Alors, que penser de ce dîner ? Il me fait penser à un repas dans un restaurant que l’on découvre pour la première fois, tout nouveau, tout beau : l’originalité des plats se succédant sur la table séduit, mais ensuite, l’ensemble laisse un petit je ne sais quoi de frustrant, d’imparfait, d'amer. Dans le cas de ce roman, l’histoire et la construction font tout le sel du récit, raconté à la première personne par l’un des participants au repas. Paul vient dîner avec sa femme, son frère et sa belle-sœur dans un restaurant plutôt haut de gamme, dans le but annoncé d'avoir une discussion importante à propos de leurs enfants. On sent tout de suite des ressentiments cachés entre eux. Pourtant, la conversation roule sur des sujets anodins, films à l’affiche, prochaines vacances, tardant à en venir à ce qui les préoccupe vraiment.
Paul et Claire ont un fils de seize ans, Simon et Babette ont de leur côté trois enfants, dont l’un a été adopté. Ces adolescents sont en pleine période de recherche de leur propre personnalité, ce qui justifie sans doute le homard de la couverture... Mais cette recherche a poussé deux d'entre eux vraiment trop loin, ils ont commis un acte à la fois violent et impardonnable. Chacun des parents est dans une certaine mesure au courant de cet acte. Sur quelle réaction commune vont-ils se mettre d’accord, sachant que Simon, politicien très en vue, et Babette, semblent avoir quelques dissensions, alors que Paul, enseignant en disponiblité, et Claire, femme plutôt maîtresse d’elle-même, montrent une certaine complicité ? Et que les deux couples n'ont guère de points communs ?
Par des retours en arrière, le lecteur en apprend plus sur la personnalité de chacun, mais de manière toujours un peu biaisée, puisque tout est vu par le regard de Paul. Paul dont la personnalité est extrêmement difficile à cerner. Dans le récit de ce narrateur, ce qu'il ne dit pas est souvent bien plus important que ce qu'il dit.
Le cynisme, bien davantage que l’humour annoncé, imprègne ce roman à la construction impeccable, qui en divulgue juste assez pour entraîner le lecteur d’un questionnement à un autre… Les thèmes abordés, l’inné et l’acquis, l’esprit de famille, la notion de bonheur, sont aussi captivants que dérangeants. Il faut cependant reconnaître que l’écriture manque de relief, et empêche d’en faire un excellent roman. Mais quelle histoire !
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