Citations de Henry Bromell (33)
On commence tous par penser, si c'est bien le mot, et je n'en suis pas sûr, on commence tous par avoir le sentiment qu'une sorte de vie rangée, une sorte de vie heureuse est possible, et puis, lentement, inexorablement, sans qu'on s'en rende vraiment compte, ce sentiment devient une attente.
La plupart d'entre nous finissent par avoir l'impression que le bonheur est un sentiment de droit divin. Mais, devine quoi, ça ne l'est pas. Je n'ai pas appris grand chose sur terre, mais j'ai appris ça. Bonne nuit.
L'histoire rugissant dans le désert, n'en faisant qu'à sa tête.
A l'université, je me laissai un peu plus aller, sans aucun doute en découvrant que "mon père est un espion" était une entrée en matière géniale avec les filles.
Difficile de discuter avec un homme qui pense qu'il reçoit ses instructions directement du ciel, songea mon père.
Parfois, mon père semblait se cramponner comme si sa vie en dépendait tandis que la Land Rover rugissait dans le désert, n'en faisant qu'à sa tête.
L'histoire rugissant dans le désert, n'en faisant qu'à sa tête.
L'inertie de l'histoire, implacable et irrépressible, avançant vers vous à cent trente kilomètres à l'heure...
Après tout, mon père est mon père - secret, cachottier, le manque d'assurance personnifiée, mais malgré tout mon père. Je l'aime profondément, bien que nous ne soyons pas proches et ne l'ayons jamais été. Je ne sais pas si je lui fais confiance. Je ne sais même pas si je l 'aime bien, en tant que personne, en dehors du fait qu'il est mon père...
Bien que roi, il ne se sentait ce matin-là pas plus grand qu'une fourmi, luttant à l'aveuglette sur un parcours d'obstacles faits d'arbitraire et d'adversité dénuée de sens.
En observant de plus près, j’ai remarqué que beaucoup des soldats de plomb et des véhicules en métal étaient cabossés ou entaillés à cause des guerres sur le sol des chambres de nos maisons au Korach. Il manquait un œil à un fantassin de la Première Guerre mondiale, un bras à un tireur embusqué écossais, leurs chevaux à quelques membres de la cavalerie confédérée. Soudain, l’innocence a semblé avoir une vie intérieure plus sombre. Ces jouets muets étaient les vétérans de notre enfance, les survivants, mutilés, blessés et à moitié morts, enterrés pour toujours dans leurs souvenirs de douleur, de boue et de tonnerre, d’acier et d’obus hurlants. J’ai revu l’armée korachite vers 1958, qui conduisait toujours des chars britanniques, identiques si ce n’était par la taille au gros Centurion solide que je tenais maintenant dans ma main, les mêmes Hawker Hunter volant au-dessus de nos têtes, aussi petits, vus de là, que ces jouets, ce semblant d’armée de l’air. Une armée de jouets, une armée de l’air de jouets, commandée par un roi jouet. Tout ça pour amuser les enfants de l’empire, les enfants de Little America. Nous.
Un samedi matin de l’été 1957, presque cinq mois avant les événements en question, la porte d’entrée d’une modeste maison en stuc à un étage de P Street, dans le quartier de Georgetown, à Washington DC, s’ouvrit en grand, et je sortis avec ma mère et mon père. .
Si je suis convaincu que ce que je désire le plus au monde est une télévision, une jolie voiture rouge comme celle-ci, un beau costume infroissable, des bouteilles de Coca-cola dans mon nouveau réfrigérateur Westinghouse et si, pour obtenir ces choses-là, cette image-là de moi, je renonce, je me détourne, j'abandonne ma propre vie, ma propre culture, alors j'ai été conquis, me semble-t-il, ma chère madame Hooper.
C'est exaltant, cette charge totalement positive que contient la paranoïa, dont je pense parfois qu'il n'y a plus qu'elle pour servir au monde de fil conducteur, maintenant que la religion nous a abandonnés.
Quarante mille volumes de littérature grecque classique disparurent quand l'arsenal annexe de la grande bibliothèque d'Alexandrie brûla complètement en 41 av. J.-C. Qui sait ce qui fut perdu? Les véritables chefs-d'oeuvre, si ça se trouve. Sophocle était peut-être un dramaturge mineur, Platon un philosophe quelconque et de second plan.
Nous jouions à un jeu.
Le jeu s’appelait Espion.
Mon père et moi étions un agent et son officier traitant. Il devait me faire passer un message. Ma mère appartenait au contre-espionnage. Si elle nous attrapait en train de nous passer la missive, elle gagnait. Sinon, on gagnait. On gagnait toujours. Mon père gagnait toujours. Même dans cette version imaginaire de sa vie, il se devait de gagner. Avec le recul, je comprends que ma mère devait régulièrement endosser le rôle d’une sorte de souffre-douleur et perdre, encore et encore, face à mon père. Mais il est possible que ce jeu, auquel nous jouions le week-end depuis mes sept ans, ait aidé ma mère à se préparer pour ce mois de décembre 1958, quand mon père fut rappelé à Washington pour consultation et la laissa, à la grande consternation de tous les protagonistes, à la tête de la station d’Hamra.
[...] L'histoire est ce dont on choisit de se souvenir.
[...] Quarante mille volumes de littérature grecque classique disparurent quand l'arsenal annexe de la grande bibliothèque d'Alexandrie brûla complètement en 41 av. J.-C. Qui sait ce qui fut perdu? Les véritables chefs-d'oeuvre, si ça se trouve. Sophocle était peut-être un dramaturge mineur, Platon un philosophe quelconque et de second plan.
[...] - Vous travailliez pour la CIA, Renee. C’est plutôt cool.
- Pas un truc à crier sur les toits, à l’heure actuelle. C’est comme dire qu’on travaillait pour les SS ou un truc comme ça. Renverser des gouvernements de péquenauds innocents et heureux, assassiner des petits saints socialistes bien intentionnés non alignés, …
[...] Nous jouions à un jeu. Le jeu s’appelait Espion. Mon père et moi étions un agent et son officier traitant. Il devait me faire passer un message. Ma mère appartenait au contre-espionnage. Si elle nous attrapait en train de nous passer la missive, elle gagnait. Sinon, on gagnait. On gagnait toujours. Mon père gagnait toujours.
Il vit selon un certain code, chevalier sachant qu'il doit rapport de ses batailles non pas les boucliers de ses ennemis abattus, mais l'information sacrée, sacrée parce qu'elle peut être utilisée pour prévoir et manipuler le sort des autres, sans aucun doute un pouvoir divin, s'il en est. Connaître nos secrets est son Saint Graal. Il est agent secret. Il est espion. Il est mon père.
L'honnêteté intellectuelle, la distance critique, les bonnes manières d'une tribune, des bases historiques approfondies - voilà ce dont, à son avis, les Arabes avaient un besoin si désespéré, et toutes étaient - et là, l'ironie le fit grimacer tandis qu'il allumait une autre de ses cigarettes du coeur de la nuit - toutes étaient des notions occidentales.
Mais bien sûr, il n'y a pas de paradis, il n'y a pas d'enfer, hormis ce que nous en connaissons ici, sur terre, ce qui est amplement suffisant, si vous voulez mon avis, plus qu'assez de souffrance et d'extase pour tous.