François Rabelais et Marguerite de Navarre, etc.
(Quel magnifique ETC ! Découvrir des textes inédits, des objets remarquables et uniques : cela n’a pas de prix.)
La deuxième énorme joie consiste à raconter une histoire, à faire en sorte que le lecteur devienne spectateur, acteur, re-créateur du livre par sa lecture. Mais lorsqu’un livre est imprimé, le trac efface la joie et oblige à « faire mieux la prochaine fois ».
La rencontre avec un personnage ayant existé est une folie quotidienne, jusqu’au jour où il meurt vraiment… pour renaître je l’espère sous d’autres yeux…
C’est d’abord une biographie sur Rabelais Médecin, espion, moine défroqué, écrivain, astronome. Mais pour faire passer l’énorme découverte : le célèbre nom de son petit-fils dont l’année 2010 fête l’assassinat, j’ai préféré le thriller historique. Le sérieux de l’enquête reste identique, mais le style permet une vraie liberté, des sauts dans le temps, des allusions au monde contemporain, du suspens, un climax et quelques résolutions…
Mes trois héros modernes sont Will un collectionneur de livres anciens, Agathe, une journaliste débutante, et Raymond son rédac-chef. Ils découvrent le secret de Rabelais grâce à un manuscrit…
Face à Rabelais, l’une de ses filles jumelles qui prend ses confessions ultimes sous la dictée. Le secret de Rabelais est un secret d’état. Certains lecteurs riront, d’autres grinceront des dents, d’autres encore applaudiront j’espère.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire spécifiquement autour de François Rabelais
La joie, celle qu’il exprime comme thérapie, celle que je veux partager.
Il était l’ami de médecins comme Rondelet et Vésale, Cervantès a pleuré devant ses livres mis à l’index et brûlés. Rabelais fut pythagoricien. Il correspond à ma quête personnelle et à la quadrature d’un cercle : allier le rire à l’érudition, l’amour à la pensée, la gastronomie à l’astronomie. Rabelais n’était pas rabelaisien, il était fin de corps et d’esprit. Dans un monde triste et sans rires profonds, j’ai eu envie de faire réécouter le sien ! Ses ennemis l’ont présenté comme un grand gros buveur, j’ai voulu qu’on le connaisse tel qu’il était : généreux !
Quels sont vos procédés et vos habitudes lorsque vous vous attelez à l’écriture d’un nouveau roman?
Je range mon appartement pour effacer les traces de lutte et de désordre dues au précédent livre. Je cherche de la place pour le nouveau… Puis j’organise mes journées : lever très tôt, musiques, notes, infusion des données, sorties, voyages, préparations sur fiches virtuelles. Écriture douloureuse des premières pages, écriture de la fin du livre et ma conclusion. Attente…, je n’écris le livre, que lorsque je n’en puis plus d’avoir envie de raconter l’histoire. C’est pourquoi j’ai toujours un livre en attente !
- Un proverbe dit que "celui qui est tombé de cheval dit à l'âne qui le regarde qu'il a voulu descendre"!
- Un dicton précise : " donne un cheval à celui qui dit la vérité car il en aura besoin pour s'enfuir"!
Il y a trois catégories de personnes : celles qui voient, celles qui voient quand on leur montre, celles qui ne voient jamais rien. Léonard de Vinci.
- Et comment as-tu appris à faire les nuages, et les peaux ?
- La brume des montagnes m'a inspiré une technique soyeuse... Comme la terre m'aide à penser les canaux, le monde vivant à améliorer les horloges ! Marche après marche, on parvient au panorama de sa vie.
« Ce que Léonard terminait tuait, ce qu’il inachevait blessait. Peindre sans commande lui rendait son âme. » (p. 180)
La nuit, je rêvais que je surplombais la Toscane. La Toscane est aussi une herbe magique qui soigne les plaies et permet la beauté : alors je m'enivrais de ce désir de voler au-dessus d'un tapis de fleurs jaunes.
Le véritable roi des animaux est l'homme parce que sa brutalité dépasse celle de tous les autres. Léonard de Vinci
Le puzzle peut se reformer grâce à sa mémoire, en espérant qu'elle ne soit pas parasitée par l'âge qui filtre ce qu'on veut dire ou pas. Les jugements trop reflechis cloisonnent souvent. Trop de survivants sont déjà morts, et les vivants trop souvent oubliés.
A quelques miles de Stratfort-upon-Avon, les nouvelles devenaient aussi lugubres que les corbeaux à l'affût des trépassés. Un brouillard anéantissait l'horizon. Une jeune fille élégante marchait pesamment, affrontant une boue collante. Les clappements de ses pas sur les langues de terre humide lui déplaisaient tant qu'elle se mit à parler à l'homme qui l'a précédait, lequel portait sur le dos une marchandise puante :
- C'est bien vous l'apprenti gantier ?
- Gantier pour vous servir ! Vos mains sont dans ma mémoire, répondit le marcheur, sans se retourner.
- Et comment, je vous prie, connaissez-vous mes mains ?
- Sir Arden désire pour sa cadette un cuir souple d'Espagne, et je reconnaîtrais n'importe quelles mains que j'ai vues dessinées. Votre père m'a commandé deux paires de gants à partir de crayonnés faits autour de vos doigts effilés !
- Le gant dit-il tout de la personne, Mister John ?
- Oui, Miss Mary Arden. Et dans glove, n'y a-t-il pas love? Je suis votre glover . Le gant protège la main.
La nourriture prise sans appétit est nuisible à la santé. De même l’étude sans désir altère la mémoire et l’empêche d’assimiler ce qu’elle absorbe. Je considère toute substance comme divisible en une infinité de parts.
Les vers dorés sont à vous maintenant. Avant la purification et la perfection, la préparation. Écoute, jeune novice, et imprègne-toi de ces vers et fais-les tiens. Prépare-toi. Rends au(x) dieu(x) immortel(s) le culte consacré. Garde ensuite ta foi : révère la mémoire des Héros bienfaiteurs, des Esprits Demi-Dieux. Pour te purifier : sois bon fils, frère juste, époux tendre et bon père. Choisis l’ami de la vertu, cède à ses doux conseils, instruis-toi par sa vie, et pour un léger tort ne le quitte jamais, si tu le peux du moins : car une loi sévère attache la puissance à la Nécessité. Il t’est donné pourtant de combattre et de vaincre tes folles passions ; apprends à les dompter. Sois sobre, actif et chaste ; évite la colère. En public ou en secret, ne te permets jamais rien de mal ; et surtout respecte-toi toi-même. Ne parle ni n’agis sans avoir mûrement réfléchi. Sois juste. Souviens-toi qu’un pouvoir invincible ordonne de mourir ; que les biens, les honneurs facilement acquis sont également faciles à perdre. Et quant aux maux qu’entraîne avec soi le Destin, juge-les pour ce qu’ils sont : supporte-les et tâche autant que tu pourras d’en adoucir les traits. Aucun dieu n’a livré les plus sages aux soucis les plus cruels. Comme la Vérité, l’erreur a ses amants… Le philosophe approuve ou blâme avec prudence. Et si l’erreur triomphe, le philosophe s’éloigne, il attend. Écoute et grave bien en ton cœur ces paroles…