La claire Italie de
Henry Bordeaux
Tandis que tel savant, tel écrivain, tel artiste de réputation bien authentique sont oubliés dans la distribution des récompenses, un triste bonhomme politique, dépourvu de toute valeur réelle, mais qui, par ses promesses, ses courbettes et ses services, a trouvé moyen de rester en place un certain nombre d'années, d'occuper une mairie ou un siège au Parlement, est pris à grand fracas pour parrain. Tout ce fracas, d'ailleurs, est peine perdue. On ne ressuscite pas des morts aussi complètement rongés, pourris et mangés des vers. Il n'en reste rien, et personne, au bout de peu d'années, ne peut plus citer d'eux un trait, une phrase, un fait de grandeur ou de bienfaisance susceptible de maintenir leur mémoire. Ils n'évoquent plus qu'une odeur de cuisine électorale, quand ils ne sentent pas le néant.
Leurs partisans mêmes se souviennent de leurs petites habiletés qu'ils tâchent d'imiter à leur tour, mais ils sont incapables de leur découvrir le moindre de ces signes qui assurent la durée.
Chose pire : il arrive même que, dans la ferveur d'une fausse dévotion, ces partisans, complètement stupides et dépourvus d'un jugement qui remette au point les choses, aient élevé un monument ou commandé un buste en l'honneur du défunt.
Ainsi voit-on quelquefois, sur l'une ou l'autre place publique de petite ville, ou reléguée heureusement dans un coin obscur, lorsque la municipalité veut faire preuve de quelque sagesse, l'affreuse effigie, exécutée au rabais, du vieux député, du vieux sénateur, du vieux maire qu'on a tenté, par ce moyen, de sauver de l'oubli.
L'oubli est venu tout de même, sous cette formule lapidaire du touriste inquiet de son ignorance : Qui est-ce ?
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